Une poignée de mois après l’accession de Sarkozy au pouvoir, quels enseignements pouvons-nous tirer de son action ?
Bref retour en arrière : malgré une campagne qui ratissait très large (catalogue de promesses ajusté en fonction du public du jour), quelques lignes de force se dégageaient de son programme présidentiel : modernisation de l’appareil public (allant de pair avec une fonte de ses moyens et de ses effectifs), « libération » des énergies et promotion de l’initiative privée, réhabilitation des valeurs traditionnelles de droite (sécurité, fierté nationale…). Bref, les contours classiques d’un programme de droite libérale.
Qu’en est-il 18 mois après la présidentielle ?
Même si l’on chasse de la main l’écran de fumée constitué par l’activisme présidentiel et la profusion de réformes, on ne peut que constater une certaine confusion. Ce n’est pas peu dire que, si Sarkozy a gardé le cap du dynamisme et de l’activisme, il n’a pas conservé celui de la cohérence de la ligne politique.
L’impression qui domine est en effet celle d’une politique menée sans grand fil conducteur. Certes, les éléments imprévus (crise financière puis économique internationale) et les diverses reculades (réforme des lycées, travail le dimanche, fichier Edvige, réforme d’attribution de la DSU…) n’ont pas arrangé les choses.
Citons quelques contradictions flagrantes qui caractérisent aujourd’hui la politique sarkozienne :
- Contradiction entre le « travailler plus pour gagner plus » (et l’ingénierie légalo-financière qui va avec : libéralisation du droit du travail, paquet fiscal…) et le revirement (au moins dans le discours) consécutif à la crise financière, promettant le retour de l’Etat régulateur et protecteur ;
- Contradiction entre l’incessante affirmation de la nécessité d’investir dans les facteurs de dynamisme et de création des richesses de demain (Sarko pense à la recherche, à l’innovation, aux filières économiques en émergence) et les économies drastiques réalisées dans des domaines aussi essentiels pour l’avenir que ceux de l’éducation nationale et de la santé ;
- Contradiction entre l’idéologie véhiculée par le Grenelle de l’Environnement (virage vers la sobriété énergétique et la préservation durable des ressources naturelles) et l’activisme fébrile autour de la relance de la consommation (y compris par des mesures aussi anti-environnementales que celle des logements à 15€ par jour) ;
- Contradiction entre les efforts de modernisation de l’appareil d’Etat (simplification des procédures administratives, réformes institutionnelles, transparence et évaluation des politiques publiques…) et une série de mesures d’un autre temps qui font craindre un recul de la démocratie et des libertés publiques (limitation du temps de débat à l’Assemblée, suppression du juge d’instruction, président de France Télévision nommé par le Président de la République….) ;
- Contradiction entre l’affirmation de l’identité nationale (à travers la politique migratoire ou la glorification du passé national) et l’abandon quasiment assumé des banlieues sensibles (plan Espoir Banlieue sans moyens, acceptation de déséquilibres financiers abyssaux entre communes), abandon qui creuse chaque jour davantage les fractures internes de notre société.
Finalement, parler de l’incohérence de l’action publique, n’est-ce pas tout simplement décrire les conditions de son impuissance ? Autre paradoxe de Sarkozy, qui n’a de cesse de vouloir nous prouver chaque jour que, par sa volonté et son courage, il est en train de changer le monde !