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Hip Hop: mode ou gang de rue?

Publié le 10 janvier 2009 par Raymond Viger

Hip Hop: mode ou gang de rue?

Murielle Chatelier   Dossier Hip Hop et gang de rue

Ils sont «yo». Ils rejettent les normes. Ils ont adopté la culture hip-hop. Ce sont parfois des Québécois d’origine étrangère, haïtienne, latino-américaine, chinoise, parfois des Québécois dits de souche. Ils font des «fuck you» à la police. Ils ont l’air de petits truands. Ces jeunes sont-ils des membres de gangs de rue?

Les adeptes de la culture hip-hop ne passent pas inaperçus. Pantalons au ras des fesses, chandails amples aussi longs que des robes, bijoux style «bling-bling», démarche trop cool pour être naturelle, avec en prime une attitude de hors-la-loi. Ils passent encore moins inaperçus quand ils sont impliqués dans des actes de nature criminelle et qu’ils font les manchettes. Mais ils trouvent que les médias les associent trop vite aux gangs de rue, comme lors de la mémorable émeute de Montréal-Nord, en août dernier. «Dès qu’on parle des jeunes qui adoptent le style hip-hop, tout est classé gang de rue», s’exapère Dub-D, un producteur de musique hip-hop qui vit dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

Avec sa peau blanche et son style «yo» plutôt décent, il ne se sent pas moins opprimé que les jeunes issus de communautés culturelles. «On est peut-être des jeunes de rue, mais pas nécessairement des membres de gangs de rue!» Tatoué de toutes parts, il revendique constamment haut et fort son statut de contribuable, mérité à la sueur de son front.

Gang de rue: stéréotypes tenaces

Charles Ali Nestor, le fondateur de l’école d’arts martiaux Ness Martial - et aussi le personnage principal du premier documentaire de Dan Bigras, Le Ring intérieur - ne comprend pas non plus pourquoi on parle tant des membres de gangs de rue dans les médias. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n’en a répertorié qu’entre 300 et 500 sur toute l’île de Montréal. « Les événements de Montréal-Nord et les débats sur les gangs de rue qui s’en sont suivis sont un bon exemple du mauvais lien que font les gens avec les gangs de rue.»

Ayant lui-même fait partie de gangs de rue dans son adolescence, le boxeur de 34 ans - et son âge rappelle du même coup que le phénomène des gangs n’a rien de nouveau - en a ras le bol de ces équations. « Aujourd’hui, on ne peut plus associer la culture hip-hop aux gangs de rue. Quand il y a eu l’émeute, on a parlé de gangs et de Noirs, et ça n’avait rien à voir! Les jeunes qui ont fait de la casse étaient des frimeurs. Et le vandale qui transportait une grosse télé volée sur sa tête et qu’on a tous vu dans les médias n’était pas un Noir!»

Pour se faire accepter par la société, Nestor s’est résolu à changer de style, à remonter ses pantalons et à couper ses cheveux. «Dans mon jeune temps, à la fin des années 80, je n’avais pas le choix de changer pour faire ma place. À cette époque, le hip-hop était un mouvement de rébellion des Noirs. Aujourd’hui, c’est une vaste culture urbaine qu’on retrouve dans le monde entier,. Il y a des groupes de Blancs qui adhèrent à la culture hip hop et qui ne se tiennent pas avec des Noirs.»

Profilage gang de rue et hip-hop

Se faire arrêter constamment par la police, les jeunes au style hip-hop en ont marre. « Les policiers outrepassent leurs droits d’agents de la paix, estime Dub-D. On dirait qu’ils se croient tout permis.»

Malgré son statut de personnalité publique, Charles Ali Nestor a déjà fait l’objet de profilage racial. «J’allais à un gala de boxe avec des jeunes, et je m’étais habillé comme eux pour la circonstance. Je conduis une Jeep de l’année, et on m’a arrêté sans raison. Un Noir avec des vêtements hip-hop au volant d’une belle voiture, c’est souvent suspect. Quand les policiers ont vu mon nom sur mes pièces d’identité, ils ont dit : «Ah, vous êtes le boxeur». Et ils m’ont laissé aller, sans autre forme de procès.»

Dub-D affirme avoir lui aussi été victime de ce genre de discrimination. «Le problème du profilage  touche tous les jeunes, dans tous les quartiers. J’ai déjà été à un party dans un appartement situé sur la rue Mont-Royal, et les policiers sont arrivés sans aucune raison pour nous disperser. C’était pourtant une soirée «relax» bien ordinaire.»

Charles Ali Nestor estime que les médias ont une part importante de responsabilité dans cette vision négative du hip-hop. «Souvent, les médias ne rapportent pas la bonne information. Ils sont les premiers à faire du profilage en associant continuellement les Noirs habillés selon le style hip-hop aux gangs de rue. Ce serait bien qu’ils commencent à parler plus des différents organismes qui sont là pour écouter ces jeunes qui vivent dans la marginalité.»

Gangstérisme et Hip Hop

L’un des traits caractéristiques des «jeunes de la rue» est leur besoin de se masser en gang. Rencontré dans une pizzéria de Montréal-Nord, Général, un jeune rappeur d’origine africaine, ne voit rien de mal à se regrouper entre amis et à boire sur le coin d’une rue en fumant un joint. «Dans notre langage, on appelle ça un «chilling». C’est comme un 5 à 7, sauf que c’est dans la rue et que ça dure peut-être plus que 2 heures.»

No Luv, un infographe rencontré au cours d’un de ces «chilling» dans le nord de la ville, croit que le style vestimentaire ne peut pas déterminer une personnalité. «Tu me vois là comme ça avec mon allure de «gangster», mais demain matin, je vais travailler de 9 à 5 comme tout le monde.» Propriétaire d’un condo, il dit avoir dû verser plusieurs mois d’acompte avant d’en prendre possession. «À cause de mon apparence.»

Tous des enfants de chœur et des travailleurs honnêtes alors? «Euh, non, peut-être pas, bafouille Général, mais ce n’est pas une raison pour nous associer inévitablement à un gang.» Combines, trafic d’armes et de drogue sont des termes pourtant courants dans leur langage. Et les activités illicites semblent faire partie de leur quotidien. «Pourquoi veux-tu que je travaille pendant une semaine pour 500 $ si je peux faire le même montant en un jour», me questionne un «chilleur».

Bien que ces jeunes refusent obstinément d’être identifiés à des gangs de rue, ils correspondent aux profils dressés par le Service de police de la Ville de Montréal qui indique que «lorsque la violence et la criminalité prennent le dessus sur la vie de groupe, on s’approche, selon divers degrés, vers le profil d’un gang de rue».

Parole de jeunes sur le Hip Hop et les gangs de rue

Les jeunes adeptes du hip-hop se sentent victimes de profilage par les policiers en raison de leur habillement, identique à celui des membres de gangs de rue qui font eux aussi partie de la même culture.

Qu’en est-il des crimes commis par des gens vêtus de veston-cravate? Issus d’une culture qui implique le port du costume, les Vincent Lacroix de ce monde forcent-ils les policiers à arrêter tous les biens vêtus de la province? Y a-t-il profilage de la part des policiers dès qu’une personne bien habillée, conduisant une dispendieuse voiture, passe sur leur chemin? Les policiers, de même que la société, sont-ils en mesure de différencier les Vincent Lacroix des hommes d’affaires honnêtes? Les policiers débarquent-ils chez les fraudeurs à cravate, dont les dommages se comptent par centaines de millions, pour associer à leurs combines toutes les personnes qui gravitent autour d’eux?

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