Magazine Journal intime

Miroir d'un texte de Butch

Par Eric Mccomber
Lire l'original de Gaétan Bouchard, qui m'a rappelé l'anecdote qui suit.
Un truc semblable m'est arrivé trois fois en douze ans dans mon épicerie de quartier à Mtl. Une fois le mec a voulu voir mon bluff et m'a attendu dehors après m'avoir hurlé des tas de trucs. Il avait giflé son fils, envoyé chier la caissière, bousculé un robineux. Je suis sorti et je l'ai vu. Ok. J'ai rangé mes lunettes, déposé mes sacs, et je suis allé le rejoindre. Pof ! Je l'ai poussé, pour me mettre en train… juste une bonne poussette, comme pour briser la gêne. Il est allé rouler dans le banc de neige, à cinq mètres de là ! Sa blonde, couverte de honte, est partie en m'injuriant et en traînant son bambin hors contrôle par le capuchon du manteau.
Le matamore s'est relevé. Il pleurait.
— Man ! Toué t'es-t'un vra. Man ! Man !
Il pleurait à chaudes larmes.
— Man ! Stie que j'en peux pus ! Chufffatiké ! Esti chufffatiké ! C'est trop dur, la vie, buddy…
Ça m'a pris à la gorge et je n'ai pas pu réprimer un sanglot, tellement c'était vrai. Alors j'ai ramassé mes sacs et j'ai traversé la rue vers chez nous. Il m'a suivi en dégouttant du nez et en gémissant :
— Toué t'es mon chum, toué t'es mon chum ! Tu-veux-tu être mon chum, man ! Tu te laisses pas manger la laine su'l'dos, toué. T'es pas comme toutes les autres, asti d'câlisse de tabarnak ! Ké-bé-coué, asti ! Ké-bé-coué d'french-canadian-peasoup, esti ! Toutes des pissous, câlisse… Eh, attends-moué, esti, padeyou's'tu resse, man ?!
Je me suis retourné et je l'ai appuyé dans le mur du club vidéo. Mes sacs d'épicerie dans la gauche, ma droite à sa gorge. Je l'ai fixé dans les yeux. Il avait de petites pupilles très bleues, injectées de sang. Il bougeait, tentait de se défaire, mais je l'avais cloué là, la nuque sur la brique blanche. J'étais bien décidé à l'envoyer aux urgences pour un long séjour, mais pour ça, fallait que je lâche mes sacs d'épicerie, qui allaient tomber dans la sloche brune. Comme je tentais de résoudre ce dilemme, il a faibli, s'est mis à glisser le long du mur, s'est assis par terre devant moi. Le cul dans la neige dégueulasse, juste sous une gouttière.
— Va chier, esti. Va chier.
J'ai repris ma route vers l'Est, et ce n'est qu'en tournant sur Messier par le terrain vague que les tremblements se sont emparés de mon corps. Je pensais à mon cher pote Pedro qui cite souvent Lacan : « l'hystérique… un esclave qui cherche un maître sur qui régner ».© Éric McComber

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