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2009 année du rebond / par Alain Sueur

Publié le 12 janvier 2009 par Argoul

C’est entendu, la « crise » s’annonce sévère, d’autant plus qu’elle manifeste un changement de monde. Comme nul ne sait où il va, chacun renchérit dans le « principe de précaution » et rajoute du noir à son esquisse. Exit le monde reaganien des années 1980 où liberté rime avec anarchie. Exit le monde néo-conservateur des années 2000 où démocratie rime avec gros bâton. Exit le monde chéri de la mondialisation où des Chinois payés une misère exploitent des matières premières achetées pas cher dans le trou noir de la planète, l’Afrique en débandade, pour servir le gaspillage des vedettes médiatiques occidentales qui se prennent pour les élites de la planète. Nous allons vers un autre monde, plus austère, plus solidaire, plus équilibré. 2009 devrait le voir naître, ce pourquoi je ne suis pas pessimiste. Les marchés boursiers, ces antennes sensibles qui vivent d’anticipation, vont le montrer d’ici l’été peut-être, ou dès la fin d’année. Avant que l’économie ne le montre, vers 2010 en Europe continentale.

Pourquoi ce relatif optimisme ? Certes, la crise économique doit d’abord déployer tous ses effets – notamment le chômage et les faillites - avant le soulagement de la voir se résorber – par l’investissement et les fusions. Mais c’est l’anticipation du pire qui marquera le creux des marchés, pas le creux lui-même. Les marchés repartiront avant l’économie réelle, comme toujours. C’est normal, ils sont les antennes sensibles qui anticipent, puisque fondés uniquement sur le risque futur. Il devrait donc s’agir d’une question de mois, pas d’années. Certes, le chômage frappera encore et le Budget français sombrera dans le déficit accru avant que le bout du tunnel n’apparaisse à l’horizon, peut-être d’ici un an ou deux, compte-tenu de l’inertie française et de l’effet retard habituel sur l’économie-monde. Mais il suffit que la reprise vienne ailleurs dans le monde pour que les esprits repassent à l’optimisme, même si cela ne se voit pas aussi vite dans le concret.

Boule de cristal

Je vois sur 2009 deux menaces et deux espoirs.

Les menaces sont géopolitiques plus qu’économiques, mais les échanges sont liés à la stabilité politique du monde. Elles viennent du Pakistan et de Chine. Le Pakistan est ce pays charnière au croisement de trois empires, la Chine, l’Inde et l’Iran, la Russie n’étant pas loin. Chacun de ces pays est nucléaire (ou presque), ayant sa religion, ses craintes et ses intérêts à défendre. Le Pakistan est une chaudière démographique et idéologique, tenu à peine par l’armée, et possédant la Bombe A. Le basculement de l’épicentre du combat « musulman » d’Irak vers l’Afghanistan va faire bouillonner un peu plus le Pakistan, d’autant que l’Inde menace, ayant assez des attentats sur son sol. Aux Etats-Unis et à la Chine de faire pression pour calmer le jeu, peut-être à la Russie si elle en a encore les moyens, et à l’Iran, si les Etats-Unis changent leur attitude négative contre la négociation politique. Le Pakistan, au cœur du monde arabe, menacerait la route du pétrole et l’équilibre des relations internationales, chaque zone étant sommée de choisir son camp.

La menace chinoise est en Chine même : la croissance faiblit et les millions de mingongs, ces paysans déplacés vivant à la périphérie des villes, au statut ouvrier précaire et en butte aux tracasseries administratives d’une bureaucratie de parti, sont une bombe sociale à retardement. Il suffirait que, comme en 1989, la crise sociale rejoigne la crise idéologique menée par les étudiants à l’université pour que le pouvoir central soit bel et bien menacé. Il réagirait alors comme il a toujours fait : de façon stalinienne, précipitant le pays dans un chaos d’autant plus grand que la Chine a bien changé depuis 20 ans. Si la Chine ne produit plus autant de biens à bas prix, l’inflation rebondira partout et l’austérité vécue, déprimant les économies développées par le rebond des coûts, serait sans commune mesure avec celle que nous mettons volontairement en œuvre pour raisons écologiques.

Les espoirs sont Barack Obama et l’euro. Barack Obama parce qu’une nouvelle Amérique est en train d’émerger et que, malgré le rêve qui devra être tempéré par les faits, Obama l’incarne plus que les autres. Il ne sera probablement pas révolutionnaire, n’en déplaise aux utopistes (notamment européens, et notamment de gauche). Mais son centrisme devrait recentrer les Etats-Unis sur leurs valeurs des Lumières, dans la lignée de Lincoln, Roosevelt et Kennedy. Le véritable problème américain, celui du gaspillage, devra être pris à bras le corps : gaspillage des gros pick-up polluants et des industries mal gérées, gaspillage d’une consommation effrénée et à crédit, gaspillage du travail mal rémunéré, des études mal conduites et des gens mal soignés, gaspillage de moyens à l’étranger sans commune mesure avec les buts recherchés (guerre en Irak, subventions à fonds perdus d’un Pakistan hostile, tenue à bout de bras d’une Egypte irréformable et d’un Israël sans perspectives), gaspillage économique du mauvais partage de la valeur ajoutée en faveur des seuls actionnaires, au détriment de l’efficacité long terme. Un pays plus collectif où l’épargne remonterait réduirait les déséquilibres financiers porteurs de menaces sur l’avenir. Un pays qui investirait dans le durable prendrait une avance technologique que nous autres Européens auront du mal à soutenir, faute des mêmes moyens mais surtout de la même volonté. Qu’importe : nous serons à la traîne, comme pour les nouvelles technologies, mais nous suivront – bien obligés. Pour le plus grand bien de la planète.

L’euro a montré qu’une monnaie gérée par une banque centrale puissante et indépendante, assise sur une zone économique d’un demi milliard d’habitants, avait pour vertu la stabilité en cas de crise. Chacun sait qu’il manque à l’Europe de l’Union une coordination fédérale des politiques budgétaires et fiscales, voire quelques programmes économiques communs. Mais l’établissement d’une monnaie unique a protégé chacun des pays soumis à la crise dans un ensemble bien assis, garant des emprunts émis. A l’inverse, les pays hors-zone, l’Angleterre, le Danemark, la Hongrie, l’Islande, ont été obligés soit de dévaluer, soit d’accentuer leurs plans de relance pour garder la tête hors de l’eau. Le monde devenant plus dur dans la compétition, le leader de l’économie-monde affaibli, des zones économiques stables sont un havre attirant ; elles devraient se développer dans les années qui viennent (l’Asie y pense sérieusement) et la zone euro en est la pionnière.

On le voit, les menaces ne sont que potentielles alors que les espoirs sont réels : Barack Obama est élu et l’euro existe depuis 10 ans. Encore une fois, c’est à la politique de jouer : rapports de forces diplomatiques, coopération économique internationale, politiques intérieures, orientations fiscales. Pour nous, il faut avoir la volonté de l’Europe, et pas tout attendre de l’Amérique. Mais l’an 9 devrait marquer la transition.

Alain Sueur, auteur des“Outils de la stratégie boursière”  et rédac chef du Blog Boursier écrit régulièrement sur Fugues.


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