Le collectif des habitants de Rebeuss compte aller jusqu’au bout pour faire reculer l’Etat du Sénégal et les chinois de leur projet de centre d’affaires sur le site du stade Assane Diouf. Cela, en dépit de l’interdiction de rassemblements aux alentours dudit stade oů les travaux ont déjŕ démarré.
Tout au long de la rue Belfort, une cohorte d’éléments du Groupement d’intervention mobile (Gmi) s’aligne aux abords du mur de clôture du stade Assane Diouf. Certains sont assis, d’autres debout et veillant scrupuleusement sur tout ce qui bouge. A l’intérieur, les vrombissements perçants des engins de sondage du sol du stade męlés ŕ l’appel du muezzin passant par les haut-parleurs fixés sur les minarets de la mosquée omarienne qui font face au mirador de la prison de Rebeuss. Sans l’ombre d’une sentinelle. Peut-ętre que ces mômes, hors de la pelouse, ne verront plus, sous peu, de l’espace pour taquiner leur petit ballon qui va ŕ bout portant s’installer sur le front de ce policier qui ne trouve qu’ŕ les avertir : «Hey, arrętez !»
Les fourgonnettes plein d’éléments de la police s’aperçoivent ŕ travers les trous dérobés du stade Assane Diouf dont les habitants pleurent encore la mort ŕ petit coups de pioches des sondeurs chinois. Sous l’œil protecteur des forces de l’ordre, dont certains -en chômage- font leurs ablutions alors que d’autres prient. Les gradins qui ploient sous les décombres souffrent de la nostalgie de ses spectateurs. Des toilettes érigées en une décharge d’immondices et d’ordures jurent d’avec des vestiaires accueillants et contrastent avec la gracieuse brise qu’offre la Corniche et ses bagnoles arrogantes.
Un vent de sable souffle sur Rebeuss, perturbant le calme imposé par l’interdiction de «tous attroupements, rassemblements et manifestations de personnes dans et aux alentours du stade Assane Diouf ayant pour objet de protester contre les travaux dans l’enceinte dudit stade», selon les termes de l’arręté préfectoral daté du 9 janvier 2009. «Mais nous, nous l’(l’arręté) avons reçu ce matin», souligne Moustapha Niang, porte-parole du Collectif René Sanchez pour la sauvegarde et la réhabilitation du stade Assane Diouf. Devant une maison jouxtant la rue Mangin, des vieux feuillettent des journaux et renseignent, sous les bruits de rabotage de ce menuisier métallique, que l’assemblée générale initialement prévue va se tenir ŕ 15 heures 30.
Les allers et retours des poulies conduites par les Chinois assistés par des ouvriers sénégalais confirment que les Chinois ont bien marqué leur but dans le camp adverse. On est plus au stade de démolition de février 2008, mais de coup d’envoi d’une construction d’un centre d’affaires dénommé Kawsara. Un coup d’envoi aussi d’un match, qui a démarré avec les soupirs des impuissants en mal de mobilisation, qui, au regard de la détermination et de la motivation proclamées du collectif, serait trčs disputé. Męme l’arbitre, le Président de la République, Me Wade, qui a rangé son sifflet pour «favoriser» les Chinois, fait désormais partie des adversaires dudit collectif. «Il n’a pas tenu sa promesse. Le Président attendait la fin des Navétanes (championnat local) pour «avaliser» la construction du projet. L’année derničre, c’était en plein Magal de Touba ; cette année, le 7 janvier, c’était en pleine Tamkharit (Achoura). Sont-ils dans leur droit en choisissant de tels événements ? Nous utiliseront tous les moyens légaux pour arręter ses travaux.»
Les quelques matériels de fondement sont ŕ męme le sol, mais surveillés comme un attaquant dans une surface de réparation. Les deux équipes (chinoise et rebeussoise) ont quand męme failli jouer un match lorsque les cameramen ont voulu pointer leurs objectifs sur les travailleurs. Des jeunes, dit-on, réunis autour d’un mouvement parallčle qui se sont braqués contre toute prise de vue. «Non, ne répondez pas ŕ la provocation. Ce sont des gosses que l’on connaît et qui sont manipulés», lance un des membres des réfractaires ŕ la construction du centre d’affaires.
Wade aurait-il trahi Lamine Diack ?
En 2007, alors que la tension était ŕ son plus haut niveau, entre les jeunes de Rebeuss et les autorités, des personnalités du milieu sportif comme Lamine Diack, natif du quartier, avaient dénoncé «ce deal» avec les Chinois et offert, en męme temps, leur médiation. Tout récemment, rapporte-t-on, en présence du frčre du président de la Fédération internationale de l’athlétisme amateur (Ifaa), M. Diack avait révélé avoir obtenu du Président Wade, pas plus tard qu’hier (vendredi), le retrait des Chinois du projet. Et, soutient-on, «c’était une information béton». Mais Pape Cheikh Niang, croit savoir que c’est la «versatilité», de Wade qui a encore joué.