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Débattre du travail, est-ce possible ?

Publié le 12 janvier 2009 par Ttdo

Débattre du travail est à la fois indispensable et difficile. Indispensable, tant le travail occupe encore aujourd’hui une place centrale, comme l’a démontré la dernière campagne présidentielle. Comme « valeur » de construction et de reconnaissance de l’individu par lui-même et par les autres. Comme « moyen », par l’intermédiaire  de l’emploi salarié pour l’immense majorité des individus (plus de 90% de la population active en France),   de subvenir à leurs besoins vitaux et de contribuer au fonctionnement de la société. Difficile tant le terme de travail est à la fois connoté moralement et psychologiquement, décontextualisé dans l’espace et dans le temps. Débattre du travail nécessite de savoir poser des distinctions et des liens.

C’est ce qu’a fait, dès 1958, Hannah Arendt dans Condition de l’homme moderne en donnant une vision à la fois historique et transhistorique de la vie active (vita activa) considérée par opposition à la vie contemplative (vita contemplativa). Les définitions, distinctions et liens qu’elle a, à cette occasion, développés restent, à ce jour, complètement opérationnels et sans équivalent. 

Elle distingue trois modalités dans la vie active.

Le travail (labor) qui a pour seul objet la survie de l’individu et de l’espèce et qui fait de  l’homme un animal laborans.

L’œuvre qui a pour objet de construire le monde dans lequel les humains vivent et fait d’eux des  homo faber, des créateurs, des constructeurs. Autant le travail s’épuise dans la consommation autant l’œuvre laisse une trace plus durable que l’individu à travers les objets qui, comme une table, relient et séparent les hommes.

L’action, enfin, par laquelle les humains se révèlent aux autres au sein du monde qu’ils contribuent à construire.

En trois chapitres Hannah Arendt détaille ces trois modalités, les distingue et les relie.

Elle termine son livre par une vision de ce que la vie active est devenue avec l’époque moderne. Elle note le renversement de hiérarchie qui s’est produit avec le développement de sociétés de travailleurs puis d’employés, qu’elle oppose aux sociétés de producteurs qui les ont précédées. Le mot œuvre (work) existe toujours mais c’est le terme travail (labor) qui a pris le dessus. Toute activité est devenue un gagne-pain qui, par le processus de la marchandisation généralisée et de la consommation, a perdu progressivement toute capacité de créer un monde durable et habitable, et qui entraîne les humains dans un processus infini et destructeur.

Je me propose en quelques billets de fournir une vision, la plus abordable possible, sur l’ensemble des perspectives ouvertes par cet extraordinaire livre et plus largement par la pensée d’un auteur, beaucoup citée et malheureusement peu lue et encore moins « travaillée ».

Y seront abordés : travail, œuvre et action, domaines privé, public et social, richesse et propriété, division du travail et spécialisation de l’œuvre, aliénation par rapport à la terre et par rapport au monde, remplacement des produits (objets, outils,..) par les processus,….

A suivre…


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