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L'humain moyen dans ses œuvres

Publié le 13 janvier 2009 par Doespirito @Doespirito

18975379 Je viens de voir le dernier film des frères Coen, “Burn after Reading”. Honnêtement, pas le meilleur de leur production. Bien fait, bien filmé, correct sans plus, un peu brouillon dans le scénario et le rôle dévolu aux personnages. Les acteurs sont à contre-emploi, avec un Brad Pitt en moniteur de salle de sport dégingandé et George Clooney en séducteur trompé, barbu et parano, inventeur dans sa cave d’un désopilant fauteuil relaxant à sex toy intégré. Il faut le voir aller à Home Depot, le Leroy Merlin local, pour acheter des tuyaux et des barres de fer comme le premier clampin bricoleur du dimanche venu… Black & Decker? What else!

Tout ce petit monde de demi-sel, de faux espions grenouillant dans un théâtre d’ombres qu’ils ont construit eux-mêmes, fait vaciller sans le savoir un autre monde tout aussi cafardeux d’autorités publiques et d’organismes gouvernementaux. Lesquels sont prêts à intervenir avec leurs gros sabots dès qu’ils reniflent l’odeur du début de l’esquisse d’un complot. Ne serait-ce que pour justifier leurs confortables émoluments et le monopole de la force légitime qui caractérise la puissance publique. Je trouve tout ça assez bien vu.

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Nous y voilà. Je me suis dit en sortant que je plaignais les concepteurs de tous les systèmes sensés nous espionner (les caméras de surveillance), nous tracer (la carte ImagineR), nous cibler (les pubs sur Google et Facebook), nous sonder (l’audimat), nous surveiller (Echelon et compagnie), j’en passe et des bien pires. Sont-ils capables de les exploiter, ces milliards de données, surtout quand le monde dans lequel elles sont collectées est en train de s’écrouler ? A quoi cela sert-il de surveiller les individus potentiellement dangereux, quand c’est l’humain moyen qui se met à déraper ? Dans le film, c’est ce qui se passe. Et quand notre armada galonnée se met en mouvement (en pure perte, ici), elle se déchaîne avec autant de doigté qu’un marteau pilon écrasant une aiguille dans une botte de foin.

Je craignais naguère le fichage et la mise en base de nos données personnelles, intimes, voire confidentielles. Je ne suis pas devenu naïf et je reste toujours prudent dans le réglage  de la diffusion des informations qui me concernent. Mais je me dis aussi que le traitement de ces montagnes de données comporte sa part erratique, sa marge de manœuvre grotesque, sa licence poétique. Et de toutes façons, ils en feraient quoi, de mon numéro de portable, de mon mail, de mes penchants politiques, de mes goûts et des couleurs que j’aime…

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J’en étais là de ces considérations philosophiques de haute tenue, quand un incident me rappela à la (télé) réalité, à la sortie du cinéma. André Manoukian, musicien et juré de la Nouvelle Star, était venu le même soir à l’UGC Ciné Cité. Il en sortait en même temps que moi, et je l’ai dépassé quand il enlevait l’antivol de son vélo. On ne pouvait pas le rater. Deux voitures remplies de mecs surexcités s’étaient arrêtées à sa hauteur et les occupants l’apostrophaient avec une certaine grossièreté, pour le féliciter, lui servir quelques vannes et lui demander, entre autres, s’il pouvait «reprendre la grosse» (comprenez engager à nouveau Marianne James, qui leur faisaient visiblement un certain effet). Les humains moyens étaient là, devant moi.


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