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“En temps de crise, rien n’est pire que le silence”

Publié le 14 janvier 2009 par Delits

criseDirecteur général d’Euro RSCG C&O, Bernard Sananes a réalisé, en partenariat avec l’Institut Médiascopie, une étude auprès des Français sur les principaux termes utilisés durant cette crise par les leaders d’opinion. Il revient pour Délits d’Opinion sur ses principaux enseignements.

  

Délits d’Opinion : selon l’étude que vous avez menée avec l’institut Médiascopie, 75% des termes employés par les leaders d’opinion au sujet de la crise sont anxiogènes. Est-ce que nos dirigeants auraient échoué à rassurer les Français ?

Bernard Sananes : Je pense que tout le monde a compris la nécessité d’adopter un discours de vérité. A cet égard,l’allocutionde Nicolas Sarkozy à Toulon, l’automne dernier, a eu un effet positif et rassurant. Car expliquer la crise, c’est déjà signifier qu’on l’appréhende,qu’on la maitrise. A l’inverse, se taire dans ces moments graves c’est donner l’impression de vouloir cacher les choses.

Délits d’Opinion : Dans cette étude, on observe une appréciation positive des Français vis-à-vis de l’Etat. Est-ce un retour en grâce de ce dernier ?

Bernard Sananes : Je parlerai plutôt d’une aspiration forte pour instaurer davantage de contrôles. Afin de résoudre une crise née d’une trop forte dérégulation, les Français se tournent vers toute entité susceptible d’établir des règles communes, qu’il s’agisse de l’Etat, de l’Europe ou d’une gouvernance mondiale qui reste à construire.

Délits d’Opinion : D’où une appréciation étonnamment positive de l’Europe ?

Bernard Sananes : Les Français ont intériorisé que la crise était mondiale, qu’elle ne s’arrêtait pas à nos frontières et nécessitait donc une réponse globale que l’Europe est à même de porter. Par ailleurs cette étude a été menée au moment de la présidence Française de l’Union Européenne. On ne doit pasexclure un certain patriotisme de certains concitoyens estimant que l’Europe fonctionne mieuxquand les Français sont aux commandes.

Délits d’Opinion : Dans votre étude, le terme Obama est noté par les Français comme étant le plus rassurant. Quels facteurs expliquent ce phénomène ?

Bernard Sananes : Trois facteurs permettent d’expliquer l’image de Barack Obama. Ce dernier est jugé positivement par contraste avec Bush, figure particulièrement anxiogène selon notre étude. Ensuite, il y a la compréhension que cette crise vient des Etats-Unis et ne pourra pas être résolue sans la contribution de ce pays puissant. Et, dans cette perspective, Obama cristallise l’espoir d’une sortie de crise.

Délits d’Opinion : Si vous aviez trois conseils à donner aux chefs d’entreprise pendant cette période de crise ?

Bernard Sananes : Face à la crise, si je pouvais donner un conseil, c’est d’abord de s’exprimer. Rien n’est pire que le silence. Ensuite, il faut parler au présent. L’incapacité des dirigeants à anticiper la crise actuelle les rend peu crédibles aux yeux de l’opinionpour prédire de quelque façon l’avenir. Enfin, et c’est une règle élémentaire, la communication ne peut pas précéder l’action.

Je voudrais par ailleurs signaler, concernant l’image des chefs d’entreprise, que la figure du patron semble changer à la faveur de la crise. Du grand patron et des stocks options, on passe,dans la perception des Français,à l’image du petit patron qui se bat pour défendre ses parts de marché, pour obtenir ses crédits.

Délits d’Opinion : Parler sans cesse de la crise, comme c’est le cas aujourd’hui, n’est-ce pas in fine générer frustration, voire agressivité parmi les Français ?

Bernard Sananes : Tout d’abord, dans le quotidien des français, la crise est une réalité depuis 18 mois au moins, liée notamment à la baisse ressentie du pouvoir d’achat. Ellepréexiste donc à la chute de la bourse ou à l’affaire Madoff, même si elle risque de prendre de l’ampleur avec la hausse du chômage. Dans ce contexte, je pense qu’adopter un discours optimiste, voire ignorer la crise, c’est risquer d’être en décalage flagrant par rapport au quotidien des Français. Mais dans le même temps, il y a une prime aux « agissants » et aux « combattants ». La communication des dirigeants politiques ou économiques doit donc trouver le chemin forcément étroit qui combine réalismeet volontarisme.


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