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Au cœur de la marque, la culture de l’histoire totale

Publié le 14 janvier 2009 par Jérémy Dumont

La culture est un ensemble de pratiques et de croyances. Le but d’un créateur de culture, le but de toute marque, est donc d’organiser ces croyances et ces pratiques, de les orienter, de les catalyser. Les histoires jouent un rôle essentiel, par leur capacité à formaliser des modèles, à être des tuteurs psychosociologiques.  Nike invite à la transcendance. Elle le fait en s’appuyant sur des récits ponctuels, mosaïques, qui renvoie à l’air du temps comme à son méta-récit.  Des petites histoires comme traces d’une grande histoire.

Aujourd’hui, on parle de points de contact, de communication 360°, de communication multicanale pour arriver à impacter un consommateur insaisissable. Cette communication transverse permet d’atteindre un individu mouvant mais aussi permet de démultiplier les possibilités d’interactions et de narration.  Si une chose est sure, c’est que l’individu, les parties prenantes sont beaucoup plus experts et critiques sur les discours de marque. Ils sont éduqués, résultat normal de quarante ans de société de consommation. Du coup, comme le spectateur de cinéma formé aux classiques, ils sont plus exigeants. Le problème des marques, n’est pas qu’ils ne veulent plus d’histoire mais ils veulent de meilleures histoires.  C’est à dire autre chose que de la réclame émotionnelle. Ils souhaitent une plus grande sophistication de récit. Dans un environnement politique marqué par le désabusement, la campagne d’Obama prouve à travers ses taux historiques de participation, que quand une histoire est bonne, elle soulève les enthousiasmes et déclenchent les engagements.

Elargir les stimulations dans le cadre d’une histoire
Cela passe par un élargissement de la gamme relationnelle. Stimuler à travers la création d’émotions, la proposition d’expériences, l’apport d’une aide fonctionnelle mais aussi la possibilité d’une conversation,  d’un partenariat ponctuel ou plus établi, d’un apprentissage, d’une co-construction. Le travail récent de ces registres dans les logiques communicationnelles témoigne de la prise de conscience d’une plus large interaction nécessaire à l’établissement d’une confiance. Une relation plus globale à l’image des relations interpersonnelles.

Si ces axes de travail sont  nécessaires, ils ne sauraient suffire. L’individu reste motivé par la cohérence. Il s’agit donc de coordonner ces éléments à travers une histoire globale. L’histoire reste le concept clé pour articuler  les données et faciliter leur appréhension. Toutes les sociétés, des cultures primitives aux civilisations, construisent leur culture autour de récits. Les marques ne dérogent pas à la règle : elles sont dans la nécessité de penser leurs contacts autour d’une histoire permanente.
Obama, une bonne histoire de marque

Barack Obama est un bon exemple. Quoi de plus difficile que de se raconter à travers des points de contact multiples, Organiser de la cohérence dans la mosaïque de situations rencontrées dans la campagne électorale tient du parcours du combattant. Peu y arrivent. Difficile de garder l’élan d’une campagne. Il faut gérer plus de surprises que n’ont à gérer les marques. La crise est souvent au coin de bois.
La force d’Obama ? D’avoir su resté fidèle à cette essence de sénateur romain post moderne, pédagogue et courageux, voué physiquement et verbalement à l’intérêt général. De l’annonce de son opposition à la guerre en Irak à un discours sur la en pleine attaque sur ses relations « anti-américaines » en passant par son engagement en temps que travailleur social , de l’advertainment de qualité (le clip Yes we can et les Obama girl and babies) la marque Obama a su mixer les registres de stimulation mais aussi raconter des stades progressifs d’une campagne de conquête. Celle du sacre d’un homme qui était voué à embrasser les responsabilités d’une des plus anciennes démocraties du monde, avec décence et aura, mais aussi humour et séduction: un retour aux sources malgré l’adversité et pire que tout les habitudes.
On dit souvent aujourd’hui que les Etats Unis ont élu Obama dans la filiation de leur capacité à écrire de belles histoires. Cette élection n’avait rien de logique au départ. Si le pari a été réussi, c’est d’abord parce qu’Obama a su resté fidèle à son essence de marque, tout en diversifiant ses discours et ses stimulations.

Les variations
Dans un récit, un narrateur vise deux choses : premièrement, la construction d’une progression narrative, de manière à construire un propos et à aboutir à son message (sa morale) de manière la plus efficace possible. Deuxièmement, le maintien d’une dynamique qui lui permet de garder le spectateur en haleine et de l’impliquer plus profondément. Le récit doit donc alterner le plus intelligemment possible la diffusion d’informations, les moments d’action dramatique permettant l’adrénaline et l’expérience par procuration, la création de surprises et de tension, leur résolution et des périodes de ressourcement et d’approfondissement.
Cette logique doit pouvoir se retrouver dans les marques. Il n’existe aujourd’hui aucune stratégie réelle de « Content Wheel » qui permet d’alterner les messages d’une même histoire globale. C’est comme si une pièce ou un film racontait de manière récurrente les mêmes scènes dans une structure répétitive. Les tentatives de diversification sont encore trop timides pour aboutir une vraie narration sophistiquée. Mais si les marques veulent viser un supplément d’engagement, d’implication et de confiance, elles doivent viser cette ambition narrative. On n’engage plus un spectateur aujourd’hui avec les ficelles du cinéma muet....

Histoire et consomacteur
Une étude récente de TNS et Australie témoignent de la baisse de la perception des marques vis à vis des parties prenantes. L’individu en aurait marre d’être « pris pour un gogo » dans les discours. Ce constat pointe deux  phénomènes : la nécessité d’enrichir le discours de marque. L’approche plus sociétale et politique de certaines marques comme Dove, Max Havelaar voir Leclerc illustre bien cet élargissement de l’horizon des thèmes. Les histoires doivent renvoyer à l’environnement des êtres humains et les transcender. Elles doivent pouvoir la force de films comme « Matrix » pu le « Nom de la Rose » qui traite d’une réalité de manière décalée mais avec un réalisme, une dynamique au service d’une multitude de stimulations et de compréhensions induisant une sorte de récit total. Ces films y arrivent en ne s’interdisant aucune rupture, ni aucun thème inapproprié.  A ce titre les marques, à l’instar de Dove, doivent gagner en maturité dans leurs discours et leur identité, leurs identités pourrait on dire en considérant les différents messages d’une « Content Wheel ».
Elles doivent ensuite apprendre à intégrer des nouvelles techniques dans leur narration globale (comme un évènementiel ou un site internet) pour leur donner une double dimension narrative : vis à vis de leur discours de marque mais aussi avec une place dans le schéma narratif global. A ce titre, il est nécessaire de savoir articuler l’ensemble des outils comme les pièces d’un même puzzle. C’est le seul moyen de continuer à capitaliser sur une marque, qui n’existe que sur le fondement d’une cohérence. La meilleure information des internautes a accru le fossé entre marques cohérentes et les autres. Plus que jamais, la fidélité est une histoire de loyauté : celle d’une marque à ses valeurs et à ses engagements.
Reste alors à imaginer l’intégration de l’individu comme acteur de la pièce. Les leçons de l’improvisation doivent permettre à la marque de créer un récit cohérent malgré la part de liberté donné à ses parties prenantes. Cette narration est tout à fait maitrisable à condition comme tout dramaturge de connaître chacun des outils et chacune des grammaires utilisées.

Les marques dans le sillage des religions
Les marques sont comme des premières religions. Elles ont à créer leur lisibilité et leur légitimité. Elles occupent l’espace du repère psychologique qui donnent confiance, inspire, donne un cap. A ce titre, elles investissent des champs du triple sens : sensorialité, signification, direction (à suivre, à emprunter).
Les histoires par leur capacité épistémologique à créer en permanence de la stimulation de la surprise mais aussi de la cohérence grâce à leur capacité intégratrice. : environnements, besoins des parties prenantes, propositions et satisfactions, discours et miroirs... Une histoire donne une vision d’ensemble. C’est l’une des nécessités des marques : les plus fortes apportent leur propre cosmogonie, c’est à dire la capacité à appliquer  un supplément d’explications, de perspectives et de vision du monde.
Cet axe explication-vision-perspective délivre du sens, le sens d’où on vient, le sens du présent, le sens où on va. Ce trajet est porté logiquement par la logique narrative. Quand Dove propose de réinventer la beauté, il propose aussi bien des dimensions pédagogiques que d’échange social, l’invitation  à la réflexion autour de lecture de blogs experts que la réalisation d’activités (par exemple la réalisation d’un magazine). Mais les thématiques abordées, de la conscience de son image et à sa place dans les échanges sociaux, témoignent de pièces mosaïques qui convergent de manière articulée vers la même histoire d’une construction personnelle de sa beauté.

En ce sens, les marques obéissent bien à cette logique de communauté que tout entité à rechercher à construire autour d’éléments sociétaux mais aussi spirituels fortement fédérateurs, des démocrates de la Grèce Antique aux premiers Chrétiens en passant par les sociétés primités inhuits ou africaines : créer des mythes fédérateurs, structurer les contacts, organiser la mémorisation afin de pouvoir garantir la dynamique de leur communauté et viser leur pérennité.


Ecrit par: Stéphane Latussier
Posté par: Morgane Craye
Publié sur: levidepoches/marketing
Pour plus d'information cliquez ci-après pour lire le rapport d'innovation "le Storytelling" réalisé par les membres de courts circuits

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