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Le storytelling: un parfum d'éternité

Publié le 15 janvier 2009 par Jérémy Dumont

Quelle est la durée de vie d’une histoire ou des histoires au sein des organisations ? Le storytelling se fonde sur certains éléments profonds, immuables, ceux du mythe à l’origine de l’entreprise. Mais la plupart des histoires sont datées, cumulatives, elles se nourrissent des événements survenus, dont certains peuvent opportunément être passés sous silence. Enfin, le storytelling doit choisir de mettre en avant certains éléments dans l’air du temps ou qui ouvrent sur l’avenir. Son efficacité est à ce prix.

La communication narrative est l’art de raconter en entreprise des histoires qui ne sont pas nécessairement les histoires de l’entreprise. Lorsque une société a une bonne story, elle pense souvent avoir trouvé le Graal. Dès lors, pourquoi en changer ? C’est le cas dans le luxe où la longévité des marques conduit à croire à tort à l’immuabilité des histoires qu’elles incarnent. Baccarat, Lalique ou Christofle en ont fait les frais . La story qu’ils racontaient partait du principe que les arts de la table figureraient toujours sur les listes des mariages bourgeois... Mais on ne se marie plus beaucoup ou seulement après plusieurs années de vie commune et on a donc moins besoin de ménagères de 48, 60 ou 72 couverts ! Contrairement aux diamants, les histoires ne sont pas nécessairement éternelles...


L’entreprise et sa mission

Si l’on veut aller plus loin dans la pratique du storytelling, il faut considérer trois strates. La première, la plus profonde, est effectivement immuable. Il y a 200 ans, Hegel décrivait déjà ainsi les forces au travail depuis l’origine, la part “inchangeante” de l’Histoire, ce qu’il nommait le Weltgeist . Pour l’entreprise, il s’agit forcément d’une idée, de son fond de marque. Par exemple, à force de se définir comme un fabricant d’appareils photo et de pellicules alors qu’il était avant tout un “fabricant de souvenirs de nos moments heureux”, Kodak a trahi son Weltgeist  et le colosse s’est révélé avoir des pieds d’argile...


L’entreprise et sa production

La deuxième couche, c’est celle de la story de l’entreprise proprement dite. A partir de sa naissance, cette histoire ne fait bien évidemment plus que s’allonger. Mais si elle est cumulative, toutes ses “péripéties” ne valent pas nécessairement la peine d’être contées. Ainsi, pour faire classer ses forteresses au Patrimoine Mondial, le Réseau des sites majeurs de Vauban a entrepris de “repositionner” le génial maréchal non plus comme un guerrier mais comme un humaniste soucieux de la vie et même du bonheur de ses hommes. Ces deux facettes de la story de Vauban étaient également vraies mais l’une sert mieux que l’autre les intérêts de paix que promeut l’Unesco ! Comme on le voit, la story est malléable... Contrairement au Weltgeist, ces éléments temporels (le Zeitgeist) peuvent s’incarner dans un produit. Toutes les sociétés donnent à un moment une forme matérielle à leurs idées. Si Orangina est “une fête pour les cinq sens”, l’idée même de cette fête prend corps à un moment dans la célèbre petite bouteille ronde (plus tard, dans une canette etc.) .


L’entreprise et sa communication

La strate supérieure est véritablement celle du storytelling en entreprise. Il ne s’agit plus de l’histoire de l’organisation mais de l’histoire - ou des histoires - que cette organisation raconte. C’est ce que Hegel nommait le Zeitgeist, l’air du temps. Le storytelling aide à mettre au point des historiettes  susceptibles de séduire et d’impliquer le consommateur (ou l’employé si la cible est interne) dans le but (in)avoué qu’il les continue, qu’il s’en fasse l’ambassadeur et le porte-parole. Quand HSBC nous apprend qu’en Inde les machines à laver servent aussi à fabriquer du lassi  (une boisson locale à base de yaourt), elle cherche bien sûr à convaincre ses futurs clients de l’intérêt d’un banquier qui connaisse bien tous les marchés où il est implanté. Mais elle nous narre aussi de petites histoires que nous sommes susceptibles de propager auprès de nos propres contacts. Autrement dit, nous devenons ses “storytellers” !

A retenir
Pour être efficace, le storytelling ne se base donc pas sur une histoire immuable pas plus que sur des historiettes qui ne seraient que l’écume des jours. C’est un mélange, comme un bon parfum : l’entreprise a des notes de tête (le Zeitgeist) qui accrochent le passant et le forcent à se retourner sur vous, des notes de coeur (le Volksgeist) qui sont celles pour lesquelles vous irez l’acheter en boutique et bien sûr des notes de fond (le Weltgeist) qui perdurent quand tout le reste s’est évaporé. C’est cet esprit de l’instant, ce moment d’envol basé sur le mythe éternel et l’histoire cumulée, qui fonde le storytelling.

Le storytelling en entreprise, c’est aussi, parfois, de la philosophie. Ou de la parfumerie !


Ecrit par: Sébastien Durand
Posté par: Morgane Craye
Publié sur: levidepoches/marketing
Pour plus d'information cliquez ci-après pour lire le rapport d'innovation "le Storytelling" réalisé par les membres de courts circuits

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