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89ème semaine de Sarkofrance : janvier, c'est le temps des cadeaux et des bilans

Publié le 17 janvier 2009 par Juan
89ème semaine de Sarkofrance : janvier, c'est le temps des cadeaux et des bilansNicolas Sarkozy a présenté ses vœux d'omni-président un peu partout en France. De Paris à Saint-Lô, de Nîmes à Orléans ou Vesoul, l'ancien "député fainéant" s'est démultiplié sur les écrans des chaînes d'information pour distribuer cadeaux et remontrances.
Combien d'aller-retour en jet a-t-il dû accomplir pour sillonner la France cette semaine ? Cela n'améliorera ni son bilan carbone ni les comptes de l'Elysée.
Des vœux coûteux...
Le plan de relance, à défaut de "relancer" l'économie, sert à quelque chose: distribuer des cadeaux inattendus, et le faire savoir aux clientèles concernées. Voici donc 100 millions d'euros (et un conseil contesté) pour le patrimoine culturel, 100 millions d’euros pour la police et la gendarmerie; et 80 millions pour la rénovation des prisons. Mais le plus marquant est ailleurs : sans y paraître, Nicolas Sarkozy engage la France sur la voie d'un protectionisme qui ne dit pas son nom. Au secteur automobile, il a rappelé jeudi que l'Etat apporterait son aide en contre-partie d'une localisation des emplois en France. Le lendemain, la ministre Christine Lagarde s'est joint à ses collègues des Vingt-Sept pour obtenir le feu vert de la Commission Européenne et libéraliser davantage le soutien direct aux entreprises nationales. La réponse européenne à la crise a fait long feu. Chacun, et la France la première, joue désormais sa partition. Où est passé ce "Président de l'Europe" qui prenait l'engagement, lors du G20 de novembre dernier, de s'abstenir "d'élever de nouvelles barrières aux investissements ou au commerce de biens et services" ? Où est passé celui qui se félicitait du plan de relance européen ?
Bref, Nicolas Sarkozy pratique un clientélisme politique dangereux.
... aux petits cadeaux entre amis
Mais les étrennes ne s'arrêtent pas là. En sus des Affaires Sociales, du Travail et de la Famille, Brice Hortefeux chipe la Ville à Christine Boutin, avec Fadela Amara dans les cartons. Drôle de couple que cette ancienne présidente de Ni Putes Ni Soumises qui voulait décourager "la glandouille" en banlieue avec l'ex-Monsieur Expulsions de Sans-Papiers de la Sarkofrance. Ce dernier a eu le commentaire nauséabond et malheureux à propos de Fadela Amara: "Une compatriote - comme ce n'est pas forcément évident, je le précise". Chassez le naturel, il revient au galop.
Lundi, Martin Hirsch recevait son cadeau, la jeunesse, qu'il chipe au gaffeur Bernard Laporte désormais cantonné aux Sports. Hirsch avait expliqué qu'il préférait rester Haut Commissaire plutôt que ministre car ses missions n'étaient que "provisoires". La jeunesse devrait méditer sur le sens de ce transfert...
Jean-Louis Borloo a lui réussi à se débarrasser de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui reprend l'économie numérique à Eric Besson. Pour justifier la compétence de NKM, le gouvernement rappelle dans son communiqué que son frère bosse dans le Web 2.0...  L'ancienne secrétaire d'état à l'écologie était surtout trop écolo pour le poste, à quelques jours de l'examen parlementaire du second volet, celui des moyens financiers, de sa loi Grenelle. Elle s'est attirée les foudres de son ministre de tutelle comme de François Fillon. En avril dernier, elle avait commis le crime de lèse-majesté en déclarant publiquement en avoir «marre d’être confrontée à une bande de lâches».
Eric Besson est le plus récompensé. A lui le ministère des Rafles et de l'Identité Nationale. Guy Carlier, sur RTL cette semaine, parlait de conversion "psychanalitique": Eric Besson acceptera tout pour se venger de Ségolène Royal. C'est le Sarkozyste rêvé, le meilleur ministre du président. Il n'existe que pour et par le Monarque.
Enfin, pour ceux qui en doutaient encore, Sarkozy s'affiche sans complexe comme président ... de l'UMP. Xavier Bertrand a quitté le gouvernement jeudi pour le secrétariat général du parti présidentiel. Le 24 janvier, une grande messe célébrera la nomination, et le Monarque sera là pour un discours partisan.
Sarkozy distribue ses gifles...
Lundi, il s'en est pris au personnel enseignant, dont les syndicats avaient boudé sa cérémonie de vœux à Saint-Lô. Il les a traité d'immobiles, et a rappeler quelques statistiques approximatives. Jeudi, il a tancé banquiers, patrons et syndicalistes de Sud-Rail. Les banquiers ont intérêt à limiter leurs bonus et dividendes, a prévenu le président. Une mesure démagogique et dangereuse : elle décourage les investisseurs, et fragilise les cours des banques un peu plus. La Bourse s'est à nouveau discrètement effondrée cette semaine (-9%). Sarkozy ne s'est même pas risqué à devenir actionnaire des banques quand il leur a promis des centaines de milliards de garanties à l'automne dernier.
Les patrons ont également eu leur compte : une étude, publiée à point nommé, révèle que les recommandations du Medef et de l'Association française des entreprises privées (Afep). en matière de rémunérations, parachutes dorés et non-cumul contrat de travail et mandat social sont marginalement appliquées: "Il faut mettre un terme par des pratiques qui ont suscité à raison l'indignation des Français" ! Qu'a-t-il fait pour inciter à moraliser la vie des affaires depuis mai 2007 ? En septembre 2007, à l'université d'été du Medef, il souhaitait dépénaliser les affaires. Sarkozy, pompier pyromane ?
Quand à Sud-Rail, le syndicat s'est fait qualifier d'organisation syndicale "irresponsable", après la fermeture de la gare Saint Lazare suite à l'agression d'un cheminot. Personne ne s'est demandé si l'agression d'un cheminot en pleine gare n'était une illustration supplémentaire de l'échec de Sarkozy en matière d'insécurité.
... mais personne ne le claque
Nicolas Sarkozy n'aime ni la critique ni le débat. A l'Assemblée Nationale, l'opposition bataille pour faire valoir un constat simple : la seule façon de laisser le temps à l'opinion publique de comprendre réagir aux projets de "réformes" que Sarkozy exige d'adopter en quelques heures est d'obstruer le cycle parlementaire par des milliers d'amendements qu'il faut ensuite présenter et rejeter un à un. Le gouvernement veut faire voter coûte que coûte un texte qui propose d'attribuer aux groupes parlementaires un temps global de parole pour chacun des débats.
Sarkozy lui-même a choisi de se protéger. Ses vœux ne sont que des discours maîtrisés devant une assistance silencieuse et invisible à l'écran, sans question de journaliste. Chut ! Le monarque parle.
Fini le temps des conférences de presse contradictoires et des questions gênantes.
Nous aurions été curieux de savoir ce qu'il pensait de l'affaire Kouchner: apprendre que le ministre des Affaires Entrangères, avant sa prise de fonction en mai 2007, bossait comme consultant pour Omar Bongo, le dictateur gabonais, pose quelques questions éthiques. On comprend mieux la poursuite de la Françafrique, ces relations diplomatiques obscures entre la France et ses anciennes colonies africaines. On comprend mieux les retournements de vestes, l'abandon des droits de l'homme au profit d'un pragmatisme nauséeux.
Pendant ce temps, Sarkozy n'est pas celui qui parlera des treize suicides en prisons en quatorze jours depuis le début de l'année. L'Observatoire international des prisons demande une commission d'enquête. Aucun plan à la hauteur des enjeux n'a été lancé depuis mai 2007. Il faut attendre la crise pour que les prisons reçoivent enfin une promesse de rénovation... N'est-ce pas incroyable, de la part d'un président aussi "actif" ?
Des premiers bilans...
Parlons bilan justement. Ainsi le maintien de l'ordre affiche-t-il de piètres résultats. Sarkozy martèle depuis 2002 que la gauche était laxiste avant lui. Malheureusement pour lui, ses propres chiffres démontrent aussi un échec. A Orléans,  plutôt que de reprendre les statistiques officielles, Nicolas Sarkozy les "retravaille" en s'inventant des catégories difficilement recoupables. Ainsi parvient-il à dire que la "violence de proximité" est en baisse de 6%. Ou encore, que "les violences aux personnes d'origine crapuleuse" ont baissé de 5,4%. Cela permet de cacher que les atteintes aux personnes physiques ont progressé de 80 000 entre 2002 et 2008; que  les escroqueries et infractions économiques et financières sont en constante augmentation depuis juin 2006 (+9% en 2008); que certaines délinquances violentes décollent, telles les violences gratuites (+5% en 2008),  ou les vols à main armée ( +11%); et que le taux d'élucidation des crimes et délits les plus violents a régressé en 2008.
A l'aune de ses propres critères, le bilan d'Hortefeux n'est pas meilleur. Sur le front de l'immigration économique, le volet "positif" de la politique d'identité nationale, l'échec est total : à peine 400 cartes "Compétences et talents" distribuées, faute de candidats !  Et avez-vous lu la décomposition des 29 799 "éloignements" effectués en 2008 ? Non ? C'est normal. le ministre se garde bien de les communiquer. A force de recoupements, on comprends que "l'ami de 30 ans" a gonflé ses statistiques avec des Bulgares et des Roumains qui peuvent revenir aussitôt et quelques 17 000 clandestins échoués à Mayotte. Un récent rapport sénatorial, portant sur 10 mois de 2008, contient effectivement d'intéressants constats : 8 700 reconduits, des Roumains et Bulgares ont bénéficié d’une "aide au retour humanitaire" (ARH) – qui prévoit l’organisation du retour et une aide financière de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant. Environ 2000 autres, d'origine très variée (Chine, Russie, etc)  ont reçu une "aide au retour volontaire" , avec prise en charge des frais de transports, y compris secondaire dans le pays d'origine, et une aide financière (3 500 euros par couple, 1 000 euros par enfant mineur jusqu’au 3ème). Les 20 000 expulsions restantes sont des éloignements contraints, estimés à 21 000 euros le départ forcé ! Bref, pour des raisons purement électoralistes vis-à-vis de l'extrême droite, le gouvernement s'entête dans une politique du chiffre, aux prix de tous les maquillages statistiques, gaspillages d'argent et de moyens, et souffrances individuelles.
... aux vraies inquiétudes
Dans deux ans, le bilan ne risque pas d'être plus fameux. Sous prétexte d'urgence, Sarkozy et ses proches multiplient les annonces secondaires, comme récemment la suppression du juge d'instruction, l'uniforme à l'école, la création d'un musée de France, ou celle d'un "Conseil de la Création Artistique". Cela divertit les médias, gêne l'opposition, encombre l'agenda parlementaire. Sarkozy fait son ménage, récompense ses amis et ses clientèles, étouffe ses contradicteurs. Son énergie toute entière est vouée à sa puissance et à sa survie politique. Certains ne sont pas dupes, et se radicalisent. 
La crise appelle davantage de sens des priorités, de vision et d'échanges. Une attitude et une démarche que notre Monarque ne suit assurément pas.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?&alt;=rss

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