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Reproduction interdite

Publié le 17 janvier 2009 par [email protected]

[Parution in Journal du Jeune Praticien n°261 du 15 février 1993]

Le boomerang de « l’édition spéciale » rappelle le thème de la « reproduction interdite » évoqué par Didier Nordon (Pour la Science, avril 1992). Plus les moyens de reproduction des informations se développent (écrits, disques, bandes…) et moins on tend à user effectivement du stock disponible, puisque la durée de la vie, fatalement limitée, ne suffit plus à traiter une quantité d’informations en expansion continue ! Ainsi, une enquête a montré que « les gens ne regardent leurs photographies de vacances que une à quatre fois en moyenne avant de les oublier dans un coin ». Et plus on disposera de photographies, plus cette moyenne baissera… De même, avoir tel disque ne suffit plus pour l’écouter souvent : c’est moins improbable si l’on dispose aussi d’une compilation où il figure ! Par la banalisation croissante des reproductions (livre, son, video…), « le contact avec chaque reproduction finira par être aussi fugitif que celui avec un original » ! Tendant à devenir aussi fugace qu’un original, un enregistrement perd donc en pratique sa raison d’être, avec l’inflation des enregistrements permise par la technique. De quoi réconcilier enfin techniciens et poètes, estime Didier Nordon, en citant cet alexandrin d’Alfred de Vigny : « Aimez ce que jamais on ne verra deux fois ».

Édit : évidemment, seize ans plus tard, l’informatique, et l’Internet en particulier, ont changé la face du monde, rendant ce boomerang encore plus d’actualité. À tel point qu’aujourd’hui, à l’instar du film Traque sur Internet, tout se trouve plus ou moins dans une base de donnée et Internet constitue bien sûr la plus grande source car ce réseau regroupe à lui seul la majeure partie du savoir de l’Humanité. Bandes et disquettes sont désormais du passé, mais le problème reste le même : photos numériques enfouies à jamais dans un dossier, des données perdues dans des disques durs qui atteignent maintenant des téraoctets, et une floppée d’informations sur les réseaux sociaux et dans les moteurs de recherche. Des milliards et des milliards d’informations saturent désormais la toile, alors si on y ajoute les milliards de livres et ce qui se trouve sur l’ordinateur de tout un chacun, il y a fort à parier que ce boomerang-ci sera vraiment de plus en plus d’actualité au XXIème siècle — et au-delà —. Car la Terre suffira-t-elle indéfiniment à une population humaine qui croît et à une quantité d’informations toujours plus faramineuse…

Reproduction interdite

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