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SERVICE PUBLIC - Critères ; Décentralisation - contrôle administratif ; METHODE DE TRAVAIL - Commentaire d’arrêt - portée d’un arrêt

Publié le 18 janvier 2009 par Nufroftsuj

QUESTION 

Monsieur,
J’ai une série de questions que je me pose et sur lesquelles j’aimerais que vous m’apportiez des réponses. Tout d’abord, au sujet des missions de service public : c’est une activité visant prioritairement l’intérêt général et assurée par une personne publique ou l’un de ses agents ou sous son contrôle. Mais pour relever que telle activité est une mission de service public quels sont les critères jurisprudentiels pour y parvenir ? René Chapus nous propose une double “analyse” : organique et matérielle. Dans la première, il faut relever la présence directe ou indirecte d’une personne publique et pour cela René Chapus parle du faisceau d’indices et j’avoue que je suis perdu. De plus, dans l’analyse matérielle, il distingue une activité de plus grand service et de plus grand profit : ces deux aspects doivent-ils se cumuler ? Si vous pouviez m’éclairer sur ce point …
De même, je me pose des questions sur le recours hiérarchique : lorsque la décision est prise par une collectivité décentralisée, le recours hiérarchique sera effectuée par l’autorité de tutelle si il y a un supérieur hiérarchique et dans la mesure des pouvoirs qui lui seront conférés par un texte ? Ainsi, le maire, quand il agit au nom de la commune, n’aurait pas à être inquiété par un recours hiérarchique car il n’a pas de supérieur hiérarchique ? Mais n’est-ce pas le cas pour toutes les collectivités décentralisées ? Lorsque la décision est prise par une collectivité déconcentrée le recours hiérarchique sera effectuée par le supérieur hiérarchique qui a alors plus de pouvoir ? Là encore, si vous pouviez m’éclairer …
Enfin, j’ai une dernière question à propos des arrêts. Sur quel critère se fonder pour attribuer à un arrêt traitant un cas particulier, une portée générale ? Par exemple, l’arrêt Duvignères, qui considère que les circulaires à caractère impératif feront grief, permet de dégager un principe qui est que les décisions
administratives ayant un caractère impératif feront grief ou du moins seront décisoires. Comment interpréter la généralité d’un arrêt ? »

REPONSE

Monsieur,
Les critères juridiques permettant de qualifier une activité donnée de mission de service public sont explicités dans la définition de cette dernière notion :

  • une activité servant prioritairement l’intérêt général ;
  • une activité assurée par une personne morale de droit public ou sous son contrôle (on pourrait ajouter : « suffisamment étroit »).

Je vous rappelle qu’il s’agit de deux conditions cumulatives. En revanche, je pense qu’il n’est pas nécessaire que je vous rappelle quel est l’arrêt de principe pour tout cela.
Je me permets quand même de vous faire remarquer que la présence directe ou indirecte d’une personne publique est révélée par l’examen du second critère exposé ci-dessus, tandis que l’idée d’une échelle des activités allant des activités de plus grand profit aux activités de plus grand service permet de comprendre pourquoi on utilise l’adverbe « prioritairement » lorsqu’on énonce le premier critère (ou
la première condition) d’une mission de service public.
Quant à la technique du faisceau d’indices, je vous rappelle qu’elle est souvent employée par le juge pour déterminer si un organisme donné est une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé. Mais, en vérité, la mise en œuvre de cette technique conduit le juge à placer l’organisme qu’il cherche à qualifier sur une échelle (encore une !) allant des personnes morales de droit privé aussi peu contrôlées que possible par une personne morale de droit public aux personnes morales de droit public elles-mêmes, en passant par tous les degrés de contrôle d’une personne privée par une personne
publique. C’est dans cette situation « intermédiaire » que l’on pourra trouver, à partir d’un certain degré de contrôle, les personnes morales de droit privé en charge d’une mission de service public, puis les organismes para-publics et enfin les personnes morales de droit privé « transparentes ».
Ensuite, ne confondez pas recours administratif hiérarchique et recours administratif de tutelle. Par ailleurs, n’utilisez pas l’expression « collectivité déconcentrée » ; il n’existe à proprement parler que des « services déconcentrés », dont les organes et les agents (compétents, le cas échéant, pour prendre des actes
administratifs unilatéraux) sont placés sous l’autorité hiérarchique des autorités administratives des « services centraux » de l’Etat.
Mais c’est sans doute votre dernière question qui m’embarrasse le plus. Essayez d’accepter l’idée suivante : la jurisprudence n’est pas dans les dispositifs mais dans les motifs. Cela permet de comprendre tout d’abord que les juridictions administratives ne méconnaissent pas la prohibition des arrêts de règlement prévue par le Code civil. Cela permet de comprendre ensuite que la portée d’un arrêt ne pourra jamais être dégagée à partir de la seule solution apportée au litige par le juge mais à partir de la justification juridique de cette solution. Plus précisément, pour justifier toute solution le juge doit suivre (explicitement ou implicitement) un raisonnement juridique fait d’étapes successives liées nécessairement les unes aux autres en tant qu’elles forment ensemble l’architecture profonde ou encore les soubassements de la matière. A vous de trouver celle(s) de ces étapes qui faisait (faisaient) difficulté en l’espèce ou pour le passage de laquelle (desquelles) le juge a adopté une attitude originale,
étonnante, étrange par rapport à celle qu’il avait pu adopter dans des espèces antérieures. C’est là que vous trouverez, éventuellement, la portée (générale) d’un arrêt. Vous comprendrez, je l’espère, qu’il faut donc systématiquement, quand vous faites vos fiches d’arrêt, aller chercher l’état du droit antérieur et vous faire ainsi apprenti-historien du droit.

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