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DIVISION DU POUVOIR -Décentralisation - contrôle administratif

Publié le 18 janvier 2009 par Nufroftsuj

QUESTION 

Monsieur,
Je me pose quelques questions concernant le pouvoir de contrôle du préfet sur les collectivités territoriales déconcentrées. D’après l’article 72 alinéa 3 de la constitution de 1958, de l’article 2 des
décrets n°82-389 et 82-390 du 10 mai 1982 et de la loi du 2 mars 1982, le préfet détient à l’égard des collectivités territoriales décentralisées un pouvoir de contrôle dit “administratif”. Est-ce le déféret préfectoral ? La jurisprudence du Conseil d’Etat 10 juillet 1913 Congrégation des sœurs de Saint Régis est-elle toujours valable en parlant de l’autorité de tutelle, alors que la tutelle de l’Etat sur les collectivités territoriales décentralisées a disparue avec la loi du 2 mars 1982 qui prône la libre administration de ces
collectivités ?

REPONSE 

Mademoiselle,
Avançons sur cette délicate question par étapes…
Le contrôle « administratif » qu’exerce une autorité administrative supérieure sur les autorités administratives qui lui sont subordonnées peut être exercé spontanément, mais il peut également être déclenché par la formation d’un recours administratif contre les décisions administratives des autorités administratives subordonnées.
Plus précisément, on distingue parmi les recours administratifs les recours gracieux d’une part, les recours hiérarchiques d’autre part et les recours de tutelle enfin (à vous de chercher ce qui les distingue).
Quel que soit le type de recours administratif formé, l’autorité administrative qui se trouve ainsi saisie a, dans une certaine mesure (voir les tableaux relatifs au retrait et à l’abrogation des actes administratifs unilatéraux, ainsi que les textes encadrant l’exercice du contrôle administratif de tutelle), le pouvoir de retirer, d’abroger et de modifier les actes administratifs contestés devant elle.
Précisons qu’elle pourra (voire devra) faire usage de ce pouvoir non seulement lorsqu’elle reconnaîtra que l’acte administratif concerné est illégal, mais aussi lorsqu’elle reconnaîtra que cet acte administratif est inopportun.
S’agissant maintenant plus précisément des rapports entre les collectivités locales (ou territoriales) décentralisées (attention : vous avez commis une très grave confusion en écrivant dans votre question « collectivités territoriales déconcentrées ») et l’Etat, les lois Defferre prétendent supprimer le principe de la « tutelle » de celui-ci sur celles-là. Mais en réalité, si le législateur a bien supprimé le contrôle administratif a priori et systématique - dit « d’approbation préalable » - des actes administratifs (notamment unilatéraux) des collectivités locales décentralisées (de leurs organes, de leurs agents agissant au nom et pour le compte de ces collectivités) et a refusé d’autoriser que des recours administratifs hiérarchique puissent être formés à l’encontre de ces actes, l’Etat conserve la possibilité de les contrôler. Désormais, l’Etat, par l’intermédiaire de ses plus hauts représentants dans les collectivités locales décentralisées (je parle évidemment des préfets), peut en effet faire deux choses s’agissant des actes administratifs des collectivités locales décentralisées :

  • exercer son pouvoir de tutelle (que les préfets soient saisis d’un recours administratif de tutelle formé par un administré ou qu’ils décident spontanément d’exercer ce contrôle) à l’encontre de ces
    actes, quand la loi l’y autorise expressément (à vous de trouver  le texte juridique ou la jurisprudence dont sont issus les principes juridiques que l’on résume ainsi : « pas de tutelle sans texte » et « pas de tutelle au-delà du texte ») ;
  • déférer ces actes à la censure des juridictions administratives (qui, comme vous le savez, ne peuvent pas juger, du moins officiellement, de l’opportunité des actes qui leur sont déférés, mais
    seulement de leur légalité).

Finalement, vous avez sûrement compris que le déféré (et non le « déféret ») préfectoral ne concerne que cette dernière hypothèse (i.e. il s’agit du nom que l’on donne au recours juridictionnel formé par un
préfet à l’encontre d’un acte administratif d’une collectivité locale décentralisée).
Je terminerai de répondre à votre question en vous en posant une autre : quelles normes de valeur constitutionnelle peuvent bien venir limiter le principe de libre administration des collectivités locales
décentralisées de sorte de permettre les deux formes de contrôle auxquelles sont soumis les actes administratifs des collectivités locales décentralisées ? (je sens venir votre prochaine dissertation
juridique…).

éé

éé


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