Une nouvelle rubrique : les amis de sa majesté.Aujourd'hui : Patrick kron.
Merci à LAIT d'BEU ,sympathique blog que j'ai gracieusement wampirisé......
Patrick Kron, emblématique PDG d’Alstom
Un très
instructif article paru dans le Monde des 26-27 novembre, relatant la
reprise du travail après 12 jours de grève de 60 salariés (75 % de
l’effectif) d’Alstom-Belfort.
Ils réclamaient une prime de fin d’année de 1000 € et n’en ont obtenu
que 400 € (le reste en avril 2007… ou à la Saint Glin-glin ?) et quant
aux augmentations de salaire (150 € pour tous) elles sont renvoyées aux
hypothétiques négociations salariales…
Pourtant, l’article d’Alexandra Bollengier rappelle fort opportunément
que Patrick Kron, PDG d’Alstom ne s’est pas oublié dans le partage du
gâteau : il a su se faire accorder au printemps 2005 une augmentation
de 37 % ! portant ainsi son salaire à 187.000 € mensuels…
doit manquer de rien, le gars ! Vous ajoutez à cela les 127 millions
d’euros de résultat net du groupe au premier semestre 2006, soit 67 %
de plus qu’en 2005…
Le travail des ouvriers n’y compte-t-il vraiment pour rien ? Après
plusieurs vagues de licenciements de 2001 à 2005 et la productivité en
hausse, les grévistes résument la situation “Le mirage Alstom, c’est
travailler plus et gagner moins…”
Ce n’est à l’évidence le cas du PDG mais avant de se demander si ses
récentes “performances” méritent un tel salaire, je me livrerai à
quelques petits calculs tout simples - je ne suis absolument pas
matheuse - qui illustrent bien le cynisme de “l’entreprise barbare” et
son management féroce.
On peut déterminer l’effectif total d’Alstom-Belfort, sachant qu’une
soixantaine de grévistes représentent 80 % de l’ensemble (60/0.75 = 80)
Il est donc facile de chiffrer rapidement les revendications :
- prime de fin d’année réclamée 1000 € x 80 = 80.000 €
même pas la moitié du salaire mensuel du PDG (187.000 €)
- prime accordée 400 € x 80 = 32.000
même pas l’augmentation mensuelle du PDG :
soit 37 % : (187000 x 37)/137 = 50.000 € (arrondis)
- quant à l’augmentation générale du salaire mensuel : 150 € x 80 = 12.000 €
donc 12.000 x 80 = 960.000 € par an
on peut la mettre en parallèle avec le salaire du PDG
- celui-ci revient (sans parler des autres rémunérations,
stock-options, jetons de présence, etc, voiture de fonction et tout le
toutim) à 187.000 x 12 = 2.244.000 € par an
- autrement dit, rien qu’avec les 50.000 € d’augmentation annuelle de
Kron, Alstom pourrait financer les 2/3 des augmentations des 80
salariés d’Alstom-Belfort : en effet 50.000 x 12 = 600.000 €
- vérification (960.000 x 2)/3 = 64.000 € CQFD !
Et il n’y a pas besoin de sortir d’une grande école… on me dira sans
doute que c’est simpliste mais c’est une splendide illustration du peu
de respect accordé aujourd’hui à la “valeur travail”…
Je ne saurais dire si Ségolène Royal y pourra changer quelque chose
car, hélas ! trop de décisions ne se prennent plus, ni dans les
entreprises ni même à l’échelle nationale.
De moins en moins de dirigeants impliqués - et ceux qui misent
réellement “leurs billes” dans une affaire sont en général de petits
entrepreneurs. Ce mouvement ne peut que s’accélérer avec l’entrée en
force des “fonds d’investissement” dans le capital des entreprises…
Lire le très intéressant dossier du “Monde de l’économie” du 28 novembre 2006 : les-fonds-dinvestissement-nouveaux-gloutons-du-capitalisme.pdf.
Les mécanismes et risques du LBO - rachat à crédit par “effet de
levier” - y sont très bien exposés. Je vous renvoie également à une
petite note “LBOa constrictor”
J’en reviens à Patrick Kron. Pendant qu’il doit très bien vivre, les
salariés d’Alstom, autant dire qu’il s’en tape complètement.
S’il a incontestablement redressé la situation d’Alstom - mais les
salariés y ont laissé un plus lourd tribu que lui - on peut se demander
quels signalés services il rend aujourd’hui à Alstom pour justifier son
salaire de nabab.
Or excepté les résultats bénéficiaires actuels, lesquels pourraient
très bien ne pas perdurer dans le futur si Alstom continue à perdre des
parts de marché : cf la décision de la SNCF de confier à la société
canadienne Bombardier le renouvellement des rames de banlieue… et pour
cause : plus confortables, plus lumineuses, plus agréables à conduire !
ce n’est pas moi, l’utilisatrice des transports en commun d’Ile de
France qui vais m’en plaindre…
Devrait-on d’ailleurs se plaindre qu’une saine concurrence se manifeste
dans l’attribution des marchés publics ? Pourquoi privilégier
absolument une entreprise française si une autre propose une meilleure
qualité à coût sans doute égal ? Sans doute les entreprises françaises
ont-elles perdu le goût de l’innovation et de la qualité en étant trop
assurées d’emporter les marchés, et puis, franchement, pourquoi se
soucier du confort des usagers ? “On ne nous transporte pas, on nous
roule”… vieux slogan post-soixante-huitard !
De toutes façons, les rames seront construites en France, et aux
dernières nouvelles, Bombardier proposerait à Alstom un partage du
marché.
Le “patriotisme économique” ? comme si les multinationales du type
d’Alstom avaient une autre patrie que celle du fric… Elles auraient
d’aileurs plutôt tendance à planter leur drapeau sur n’importe quel
paradis fiscal !
Autre revers de taille pour Patrick Kron qui semble bien, dans la
conjoncture actuelle, devenir plus un boulet pour Alstom qu’un atout :
il aurait proposé “la botte” à Anne Lauvergeon, pédégère d’Areva.
L’intéressée a décliné l’invite.
On ne nous dit pas si ce refus est uniquement fondé sur une différence
d’appréciation sur la stratégie de développement d’Areva (qui cherche
de toutes façons un ou des partenaires pour la construction des
centrales EPR ou autres) ou si elle aurait été avant tout rebutée par
l’épais et vulgaire machisme de Patrick Kron et son humour de corps de
garde…
Preuve que l’on peut très bien sortir major de Polytechnique et traiter
ses collaborateurs pire qu’un charretier (cf. Le nouvel Observateur du
8 nov 2006) et que l’argent peut (presque) tout sauf acheter les bonnes
manières !
Mais après tout, si ses collaborateurs acceptent d’être (mal)traités au
lieu de démissionner séance tenante c’est qu’ils mettent leurs intérêts
matériels au-dessus de l’amour propre… jusqu’au jour où il tombera sur
aussi caractériel que lui, avec le risque de prendre un ramponneau en
pleine poire !
L’avenir proche nous dira si, après tous ces cafouillages et cette
image brouillée, Kron restera longtemps à la tête d’Alstom… la balle
étant dans le camp des administrateurs et actionnaires. Nul doute
toutefois qu’il se fasse attribuer un solide “parachute doré”, lequel a
pour fonction de “remercier” les PDG calamiteux…
Comme il est lui-même très mal élevé, aucun scrupule à dire qu’à Alstom Patrick Kron s’est fait des “couilles en or” !
Le lien vers ce blog : http://kamizole.blog.lemonde.fr/