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Paris : un petit coup de XXe

Publié le 19 janvier 2009 par Memoiredeurope @echternach

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C’est bien le fait du hasard, mais j’ai passé la soirée de Noël dans le XXe arrondissement de Paris. Un retour aux sources en quelque sorte, puisque j’y ai vécu les cinq premières années de ma vie. Entre la Rue de la Chine, la rue de Belleville, la rue des Pyrénées, il existe encore des témoignages d’un passé proche : petites maisons, petits pavillons, impasses et jardins secrets, îlots de résistance entre des immeubles surgis comme des épines sur la peau de la ville.

Je me souviens – difficilement il est vrai – de l’immeuble - démoli depuis pour créer les hauts de Belleville - dont il fallait gravir les marches jusqu’au 5e étage avec un seau à charbons, des toilettes communes sur le pallier, de la chaleur familiale et du voisinage envahissant et partageux. Il y avait de l’eau à tous les étages, ce qui était déjà un luxe dans ce temps où les tickets de rationnement sont restés un moment encore de rigueur.

Ne jouons pas au paupérisme; les Buttes Chaumont étaient tout près, avec les manèges où on pouvait attraper des anneaux avec un bâton destiné à cet effet. Il a toutefois fallu plusieurs années pour que je tienne seul en équilibre sur les chevaux de bois et encore quelques mois avant que je comprenne que ce bâton ne servait pas seulement à encourager le cheval, mais à obtenir des points qui donnaient accès à des bonbons et des peluches.

A cinq ans j’ai déménagé en banlieue. Adieu le Paris populaire pour celui du huitième arrondissement, écrin d’accueil de la Gare Saint Lazare, horizon doré de ma bonne ville de Colombes.

Fin des flash back.

Il y a trois ans et demi, j’y suis retourné avec toute une délégation du réseau de l’itinéraire du patrimoine des migrations. Après une visite des lieux d’accueil et d’animation pour les différentes nations d’un quartier devenu interculturel et témoignant aujourd’hui, parmi tous, de la diversité française, notre accompagnatrice, une jeune animatrice d’une vingtaine d’années nous a conduit dans le café « social » Chibanis (les anciens en arabe) rue Pali-Kao. Un lieu d’abord fait pour accueillir les Français d’origine maghrébine retraités – pour la plupart de l’industrie automobile qu’ils ont rejointe dans les années cinquante du côté de l’île Seguin et de Nanterre (plus de mille adhérents).

Alors que nos amis suédois, irlandais ou finlandais semblaient un peu perdus dans ce contexte atypique, à la fois confortable cosy, clair sans exotisme de pacotille, la jeune femme me demandait si je connaissais ce quartier. Après lui avoir avoué que j’y étais sinon né, du moins que j’y avais grandi après la guerre, enfin la Seconde Mondiale ( à cet âge il faut toujours préciser), elle s’est écriée les yeux grands ouverts d’étonnement : « Vous alors vous avez une antériorité ! ».

Comme le dit le responsable de l’Association « Ayem Zamen » (le bon vieux temps), Moncef Labidi, sociologue qui a retroussé ses manches « Entre le peu qu’ils ont ici et le rien qu’ils trouveront de l’autre côté de la Méditerranée, beaucoup ont choisi de ne pas rentrer ».

C’était en automne. Les affrontements interreligieux entre bandes de jeunes n’avaient pas encore commencé autour des Buttes Chaumont. Depuis, c’est à coups de couteau que l’on chasse les kipas et que les kipas se vengent. Et mon expérience du jardin merveilleux s’est enrichie de ma découverte de la vie d’Edouard André, jeune jardinier, futur grand architecte paysagiste mondial, qui en a tracé les grandes lignes sur une carrière qu’Alphand et Hausmann voulaient voir disparaître.

Je voulais terminer ce petit tour trop court dans mes souvenirs en cherchant des contes appropriés à ma mémoire de ce quartier. Je pensais que les triplettes de Belleville pourraient me mener dans les recoins secrets, las, la Mégapole Belleville de l’attendrissant dessin animé de Sylvain Chomet est située symboliquement de l’autre côté de l’Océan.

Alors j’essaie de me replier sur le blog de Bernard Gensane, gentiment sous-titré culture, politique, littérature, tranches de vie. J’y trouve un long texte en forme de conte, en effet ; « L’Asperge, le Potimarron et la Zucchina : conte de la folie ordinaire ». 

« Voulant que son bonheur fût connu du monde entier, le petit roi en vint à étaler sa goujaterie, de méridien en parallèle. Devant le pape, il envoya des messages téléphonés à sa courgette, tant amour était fort. Devant le roi des Saoudiens, il lut les messages que sa favorite lui adressait depuis Paris. Il plaça le maharadja des Indes dans les pires affres protocolaires car il voulait visiter le grand temple du kamasoutra avec la zucchina. 

Enfin par un beau samedi de février, après que sa belle se fut offerte nue, en cuissardes, dans une gazette d’Hispanie, le pays d’origine de l’asperge désormais oubliée, le potimaron et la zucchina convolèrent dans leur palais de l’Elysée, devant un édile des beaux quartiers. Décidément, Potimaron aimait les femmes aux goûts multiples, éclectiques et changeants… »

Un conte de Noël ? Non ! Seulement un cauchemar ordinaire.

Je crois que les habitants du XXe arrondissement préfèrent encore les contes des mille et une nuits.

Images de Belleville, octobre 2005. Le café Chibanis et Moncef Labidi, sociologue, animateur des lieux.


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