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Nucléaire : Ce qu'attend l'Iran d'Obama.

Publié le 20 janvier 2009 par Delphineminoui1974

 « Les négociations sur le nucléaire doivent se faire sans conditions préalables »

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(Ali Asghar Soltanieh - crédit photo : Hans Punz, AP)

Lors d'une récente visite à Vienne, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Ali Asghar Soltanieh, le représentant permanent de la République islamique d'Iran auprès de l'AIEA. Autour d'un thé, ce diplomate iranien, qui parle le farsi et l'anglais, a dénoncé ce qu'il appelle la politique de deux poids deux mesures de l'Occident, et particulièrement l'Amérique. Pour Soltanieh - qui, selon ceux qui ont l'habitude de le côtoyer, sait habilement se servir des failles du TNP pour se réfugier dans le cadre de la loi - , Barak Obama devra recréer la confiance rompue entre Téhéran et Washington s'il veut initier un dialogue entre les deux pays. Voici quelques extraits de l'entretien.


Comment appréhendez-vous la prise de pouvoir de Barak Obama, et pensez-vous qu'elle peut faciliter une résolution du contentieux sur le nucléaire iranien ?

Son élection a été accueillie avec optimisme. Le monde entier, y compris notre président, y a vu une volonté de changement exprimée par la population américaine. J'espère y voir la fin de l'approche unilatérale qu'avait imposée George W. Bush. Ces dernières années, Washington a cherché à se substituer aux objectifs et aux activités de l'AIEA, en usant de son droit de veto au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU. Mais attention, l'AIEA, ce n'est pas le Conseil de Sécurité de l'ONU. Tous les membres doivent être égaux. Il est temps que les Américains changent d'attitude envers l'Iran. Les négociations sur le nucléaire doivent se faire sans conditions préalables.

La communauté internationale reproche à l'Iran de ne pas faire preuve de suffisamment de coopération et de transparence. Que répondez-vous ?

S'ils s'attendent à ce que Téhéran suspende l'enrichissement d'uranium, ils se font des illusions. Il est hors de question que nous renoncions à nos activités. Cette suspension n'est pas justifiable. Nous estimons que nous nous sommes toujours efforcés de travailler dans le cadre des règles en vigueur au sein de l'AIEA. Je tiens à vous rappeler qu'au cours de ces six dernières années, Téhéran n'a jamais bloqué les inspecteurs dans leurs visites. De plus, l'AIEA n'a jamais pu prouver l'existence d'un programme nucléaire à des fins militaires. N'oubliez pas l'invasion américaine en Irak, un pays accusé d'avoir des armes chimiques qu'il ne possédait pas... Le problème, c'est qu'en l'absence de preuve, le dossier iranien a été envoyé au Conseil de sécurité de l'ONU. C'est injuste et illégal.


Quel est l'impact des sanctions en Iran ?

La pression externe ne fait que renforcer notre détermination à poursuivre nos activités, que nous considérons comme légales. Plus nous ferons face à des sanctions, plus nous refuserons de faire des compromis. Pendant ces dernières années, les Américains ont espéré et rêvé de voir ces diverses résolutions et sanctions pousser le gouvernement iranien à faire l'erreur de se retirer du Traité de Non Prolifération et à expulser les inspecteurs. Mais c'est une erreur que nous n'avons pas voulu commettre.

Pourquoi ?


Parce que pour les Américains, cela aurait été un prétexte idéal pour renforcer les sanctions ou pour nous attaquer. Si nous avions voulu nous en retirer, nous l'aurions fait depuis longtemps, juste après la révolution de 1979. Je tiens à rappeler que nous nous sommes toujours opposés aux armes de destruction massive. Par le passé, l'Iran a été victime d'attaque chimique, pendant la guerre Iran-Irak. A l'époque, nous aurions pu fabriquer des armes pour nous défendre, mais nous avons choisi de ne pas le faire. Aujourd'hui, notre principe est simple. Nous refusons aujourd'hui de suspendre nos activités d'enrichissement, tout comme nous refusons de suspendre notre coopération avec l'AIEA.

Si votre programme nucléaire n'a pas d'objectif militaire, alors pourquoi l'avoir caché pendant tant d'années ?

Selon les règles en vigueur, il est seulement demandé aux pays signataires du TNP de n'annoncer à l'AIEA l'injection de matière nucléaire dans les installations nucléaires que 180 jours au préalable. A l'époque, en effet, Natanz n'avait pas encore reçu de matériel nucléaire.

Pourquoi ne pas avoir, de vous-même, déclaré vos activités, histoire de créer un climat de confiance ?

La confiance ne doit pas être à sens unique. Avant la révolution, les Américains ont abusé de notre confiance. Sous le régime du Chah, ils se sont ingérés dans nos affaires, et ils ont commandité un coup d'Etat. Rappelez-vous, à l'époque, plus de 40 000 conseillers militaires se trouvaient en Iran... Ils étaient très influents dans de nombreux secteurs. C'est donc sciemment que nous avons préféré attendre l'achèvement de notre programme nucléaire pour l'annoncer au monde entier, afin d'éviter qu'on nous trahisse à nouveau.

Aujourd'hui, qu'attendez-vous de Washington ?

Les dirigeants américains devraient mieux étudier notre culture. Vous savez, nous avons cinq ou six façons de dire « asseyez-vous ». L'une d'entre elle est très polie. Mais il y en a une autre qui peut offenser. Il est temps que l'Amérique change de comportement à notre égard. Dès qu'ils parlent de préconditions aux négociations, leur approche est vouée à l'échec. Pour nous, c'est humiliant. Nous n'acceptons pas que les Etats-Unis nous prennent de haut. Il y a 30 ans, c'est contre ce principe que nous avons fait la révolution.


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