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Banques : la moralisation en trompe l’oeil de l’Elysée

Publié le 22 janvier 2009 par Hmoreigne

 Le Monde relevait “de la jubilation“, rien de moins, dans le communiqué publié par l’Elysée, mardi 20 janvier au soir :”Les dirigeants des banques ont unanimement décidé de renoncer (…) à la part variable de leur rémunération au titre de 2008″. En deux temps trois mouvements Nicolas Sarkozy, fort de son autorité naturelle, aurait réglé, en personne, la délicate question de la morale dans le secteur des affaires. Affaire suivante donc ? Pas si vite. Et si l’engagement oral arraché sur les bonus cachait une erreur politique majeure ? Ne fallait-il pas subordonner les aides publiques à l’octroi de sièges dans les conseils d’administration?

Hormis Dexia dans laquelle il a pris une participation au capital, l’Etat français, contrairement à la plupart de ses voisins, s’est contenté de prêter de l’argent à long terme (10,5 milliards d’euros) aux établissements bancaires sans rentrer dans leur conseil d’administration. Loin d’une nationalisation partielle, l’objectif affiché par l’Etat, rappelé par François Fillon devant les Sénateurs, est “simplement de consolider des établissements financiers en bonne santé mais qui, dans la crise actuelle, peinent à trouver les refinancements nécessaires pour prêter aux acteurs de l’économie”.

En dehors de cette première enveloppe de prêts de 10,5 milliards d’euros initiaux, l’autre volet du premier plan repose sur la création d’une Société de refinancement forte de 320 milliards d’euros de garanties, qui doit apporter des liquidités aux établissements financiers pour permettre de réamorcer les échanges interbancaires.

Face à cet engagement massif de l’Etat des contreparties ont été fixées, au moins sur le papier. Les banques se sont engagées dans trois directions. Une augmentation de 3 % à 4 % de leurs encours de crédits pour l’année qui vient, la publication mensuelle des chiffres de leurs engagements à l’égard de l’économie et enfin, le respect d’un certain nombre de règles éthiques.

Tout irait bien dans le meilleur du monde si, à l’aube d’un deuxième plan “de sauvetage” constitué d’une nouvelle aide publique de 10,5 milliards d’euros, de nombreuses entreprises n’attestaient pas de l’attitude toujours aussi frileuse des banques dans l’octroi de prêts.

Pour ce qui est de l’éthique, le renoncement des dirigeants bancaires à leurs bonus est l’arbre qui cache la forêt. Mercredi la Société générale annonçait un bénéfice net en 2008 de 2 milliards d’€. Ce résultat n’est pas isolé. La plupart des grandes banques françaises BNP Paribas (3 Mds €), Crédit Agricole SA (1 md €), Crédit Mutuel et La Banque Postale affichent, à la différence de leurs consoeurs européennes, de très confortables bénéfices. Seules Natixis, les Caisses d’Epargne et les Banques Populaires devraient être dans le rouge.

On comprend dans ce contexte que, sur la question des dividendes, les banques à l’issue de la réunion à l’Elysée n’aient pas pris d’engagements formels. Elles “devraient” tout au plus tacitement limiter leurs montants. Le Crédit Mutuel, les Caisses d’Epargne et les Banques Populaires, qui sont des banques coopératives, ne sont pas concernées puisqu’elles ne distribuent pas de dividendes.

La situation, comme le relève Les Echos , est paradoxale. Même si on parle de crise, la plupart des grandes banques françaises vont engranger des milliards de bénéfices. S’ils ne sont pas redistribués en 2009, ce sera au cours de l’exercice suivant.

Comble de l’ironie, ces excellents résultats sont essentiellement permis par l’activité banque de détail dans l’hexagone, unanimement reconnue comme  “très rentable et peu risquée”. Usagers des banques et contribuables, une double peine, apparaissent à défaut d’une poule aux œufs d’or, comme une vache à lait.

On peut comprendre la réticence de l’Etat à siéger dans des conseils d’administration. Le naufrage du Crédit Lyonnais est dans toutes les têtes. Pourtant, une vraie moralisation passerait par une taxation exceptionnelle du résultat des banques qui ne constituerait que le retour dans les caisses publiques d’une partie des bénéfices générés par de l’argent public.


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