Magazine Humanitaire

Immigration des enfants

Publié le 22 janvier 2009 par Kak94

Des enfants étrangers isolés arrivent par milliers (293)

avocats006_53.1185292572.gifLe JDD de ce dimanche 18 janvier 2009 nous révèle que “des prostituées venues de Chine envahissent les rues de Paris”. Elles tendent à supplanter les Africaines. En charge des mineurs étrangers qui arrivent non accompagnés à Roissy-Charles de Gaulle, je peux attester de deux choses.


Premièrement en Seine Saint-Denis nous avons battu en 2008 notre record de mineurs étrangers isolés pris en charge. Après en avoir accueilli un peu plus de 400 de ces enfants en 2004, ce nombre ayant sensiblement baissé, depuis tout en restant élevé, on aura vu les chiffres exploser en 2008 : 560.

Ce chiffre ne prend en compte que les jeunes admis à l’Aide sociale à l’enfance sur décision de justice et ceux accueillis par le Lieu d’Accueil et d’Orientation de la Croix Rouge situé à Taverny qui ne “travaille” que pour la juridiction de Bobigny.

On peut estimer que trois ou quatre cents pour le moins, peut-être et même sûrement plus, mais ne disposant pas encore des chiffres officiels je me dois d’être prudent, ont été refoulés à la passerelle sans même être placés en zone de rétention ou refoulés pendant leur rétention administrative qui ne peut pas dépasser 20 jours.

Et puis il y a toutes ces personnes qui prétendent être mineures, mais dépourvues de papiers réguliers ne seront pas considérées comme ayant moins de 18 ans avec les incertitudes désormais bien connues dans la pratique de l’expertise osseuse.


Ce sont donc sûrement 1 000 à 1 500 mineurs qui sont arrivés à Roissy en 2008.


Ce qui se joue en Seine-Saint-Denis vaut à Paris et ailleurs.


En d’autres termes, la pression est redevenue très forte, plus forte que jamais notamment sur les services sociaux en charge d’accueillir ces enfants, d’analyser leur situation, de les orienter. On peut évaluer désormais à 6 -7 000 ces mineurs qui arrivent chaque année en France et à 100 000 pour l’Europe.


Leur accueil est d’autant moins facile à mettre en œuvre que, mis à part le LAO de Taverny qui reçoit un tiers de ces enfants avec des moyens diminués en 2008, les services mandatés ne sont pas préparés à cette mission. Or on ne prend pas en charge de la même manière un petit afghan ou un sri lankais qu’un enfant maltraité ou délaissé né dans une cité de la Seine-Saint Denis.


La pression accrue est telle que certains jours elle embolise toutes les capacités d’accueil du dispositif pour l’enfance en danger du département, structures publiques et privées confondues.


Il faut ensuite communiquer avec ces enfants et les interprètes ne sont pas toujours disponibles et, en tout cas, pas 24 h sur 24. Il faut gagner rapidement leur confiance quand ils ont été programmés à ne pas la donner et à se taire. Un accompagnement par un bénévole de la Croix Ruge en uniforme facilite souvent les choses. Il faut encore trouver un administrateur ad hoc pour défendre leurs droits. Etc. , etc. , etc.


Certains de ses enfants fuient les persécutions politiques. Qui a vu ses parents tués devant lui, la tête tranchée, qui sa mère violentée, qui sa maison bruler. Il y a aussi ceux qui fuient pour ne pas être enrôlés et que leur famille tente de mettre à l’écart. Parmi eux les sri-lankais, les congolais et autres pakistanais.


Il y a massivement ceux qui viennent ici pour gagner leur vie et celle de leur famille. Ceux-là auront généralement une grosse dette à rembourser soit à leur famille, soit à celui qui a prêté pour le passeur. Certains doivent rembourser rapidement ; d’autres se voient donner le temps d’entreprendre des études. En tout cas, une sacrée aventure leur est proposée car non seulement il faut aller à l’autre bout du monde pour y faire sa vie sans ses parents, mais il faut encore mentir sur les conditions de l’arrivée en France et sur sa famille. Ces conflits de loyauté avec la famille sont redoutables.

Deuxième constat, après s’être tarie dans les années 2005-2006, l’arrivée de jeunes chinois est à nouveau forte. Il y a des garçons comme des filles. Il y a fort à parier que certains se retrouveront sur les trottoirs de Paris ou dans des ateliers clandestins. Certains de ces enfants ne sont pas systématiquement isolés. J’en vois qui viennent rejoindre leur parents présents en France depuis des années qui ont enfin réussi à mettre de côté de quoi payer le voyage à leur enfant comme cette famille, dont le père était présent dans mon cabinet l’autre lundi pour retrouver son fils qu’il n’avait pas vu depuis 8 ans. Internet et les web cam permettent de maintenir un lien et d’entretenir l’espoir, puis, parfois, le grand jour vient. Ce père quoiqu’en situation irrégulière n’a pas craint de braver le danger en venant reconnaître et chercher son fils dans mon cabinet. Ils irradiaient de joie.Je ne reprendrai pas ici dans le détail le parcours de ces enfants en France. Je renverrai à des posts que j’ai déjà placés sur ce blog.

Je voudrais simplement apporter un témoignage et plus que jamais interpeller.

Le témoignage consiste à affirmer que le travail effectué par la justice et les services sociaux est souvent admirable pour ces enfants dans des conditions techniques délicates. L’accueil n’est pas toujours aisé mais l’orientation ne l’est pas plus. La solidarité nationale est un beau mot sur les frontons et dans les discours politiques, mais en pratique peut nombreux sont les conseils généraux qui acceptent d’accueillir ces enfants. Ils font passer le message aux associations qu’ils financent. Pourtant une solidarité s’impose et il revient à l’Etat d’en faciliter la recherche ce qui implique que lui-même ne se désinvestisse pas. Il le fait pourtant une fois ces personnes devenues majeures. Il veut se désengager partiellement en 2009 du LAO de Taverny pour amener les conseils généraux de la région parisienne à financer cette structure déficitaire, mais remarquable pour son travail.

L’engagement pour ces enfants est ingrat. Nombre fuguent rapidement pour poursuivre leur route tracée par la famille via les passeurs. Ainsi la majorité de ceux qui se présentent comme palestiniens filent vers l’Allemagne sans demander leur compte. De plus en plus les chinois fuguent également quand avant ils demandaient un “placement à l’aide sociale à l’enfance”. Reste qu’après avoir sensiblement chuté grâce à la mobilisation d’un lieu très spécialisé le taux de fugue flambe de nouveau (50%) dans la mesure où des équipes non préparées sont mobilisées.

Si ces jeunes ne fuguent pas, l’obstacle de la langue étant vite franchi, ils entreprendront avec succès des études. Nous devons les autonomiser avant leurs 21 ans … s’ils acceptent de demander une aide à 18 ans. La difficulté est bien sûr de les doter d’un titre de séjour régulier. Mineurs ils ne sont pas expulsables, mais sont sans titre régulier. Majeurs on ne peut rien leur garantir.

Soit par l’asile, rarement accordé mais quand même octroyé, soit par un titre de séjour classique avec autorisation d’étudier ou de travailler sur la base d’une circulaire Villepin du 5 mai 2001 on y parvient généralement. Pas à coup sûr. Rien n’est jamais garanti. C’est la glorieuse incertitude du sport qui insécurise tout le monde. Et après tout quoi de plus normal puisque ces jeunes personnes sont entrées irrégulièrement. Les préfectures, et déjà celle de Seine-Saint-Denis, admettent les efforts déployés par des jeunes qui ne posent aucun problème d’ordre public.

En tout cas il n’y a pas à rougir de ce qui est fait. Les tribunaux pour enfants assurent la protection physique de leur personne ; les juges des tutelles ou les juges aux affaires familiales ou difficilement certes délèguent la tutelle ou l’autorité parentale à l’Aide sociale à l’enfance. Il faut dire que souvent ces jeunes n’ont pas les papiers attestant de leur d’identité et de leur filiation. Pour autant la encore rien n’est jamais assuré ni la tutelle, ni le titre de séjour.

Il est temps - là est l’interpellation - de doter ce dispositif d’un pilote. Il faut articuler les responsabilités de l’Etat, des collectivités locales et du réseau associatif habilité ou non. Nous le demandons de longue date. Il est temps de disposer d’une autorité politique investie sur ce sujet. Jusqu’ici l’Etat et ses ministères joue le jeu de la défausse.

Le problème est sérieux. D’évidence le dispositif de protection de l’enfance est instrumentalisé notamment par les passeurs. Des millions d’euros sont en jeu.

Nombre de ces enfants ne sont pas objectivement en danger, leurs parents sont absents de leur environnement premier, mais fort heureusement pas disparus. Ils viennent en France pour étudier et travailler. Ces enfants relèvent de la coopération internationale de la France ou de l’Europe. Les sommes fournies aux passeurs pourraient payer leur inscription scolaire en France. ll faut le dire et en tirer les conséquences en se réjouissant que leurs familles aient choisi la France. Demain, formés par la France pour la plupart ils seront de bons français. Trop cependant auront plongé dans la clandestinité faute de régularisation.


Tout simplement le politique ne peut pas laisser un sujet aussi délicat que celui-ci sans tracer le cap à ses intervenants.


source :  http://jprosen.blog.lemonde.fr/


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