Le jouet n'est pas un objet insignifiant et futile. Il
est un objet d'étude qui permet au chercheur de saisir la force des représentations sexuées. Pendant la socialisation, que ce soit par les parents, les amis ou les enseignants, les enfants
commencent à développer les rôles sexués et les stéréotypes de genre. Très tôt dans la vie, les enfants déterminent les comportements appropriés ou non à leur sexe. Les enfants au contact de
beaucoup de jouets, accumulent par leur intermédiaire une base de connaissances à propos de la convenance ou non de ces jouets par rapport aux deux genres.

L'analyse des catalogues de jouets lors de la traditionnelle fête de Noël menée par Sandrine Vincent, dans Le jouet et ses usages sociaux aux éditions La Dispute en 2001 est très révélatrice. Première remarque qui saute aux yeux devant les catalogues : deux couleurs organisent de manière bien distincte les jouets réservés aux garçons et les jouets réservés aux filles. Rose pour les filles et bleu pour les garçons. De plus, les textes des catalogues de jouet reproduisent cet imaginaire sexué : une petite fille est « calme, douce et mignonne », un petit garçon est « actif, brutal et performant ». Sandrine Vincent montre qu'aux filles sont proposés des jouets pour l'intérieur du foyer, des ustensiles et accessoires pour apprendre les fonctions traditionnelles de mère de famille et intérioriser l'exigence de séduction qui pèse sur les personnes de leur sexe d'assignation, ainsi que des panoplies de professions reconnues comme essentiellement féminines (infirmière, maîtresse d'école, marchande...). Pour les garçons, le choix est plus large, sauf pour le domaine domestique où le bricolage est l'unique jeu présenté. Leur sont proposées des activités fortement connotées masculines incitant à l'esprit d'aventure, au combat, à la protection. Sylvie Cromer dans « Vie privée des filles et garçons : des socialisations toujours différentielles ? » in M.Maruani (dir.), Femmes, genre et sociétés. Paris, La Découverte, 2005 rappelle que les jouets dits masculins « favorisent la mobilité, la manipulation, l'invention et le goût de l'aventure, ceux des filles [...] développent l'intérêt porté à soi et aux autres, dans la mise en avant de la séduction et de la maternité. »
Si l'univers des jouets est très stéréotypé, la transgression est toutefois possible, mais elle est alors différenciée selon le sexe de l'enfant : tolérance voire encouragements pour les filles qui choisissent des jeux de garçons socialement valorisés, réprimande et refus pour les garçons qui choisissent des «jouets de filles» socialement non valorisés. Bien que l'évolution des représentations sociales amène les parents à déclarer vouloir élever leurs filles et leurs garçons de « la même façon » comme l'ont montré Granié, Ricaud & Le Camus, « Influence du sexe sur les représentations des pratiques éducatives des parents d'enfants de trois ans », in Lescarret, O. & Leonardis, M. (Eds) Séparation des sexes et compétences, L'Harmattan, 1996, p. 45- 61). L'univers des jouets correspond encore aujourd'hui à une vision très traditionnelle de la séparation des tâches selon le sexe.
On notera que dans l'ouvrage Contre les jouets sexistes paru en 2007 aux éditions L'échappée, des associations antisexistes (Mix-cité, le Collectif contre le publisexisme) prennent la parole. A ce propos, vous pouvez consulter le catalogue contre les jouets sexistes qu'ils ont édité.
par Frédérique
PS : Baptiste Coulmont me signale dans un commentaire à ce post le mémoire de Mona Zegaï (dir. Heinen, UVSQ, 2007) disponible ici.
