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Umar TIMOL : Lettre à Enrico.

Par Ananda
Mon cher Enrico,

Il est vrai qu'on ne discute pas des goûts et des couleurs mais je
vais te faire un aveu.  Je trouve, très sincèrement, que tes chansons
sont assommantes et sirupeuses. Je pense, si tu me permets une modeste
suggestion, qu'il faudrait les proposer à des aéroports ou à des
maisons de retraite.  Elles peuvent servir à détendre des passagers
pressés ou à soulager ces vieux qui guettent la mort.

Mais je t'écris, mon cher Enrico, pour évoquer un débat autrement plus
important.

Je crois à la liberté d'expression. Tu as le droit de t'exprimer en
toute liberté, d'exprimer haut et fort tes opinions. Tu as même le
droit de venir à Maurice. Tu verras que c'est un beau pays et
crois-moi on a l'habitude des clowns et pour reprendre un mot de
l'adorable capitaine Haddock, des zygotos. Ainsi tu as le droit de '
soutenir à mille milliard pour cent ' l'invasion de Gaza. J'estime que
c'est tout à fait légitime et tu as le mérite d'être clair. Tu as
choisi ton camp, celui du Mal. Ce mot, j'en suis certain, te fera
sursauter car tu es après tout l'apôtre de la paix. Drôle d'apôtre il
est vrai mais il faut aussi parfois savoir faire preuve de charité
chrétienne.  Eviter, par exemple, d'éclater de rire quand on rencontre
un apôtre de la paix qui est un apôtre de la guerre. Figure-toi, mon
cher Enrico, que ce mot, Mal, somme toute radical, me surprend aussi
car je sais l'âme humaine complexe et contradictoire. Je me méfie des
stéréotypes et des raccourcis simplistes. Il faut éviter de se livrer
au vitriol des accusations et tenter, au contraire, une analyse
intelligente et réfléchie. Mais, mon cher Enrico, je persiste et
signe, soutenir l'invasion de Gaza est choisir le Mal. Je vais, si tu
me le permets, te donner un exemple, parmi tant d'autres. Dans un
article récent publié dans Le Monde, deux médecins norvégiens
expliquent que ' nous avons vu des victimes de ce que nous avons
toutes les raisons de penser être le nouveau type d'armes, expérimenté
par les militaires américains, connu sous l'acronyme DIME – pour Dense
Inert Metal Explosive '.  As- tu, mon cher Enrico, entendu parler des
Dime ? Ce sont, toujours selon l'article des, ' petites boules de
carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer,
elles ont un énorme pouvoir d'explosion, mais qui se dissipe à 10
mètres. "A 2 mètres, le corps est coupé en deux; à 8 mètres, les
jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres
d'aiguilles'. Et les médecins ajoutent, "Se peut-il que cette guerre
soit le laboratoire des fabricants de mort ? Se peut-il qu'au XXIe
siècle on puisse enfermer 1,5 million de personnes et en faire tout ce
qu'on veut en les appelant terroristes ?.' Il n'y a pas lieu ici
d'élaborer. Israël a choisi délibérément d'exterminer des innocents.
On pourra nous dire ce qu'on veut, qu'Israël a le droit de se
défendre, qu'Israël combat le terrorisme, on nous fera à nouveau le
coup du chantage à l'antisémitisme mais Israël a fait un choix et
c'est le choix du Mal.

Est-ce que tu me permets, mon cher Enrico, de te poser une question ?

Est-ce qu'il t'arrive de penser aux enfants de Gaza ? As-tu essayé, ne
serait-ce qu'un instant, de te glisser dans la peau d'un enfant de
Gaza ? Un enfant comme les autres, qui a droit à la vie, à la liberté
mais un enfant qui souffre, un enfant dont les parents sont peut être
morts, un enfant massacré, amputé, un enfant coupé en deux, dix, mille
morceaux par un DIME ?

Est-ce qu'il mérite un tel sort, Enrico ?

Y as-tu pensé ?

Est-ce qu'il t'arrive de penser aux enfants de Gaza ?

Et mon cher Enrico, dis-moi, est-ce qu'il y a moyen d'atteindre ton
cœur, de démanteler la barricade des préjugés et de la peur ? Ou
est-ce qu'on vit et meurt ainsi, acharné dans ses convictions les plus
folles et les plus absurdes, le sang des innocents sur la conscience ?

Et qui sont donc ces hommes et ces femmes qui mieux que quiconque
savent le sens de la souffrance mais qui ont choisi d'oublier
l'histoire, qui sont donc ces hommes et ces femmes qui s'acharnent contre les
faibles, qui perpétuent la destruction, qui exercent la politique du
pire, qui restent et resteront sourds à l'humain, qui sont donc ces
hommes et ces femmes qui requièrent la violence pour survivre et qui
nous entrainent, chaque jour, un peu plus, vers les abîmes ?

Qui sont-ils, Enrico ?

Dis-le moi, Enrico, car je n'arrive plus à comprendre.

Je t'invite, pour terminer, à méditer ces mots de Sara Roy,
intellectuelle juive et enseignante à Harvard.

Our rejection of the 'other' will undo us.

Le refus de l'Autre vous détruira.

Je sais qu'il se trouve des Justes en Israël, ils sont trop nombreux
pour les nommer, des Justes qui savent qu'il faut cesser
de diaboliser et de déshumaniser l'Autre, qui savent que la seule
alternative est la paix, des Justes, qui se
battent pour construire un devenir de paix et de partage, des Justes
qui sont comme une flambée d'étincelles dans les errances des
ténèbres.

Quant à toi, mon cher Enrico, tu as choisi le camp des bourreaux, le
camp du Mal et je trouve, pardonne-moi de te le dire, que c'est très
minable.

En attendant, j'espère que tu voudras bien cesser de faire des
chansons mielleuses avec le fiel de la haine et l'acide de la
barbarie.

Cordialement,

Umar ( Un Mauricien )

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