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Suicide assisté à 100 mètres du plus grand bordel de Suisse !

Publié le 22 janvier 2009 par In Varietate Concordia

Suicide assisté à 100 mètres du plus grand bordel de Suisse !
Un article dans Métro d’aujourd’hui m’a interpellé. Il s’agit de l’entretien accordé au quotidien par le comédien Daniel Gall pour la promotion de son livre J’ai accompagné ma sœur consacré au suicide assisté. La manière dont se déroulent ces suicides m’a fait froid dans le dos…


Dans son livre "J'ai accompagné ma sœur", qui paraît aujourd'hui, le comédien Daniel Gall raconte le double suicide assisté de sa sœur aînée et de son mari qui l'ont choisi comme témoin.


Avez-vous hésité avant de publier vos notes sur le suicide de votre sœur et de son mari ?
Oui, mais il faut dire les choses et engager le débat. Je ne suis pas contre le suicide, mais dans le cas de ma sœur, j’ai vraiment le sentiment qu’elle est « mal morte ».

Votre témoignage donne un aperçu terrible de l’association suisse Dignitas qui propose une assistance au suicide aux étrangers…

C’était un cauchemar. Le contexte faisait plutôt penser à un avortement dans les années 50. On se retrouve au beau milieu d’une zone industrielle, pris en charge par des manœuvres de service dans un local vraiment glauque où il n’y a même pas de toilettes. Il règne une atmosphère de clandestinité sordide. A une heure de la mort, on nous demande de signer un tas de papiers. On poireaute. Et après avoir été filmés en train d’assister à la mort de nos proches, nous sommes totalement livrés à nous-mêmes, abandonnés sans aucun suivi. On n’a même plus le droit d’aller voir les défunts dans la chambre. Et pour ce prix-là, ils pourraient au moins fournir un lit deux places.

L’activité de Dignitas vous paraît-elle motivée par l’appât du gain ?
lls font du chiffre. C’est assez monstrueux. Ainsi, faute de place, deux jeunes qui voulaient se suicider ont pris la boisson létale dans leur voiture sur le parc de stationnement. Il n’y a aucune dignité là-dedans. 


Vous dénoncez également la complicité des autorités qui ferment les yeux ?

Oui. Quand on appelle le consulat de France qui s'occupe de nous envoyer les urnes, les réponses sont vagues, fuyantes. Toute la procédure est entourée d'un flou désolant, pas du tout artistique. Et puis il y a autre chose. Ma soeur était atteinte de la maladie d'Alzeihmer. Mais mon beau-frère était en pleine forme et, intellectuellement, il avait gardé toute sa vivacité. Même si la loi en France était plus souple, on ne l'aurait pas laissé mourir.


En complément, voici la transcription de l'entretien accordé au Monde par Ludwig A. Minelli, président de Dignitas.



GRAND ENTRETIEN

LUDWIG A. MINELLI


En Suisse, rendez-vous avec la mort

Article paru dans l'édition du 25.05.08


Indifférent à la réprobation, Ludwig A. Minelli s'est mis au service de ceux qui demandent une mort volontaire assistée. La loi suisse n'interdit pas l'aide au suicide,sauf si elle obéit à des « motifs égoïstes ». En dix ans, ce Zurichois de 75 ans a ainsi «accompagné » 868 personnes.


Beaucoup, en Suisse et ailleurs, estiment que le « tourisme de la mort » que vous organisez n'est pas acceptable. Que leur répondez-vous ?


En Suisse, on peut aider quelqu'un à se suicider tant que l'on n'est pas mû par un « mobile égoïste ». Or j'ai toujours estimé que la mort volontaire assistée était un droit universel. Pourquoi devrais-je accepter d'aider une dame qui souffre d'un cancer à Genève, alors que je le refuse à une autre dame souffrant de la même chose à Annemasse, de l'autre côté de la frontière ? Cela ne tient pas debout d'un point de vue éthique. L'expression « tourisme de la mort », a été inventée par le procureur général de Zurich. En 1999, un an après la création de Dignitas, il disait : « Pourquoi est-ce que vous importez ces étrangers ? ». Je n'accepte pas cette attitude, car je défends un droit de l'homme universel, garanti par le droit européen. Et d'ailleurs, est-ce qu'en Suisse on critique le tourisme bancaire, qui permet à des citoyens européens de ne pas payer leurs impôts ? Le tourisme naît de la différence entre l'offre et la demande.


Le 17 mai, vous avez fêté les dix ans de votre association. Combien de personnes avez-vous aidées à mourir ?


Nous avons eu 868 accompagnements, dont 85 % d'étrangers. Parmi eux, plus de la moitié sont allemands, puis viennent des Anglais, des Français, etc. En 2007, 141 personnes se sont suicidées, dont seulement 6 Suisses. Les associations Exit, elles, n'acceptent que des Suisses. Le raisonnement d'Exit est de dire que l'aide au suicide - facturée par Dignitas 10 000 francs suisses (6 152 euros) - ne doit pas être une entreprise lucrative... Dans nos statuts, nous prévoyons des réductions pour les gens qui ont des revenus modestes, et même la possibilité de ne rien payer. Du point de vue de la loi suisse, nous aurions pu créer une société anonyme et faire des profits. Mais si Dignitas est une association à but non lucratif, nous avons aussi besoin de fonds pour financer notre lutte pas seulement en Suisse, mais aussi à l'étranger. J'aimerais que les suicides assistés deviennent possibles partout en Europe.


Ce prosélytisme n'est-il pas une forme d'incitation au suicide ?


Au départ, nous ne disons jamais non. Dans nos sociétés, une personne suicidaire ne peut pas s'adresser à quelqu'un d'autre sans craindre d'être mise dans un hôpital psychiatrique. Nous, nous discutons, d'abord en cherchant des solutions en faveur de la vie. Si l'on arrive à la conclusion que le suicide est la seule possibilité, il se produit alors un phénomène étrange. Sur cent personnes qui reçoivent notre feu vert provisoire, à savoir qu'un médecin suisse s'est dit prêt à leur prescrire du Pentothal après consultation de leur dossier, seulement 12 % réalisent leur souhait de mourir. Environ 70 % d'entre elles ne nous rappellent jamais, alors que 18 % disent vouloir encore attendre. Quand ils savent que la porte de secours existe, les individus se sentent plus tranquilles, ils ont moins peur.


Vous allez jusqu'à parler de prévention du suicide. N'est-ce pas excessif ?


Oui, Dignitas prolonge souvent la vie de ses adhérents. Il y a quatre ans, un professeur allemand qui souffre d'un cancer m'a dit : « Je viens à Zurich, je me suicide. Vous avertirez ensuite ma femme. » Je lui ai répondu que son épouse devait être au courant. Il lui en a parlé et, maintenant, tous les six mois, il prépare ses papiers pour venir et, une semaine avant, il nous appelle pour dire qu'il a encore des choses à faire. Sur les 7 368 demandes d'assistance au suicide enregistrées depuis 1998, seules 868 personnes sont passées à l'acte. Il y a une grande différence entre un suicide normal et une mort volontaire assistée. Dans le premier cas, le suicidaire ne parle à personne, et sa mort, brutale, est très dure pour son entourage. A Dignitas, nous conseillons à nos adhérents de discuter avec leur famille. Ils peuvent ainsi se dire adieu, et la phase de deuil se passe en général mieux.


En mars, le cas de Chantal Sébire a bouleversé la France. Que vous a-t-il inspiré ?


C'est un cas terrible. Mme Sébire nous avait contactés, mais elle a finalement pu se procurer du pentobarbital de sodium. Elle est morte trois jours après que le tribunal de Dijon a refusé de lui prescrire cette substance. Mais si l'on choisit la voie des tribunaux, il faut s'y prendre bien plus tôt, et l'on peut gagner. Je le conseille souvent aux différentes associations à l'étranger, car il est très difficile de trouver des majorités parlementaires pour changer les lois. Toute personne qui veut une mort volontaire peut invoquer l'article 8.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, dont il découle que chacun a le droit de décider de la date et de la méthode de sa propre mort. En 2006, un malade mental suisse est allé jusqu'au Tribunal fédéral (juridiction suprême suisse), qui a reconnu que les malades mentaux avaient eux aussi droit à un suicide assisté. Pourvu qu'une expertise psychiatrique prouve qu'ils ont une capacité de discernement et ne se trouvent pas dans un état dépressif. L'homme s'est adressé à 170 psychiatres dans la région de Bâle, tous ont refusé de l'aider. Alors il a saisi la Cour européenne des droits de l'homme.


Pourquoi de telles résistances ?


C'est une question de pouvoir. Certains milieux ne peuvent pas accepter qu'un individu ait la faculté de décider de sa propre mort. Les médecins ne l'acceptent pas, car cela va contre leur pouvoir sur les patients. Le suicide assisté va aussi contre les intérêts de l'industrie pharmaceutique, des Eglises et des responsables politiques. Nous-mêmes, nous avons des difficultés à agrandir notre réseau de médecins, composé de huit personnes.


En décembre 2007, une polémique s'est déclenchée en Allemagne, après que deux Allemands se sont suicidés, via Dignitas, dans leurs voitures sur un parking suisse. La chancelière a parlé de « sommet de l'impudence »...


Mme Merkel était mal informée. Elle n'a pas compris la différence entre l'euthanasie active,interdite en Suisse, et le suicide assisté. L'euthanasie, c'est accepter qu'une personne en tue une autre, ce qui est possible en Hollande, en Belgique et bientôt au Luxembourg. Avec l'assistance au suicide, on ne brise pas le tabou de tuer un tiers. Quand ces deux Allemands sont venus à Zurich, nous n'avions pas d'appartements où les accueillir. Ils ont refusé d'aller à l'hôtel et ont proposé d'utiliser leurs voitures. Nous sommes allés à 1,5 km de ma maison. Il y a un grand pré et un restaurant fermé depuis des mois, avec un parking devant. A Berlin, la ministre de la justice a parlé de parking au bord d'une autoroute !


Dignitas choisit souvent la voie de la provocation. Cette année, vous avez organisé des suicides à l'hélium au moyen de sacs en plastique. Pourquoi ?


Dans certains cas, provoquer est le seul moyen d'avancer. Il faut replacer ces suicides à l'hélium dans leur contexte. Fin janvier, j'ai reçu une lettre du directeur de l'autorité de surveillance médicale de Zurich m'informant d'une nouvelle directive. Les étrangers doivent maintenant avoir plusieurs entretiens avec le médecin qui leur prescrit du pentobarbital. Ils doivent séjourner en Suisse plus longtemps, jusqu'à une semaine.


N'est-ce pas la moindre des choses ?


Encore faut-il que cela soit possible ! Certains étrangers arrivent en ambulance. J'ai eu le cas d'un Américain qui est venu dans un avion médicalisé. Si, maintenant, on allonge la procédure, faudra-t-il les hospitaliser ? Cela risque de coûter cher. J'ai donc dit aux autorités que nous nous réservions la possibilité d'utiliser l'hélium, qui permet une mort assistée sans ordonnance médicale. Ce gaz, qui prive la personne d'oxygène, ne provoque aucune sensation négative, même si, une fois plongée dans le coma, la personne a encore des réflexes oculaires, des soubresauts, ce qui n'est pas très agréable pour la famille. Nous avons aussi signalé au médecin cantonal qu'en donnant trop d'indications sur cette méthode qui est très efficace et accessible à tous, le nombre de suicides pourrait augmenter.


Pourquoi certains de vos adhérents ont-ils choisi cette méthode ?


Il y a eu quatre suicides à l'hélium. Les deux premiers cas n'ont pas été médiatisés. Il s'agissait d'un Français d'une soixantaine d'années venu de Lorraine. Il voulait en finir le plus vite possible, car il risquait à chaque instant d'avoir une attaque cérébrale. Il est venu avec sa compagne, nous avons beaucoup discuté.


Etes-vous en faveur de l'euthanasie ?


Je suis contre, sauf pour les malades d'Alzheimer qui, s'ils veulent un suicide assisté, doivent sacrifier un bout de leur vie, avant que la démence ne les frappe. Le système suisse n'est pas idéal, mais il est l'un des meilleurs au monde. En Hollande, la loi précise qu'il faut une relation bien établie entre le médecin et le candidat à la mort volontaire : si le médecin est contre l'euthanasie, vous vous heurtez à un refus. Aux Etats-Unis, le patient peut se procurer lui-même le médicament et le prendre, au risque de se rater faute d'instructions. Et s'il meurt avant, la substance reste dans son appartement, ce qui est dangereux. En Suisse, le pentobarbital reste toujours sous le contrôle de nos associations.

85 % des Suisses sont pour le suicide assisté, mais vous avez dû vous battre pour trouver de nouveaux locaux. Personne ne veut que ça se passe près de chez lui. Moi, ce qui m'attriste, c'est que des gens très malades soient obligés de venir mourir à l'étranger. Ici, dans mon living-room, j'ai accueilli deux personnes. En 2007, nous avons dû partir d'un appartement à Zurich parce qu'une voisine s'est plainte. Après plusieurs refus, nous avons pu louer des locaux dans des bâtiments industriels à Schwerzenbach, près de Zurich. A 100 mètres du plus grand bordel de Suisse ! Nous cherchons aujourd'hui un immeuble à acheter.
Propos recueillis par Agathe Duparc


Rectificatifs et precisions

LEMONDE.FR : Article publié le 28.05.08

Ludwig A. Minelli.
A la suite de la publication d'un grand entretien intitulé "Suisse,
rendez-vous avec la mort" (Le Monde daté 25-26 mai), Ludwig A. Minelli précise qu'il ne dispose pas de chiffres sur le nombre total de demandes d'assistance au suicide adressées à Dignitas depuis 1998. Par ailleurs, l'association a utilisé la méthode de suicide à l'hélium, non au moyen de sacs en plastiques, mais de masques. Enfin, M. Minelli, évoquant les Etats-Unis, parlait uniquement de l'Etat de l'Oregon.


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