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Sanzaki

Publié le 23 janvier 2009 par Lironjeremy
Les livres courts ont cet effet qu’après les avoir traversés ils vous restent comme un rêve. Particulièrement ceux de Jean-Loup Trassard en ce qu’ils témoignent d’un monde advenu et qui continue cependant en marge, comme à rebours du monde. C’est pareil que de décrire ce qui commerce dans les limbes. En cela même, un monde éminemment romanesque. Y résonne la grande temporalité, une fatigue digne, coutumière, des gestes calleux de se répéter depuis le fond des ages, des vies. Chez Trassard, une sobriété, des élégances de langage qui font penser à Michon parfois. On le mettrais aussi côte avec Bergounioux parmi les écrivains des terres et des époques retirées, de ces fins fonds de campagnes auxquelles l’éloignement géographique confère un certain archaïsme. Ses personnages parlent comme certains de Céline. Une langue réellement, et proprement poétique en ce qu’elle dit les choses du dedans, sans paraître y fouiller. En cela aussi ils sont vrais. C’est comme toujours les voir passer de profil, courbés, affairés dans une lumière faiblarde. Sanzaki, paru en novembre dernier aux éditions le temps qu’il fait, est « une sorte de synopsis décrivant les scènes principales d'un projet de film conçu comme policier rural, où l'on voit un trafiquant d'eau de vie s'opposer à la brigade volante des Indirectes secondée par la gendarmerie. L'homme est agriculteur le jour et passeur de “goutte” la nuit entre la campagne productrice et la région parisienne (sans payer l'acquit nécessaire à tout transport d'alcool). On le suit quand il cultive la terre, franchit un barrage dans la nuit, transforme sa voiture, se fait prendre, s'évade... L'ambiance générale est terreuse, celle de l'automne dans l'ouest, surtout crépusculaire ou nocturne. L'accent y est mis, par la seule écriture, sur les bruits finement détaillés alors que les paroles restent rudimentaires et brèves. Cette fiction étonnamment rapide et visuelle n'est pas sans rapport avec certaines œuvres cinématographiques des années soixante, à la limite de la parodie. On y participe avec jubilation, en totale complicité avec le narrateur-observateur et non sans sympathie pour le “ malfaiteur ” silencieux et insaisissable. » Tout le long on a des images, des planches à la manière de Tardi, on aimerait sinon dessiner l’aventures à sa propre manière en quelques pages quasi muettes, passées au brou de noix, l’interrompre aussi judicieusement qu’elle l’est ici. Seule réserve : les photos de l’auteur dont on se passe en tournant les pages, le texte est déjà images.

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