Il sortit le plat à gratin du placard et en frotta le fond avec une gousse d’ail. Il y plaça ensuite une couche de pommes de terre, du poivre, de la muscade, un peu de crème fraiche et du gruyère rapé. Seconde couche de pommes de terre. Là, il me dit : j’ai couché avec Anaïs. Poivre, muscade, crème fraiche.
Je ne ressentis aucune surprise, ni colère à cette annonce. Je fixai ses gestes appliqués. Ne dis rien. J’avais souvent imaginé la scène : le sol s’effondrer sous mes pieds, mon coeur exploser, ma raison s’envoler. Or, je ne sentais rien. Pas même de la déception. La pluie se mit à tomber et il se leva pour fermer la fenêtre. Mettre le gratin dans le four. Je regardai son dos et ne le trouvai pas droit. Ses épaules affaissées. Je quittai la cuisine.
Dix minutes plus tard, je le retrouvai dans le salon. Je tenais une cigarette dans ma main droite, une valise dans ma main gauche.
- Tu t’en vas ?
- Oui.
- Tu m’en veux ?
- Non.
- Pourtant tu pars…
- Oui.
- Pardon…
- De ?
- T’avoir trompée.
- Non. C’est moi qui me suis trompée.
Je laissai les clés sur le guéridon de l’entrée. Lorsque je franchis la porte, la pluie cessa.
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