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Comment veilles-tu ?

Publié le 25 janvier 2009 par Pierre Mounier

Comment veilles-tu ?

La masse d'information que nous devons traiter chaque jour est toujours plus importante. Face au risque d'infobésité, nous sommes tous contraints de mettre en place des stratégies de traitement de l'information au moyen d'outils plus ou moins perfectionnés. La définition de telles stratégies repose sur la définition d'un équilibre entre deux principes opposés mais non contradictoires :

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la recherche de sources d'informations toujours plus nombreuses et diversifiées, afin de ne pas manquer les innovations qui apparaissent constamment dans la plupart des champs d'activité (la société de l'information est une société de l'innovation)

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le filtrage toujours plus sévère de l'information collectée pour ne pas perdre de temps à devoir traiter de l'information non pertinente ou redondante.

La littérature sur le sujet est assez souvent décevante parce qu'elle s'intéresse ou bien aux outils, ou bien aux principes généraux. Il est en revanche bien difficile de trouver des conseils pratiques pour mettre en œuvre une stratégie de veille mobilisant les outils évoqués et respectant les principes généraux faisant l'objet de recommandations. La raison en est évidente : il revient à chacun de définir sa stratégie en fonction de ses objectifs particuliers. Définir une stratégie de veille efficace relève de la mécanique de précision et demande une bonne connaissance, non seulement des outils à disposition et du domaine sur lequel on travaille, mais aussi de ses propres habitudes intellectuelles, ce qui est le plus difficile.

Rien n'empêche cependant d'échanger sur nos pratiques de veille, sur nos stratégies concrètes, c'est à dire pas seulement quels outils nous utilisons, mais comment nous les utilisons. Et pour échanger, pourquoi ne pas développer une chaîne de blogs permettant de comparer les pratiques de chacun ? Je commence donc par exposer ma stratégie de veille et je demanderai en fin de billet à 5 blogueurs d'en faire de même. Je ne parlerai pas seulement de ma pratique de veille à l'instant , mais aussi des évolutions dans cette pratique.

Les outils

Car il faut bien commencer par là, malgré tout. Etant assez gadgetophile, je crois bien avoir testé la plupart des outils parus sur le marché au cours des dernières années ; j'ai bien dit testé ; pas utilisé. Pour me tenir au courant, j'utilise en particulier l'excellent Outils Froids qui est une référence en la matière. En gros, pour effectuer une veille à peu près efficace, il faut utiliser trois types d'outils complémentaires : les agrégateurs de flux RSS, les signets et bibliographies partagées, les réseaux sociaux.

Côté agrégateurs

Après avoir expérimenté les logiciels installés en local (RSSowl entre autres, puis le gestionnaire de RSS de Thunderbird), je me suis porté vers Bloglines, sur les conseils de Véronique et Jean-Christophe, que j'ai utilisé pendant des années. J'ai pourtant fini par abandonner cet outil au profit de Google Reader pour une raison simple : la facilité avec laquelle cet outil permet de sélectionner des items ('s'), de les partager avec les autres (Shift+'s') et de les taguer ('l'+tag) et de partager sa liste d'items tagués avec d'autres. Ces fonctionnalités existent sans doute aujourd'hui dans Bloglines, mais Google Reader a eu un temps d'avance sur son concurrent.

En ce qui concerne les signets partagés, je reste fidèle à Delicious sans trop aller voir ailleurs. Le principal intérêt d'un service de signets partagés ne réside pas dans la sophistication des fonctionnalités qu'il met à disposition je pense, mais dans l'importance de sa base utilisateurs. Delicious donc : c'est rapide, c'est simple, c'est mainstream.

Mon utilisation des réseaux sociaux pour la veille est beaucoup plus récente. Je suis sur Facebook et la plupart de mes "amis" sont des contacts professionnels (mais néanmoins amis sans guillemets pour la plupart). Garder un œil sur les traces de vie qu'ils laissent sur cette plateforme m'est donc utile. Comme ils sont aussi sur d'autres plateformes, j'utilise aussi Friendfeed pour les suivre. J'avoue ne pas y passer des heures. J'ai récupéré le fil RSS de mes 'amis' Friendfeed dans Google reader qui m'annonce plusieurs centaines de traces produites par jour. Je regarde de temps en temps.

Place à la stratégie maintenant

Je crois assez peu à l'efficacité d'un travail de veille qui ne serait pas du tout lié à une quelconque production. Autrement dit, le travail de traitement d'une masse très importante d'informations doit être orientée par un objectif opérationnel concret ; veiller, ce n'est pas se tenir au courant ; c'est sélectionner, capitaliser, agréger puis synthétiser l'information pour en faire quelque chose. De mon côté, l'output de ma veille, c'est Homo Numericus. Les lecteurs de ce magazine en ligne savent qu'il est de publication irrégulière ; c'est vrai aussi de la veille qui le prépare ; il y a toujours une distance plus ou moins grande entre les objectifs affichés et la réalité...

Pour préparer mes textes dans Homo Numericus, j'applique ce que je considère être une stratégie des tamis successifs :

Premier tamis

Dans Google reader, je parcours très vite ma liste "all items" agrégeant les dernières publication dans les 200 flux et quelques auxquels je suis abonné. J'essaie d'aller très vite. Je suis quand même en mode de visualisation "déployé" et non en mode liste, car les titres seuls ne me permettent pas toujours de juger de l'intérêt d'un article.

Dans ces 200 flux, j'en ai quelques uns qui sont automatiques : des flux issus de recherche de mots clés sur Google news ("informatique, internet", "cyber*", etc), le flux de mes "amis" sur Friendfeed, le flux de mon "network" dans Delicious. A ce niveau mon travail consiste pour l'essentiel à sélectionner, partager et taguer les articles qui me semblent dignes d'attention. C'est un premier tamis ; je suis donc large, en marquant aussi des informations purement factuelles, de détail. Cette simplicité du premier tamis est toute récente. Pendant longtemps, j'ai cherché à classer mes flux : dans des dossiers thématiques d'abord (politique, économie, usages, technos), puis par type de source (presse, blogs, communication institutionnelle), puis les deux. Je me suis rendu compte que ce classement ne me servait à rien. J'ai ensuite créé un niveau de préselection, un dossier "A suivre", avec une trentaine de sources que je considérais comme plus importantes que les autres. Résultat : je ne lisais plus que ces sources. Finalement, j'ai décidé d'abandonner tout principe de classement sur mes sources et de le développer plus finement sur les articles que je sélectionne.

Second tamis

Comme en général, je n'arrive pas à tout parcourir sur autant de sources, je regarde périodiquement et systématiquement un certain nombre de flux particuliers de publications qui sont très proches de mes préoccupations et/ou de très bonne qualité : Internet Actu, La Feuille, bien sûr, OA news, ReadWriteWeb, la rubrique techno du New York Times par exemple. Là, il s'agit de ne rien laisser passer. Depuis peu, je fais de même avec les listes de partage d'un certain nombre de mes contacts dans Google reader. Cette liste est très utile pour moi, et je regrette qu'un plus grand nombre de personnes ne l'utilise pas. Lorsque cela m'intéresse, je sélectionne, partage, tague.

Troisième tamis

Je reprends ma liste d'items sélectionnés. La fonction Trends de Google reader me dit que sur 2700 items parcourus, j'en ai sélectionné une centaine, donc un peu moins de ...heu, je laisse les matheux faire le calcul. Je regarde à tête reposée cette liste d'items sélectionnés, qui est aussi ma liste d'items partagés, et j'essaie de voir si des tendances se dégagent : quel sujet est en train de monter ? de quoi parle-t-on ? qu'est-ce qui fait l'objet de débats intéressants ?

Quatrième tamis

A partir de quelques réponses à ces questions, je décide d'une brève dans Homo Numericus, dans laquelle j'exploite quelques une des références que j'ai pu trouver. Dans la plupart des cas, en cours d'écriture, je fais une boucle de rétroaction : je reviens dans le moteur de recherche du reader et je lance une requête sur le sujet que je suis en train de traiter sur tous les items de mes flux. Cette recherche me permet souvent de dégager une profondeur historique du sujet que je n'ai pas toujours en première approche. Car le moteur retient tout ce qui a été syndiqué et me ressort souvent des articles vieux de plusieurs années. Ainsi, les articles que je n'ai pas eu le temps de lire ne sont pas totalement perdus. Il me servent éventuellement a posteriori pour alimenter un corpus de veille dans lequel je viens puiser régulièrement.

C'est d'ailleurs la force de Google d'offrir la puissance de son moteur de recherche sur des services comme Gmail et Google Reader : il s'agit bien de services de traitement de flux, mais tout l'intérêt consiste à pouvoir stocker aussi le flux et constituer un corpus cherchable, totalement personnalisé et qui grandit avec le temps.

Branchement du percolateur

Dans tous mes textes sur Homo Numericus, j'essaie de rendre plus explicites mes références et mes liens. Pour le faire de manière plus efficace, j'utilise Zotero (où n'entrent donc que les références qui font l'objet d'une citation effective dans mes textes) qui m'aide à gérer et formater des références. Cela m'intéresse de procéder ainsi, parce que je sais que mes brèves dans Homo Numericus me fournissent des matériaux pour l'écriture d'articles plus longs, plus académiques dans lesquels je reprendrai les mêmes références, même s'il s'agit de billets de blogs ou d'articles de journaux. Sans être arrivé à le mettre en pratique réellement jusqu'à présent, j'essaie d'ailleurs de renforcer cet aspect de percolation et de construction progressive de l'information depuis le premier acte de sélection de l'information jusqu'à l'écriture de discours longs et construits pour des publications formelles. Ce n'est pas évident, mais c'est à cela que je travaille, avec l'aide d'Homo Numericus qui devrait constituer une bonne part de la colonne vertébrale du percolateur à idées.

Le percolateur a quelques tuyaux secondaires qui viennent l'alimenter de manière annexe : je suis abonné à quelques listes de diffusion, mais le moins possible. L'envahissement du mail est si important que je préfère ne pas y ajouter en ajoutant dans ma boîte des milliers de messages qui ne me sont pas personnellement destinés. Je suis aussi d'un oeil les Twitt de mes contacts, via un gadget dans mon Gmail. Au passage, inutile de s'abonner au mien, je ne poste rien sur Twitter. Lorsque je repère, par ces moyens des nouvelles intéressantes, je les ajoute manuellement sous forme de note dans Google Reader. Ces notes viennent alors s'ajouter au corpus global et je les sélectionne.

L'art du recyclage

Le secret d'un traitement efficace de l'information, il me semble, c'est de réussir à réutiliser n fois la même information. C'est ce que je m'efforce de faire. On a vu qu'une même information peut être utilisée deux fois, grâce au couple Google Reader-Zotero : à la fois pour l'écriture de brèves dans Homo Numericus, et pour l'écriture de textes plus longs sous forme de références bibliographiques. Ces informations sont utilisées une troisième fois via mon flux Friendfeed que j'ai branché sur mon compte Facebook. Ainsi, toute information partagée dans Google Reader passe dans Friendfeed et atterrit dans mon profil Facebook. Enfin, j'ai mis au point une petite astuce qui me permet d'alimenter automatiquement Homo Numericus en nouvelles syndiquées par ce moyen : lorsque je sélectionne et partage une information dans Google Reader, je la tague. Le premier de mes tags correspond à une des quatre rubriques d'Homo Numericus : politique, économie, usages ou technologies. J'ai partagé le flux RSS de chacun de ces tags et branché ce flux sur chacune des rubriques d'Homo Numericus. Si vous allez sur la page de présentation de ces rubriques, vous verrez ces informations apparaître dans le bloc "Nouvelles syndiquées". Astucieux non ? Plus récemment, j'ai essayé de faire plus subtil en partageant les flux de chacun des tags particuliers par lesquels je décris les informations que je sélectionne : "édition électronique", "copyright", "privacy", etc. Dans Homo Numericus, je tague de la même manière les brèves que j'écris, et j'ai mis en place un système, grâce à Spip, qui établit une correspondance entre les deux. C'est encore incomplet et pas vraiment opérationnel mais ça va venir.

Finalement, un certain nombre d'informations que je relève dans ma veille quotidienne sont très pointus et concernent plus particulièrement le domaine de l'édition électronique scientifique qui est mon coeur d'activité professionnelle. Ces informations sont taguées "pro" et je dirige le flux RSS généré par ce tag sur notre wiki en intranet.

A qui le tour ?

Bon voilà, j'ai fait le tour de ma machine infernale. Peut-être quelques uns d'entre vous auront pu y puiser quelques idées. Je suis preneur de toutes suggestions susceptible de l'améliorer. Si Marin avait écrit ce billet, il nous aurait fait un superbe schéma mettant en évidence tous les tuyaux qui se branchent dans tous les sens. Eh bien justement, c'est à lui en premier que je transmets la question : comment veilles-tu ? Je la pose aussi à d'autres personnes donc j'admire la capacité à dénicher des informations intéressantes : Hubert bien sûr (à moins que ce soit un secret professionnel), André, François, Véronique, Silvère, Jean-Christophe, Gautier, Olivier...comment ça ça ne fait pas 5 ? Je vous l'avais dit, je suis nul en maths.

Annexes

Ma liste de partage sur Google Reader

http://www.google.fr/reader/shared/...

Mon compte Delicious

http://delicious.com/piotrr

Mon profil Facebook

http://www.new.facebook.com/home.ph...

Mon fil Friendfeed

http://friendfeed.com/piotrr


Crédit photo : "Bins", par Slimmer Jimmer, sur Flickr, en CC by-nc-nd


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