Ce billet a été écrit le soir du 24 Janvier 2009, à la lumière des chandelles.
Il a été également posté sur Un peu de tout et de Rien : je trouvais qu'il avait sa place sur les deux blogs.
Les prévisions météorologiques d'hier soir n'ont pas menti : la vigilance rouge était de mise. Je devais réveiller mon père, ce matin, à 5h15 pour qu'il me conduise au travail. J'avoue que je n'aurais pas eu trop envie d'y aller toute seule.
4h36 du matin. Je m'éveille, allume la lumière, regarde l'heure et me dis qu'il me reste 9 minutes avant que le réveil ne sonne. C'est tôt je sais. Mais aujourd'hui, après avoir chargé ma livraison de boissons entre 6h et 8h45, je suis en caisse jusqu'à 13h00. Pour être plus fraîche jusqu'à cette heure là, je préfère prendre ma douche le matin très tôt plutôt que la veille au soir.
Lorsque le réveil sonne à 4h45, évidemment je venais de me rendormir. J'émerge difficilement mais je me presse d'aller sous la douche pour ne pas perdre de temps. A l'extérieur aucun signe de tempête hormis un léger vent frileux et le chat à la porte-fenêtre pressé de se réchauffer et d'avoir ses croquettes matinales.
Après avoir ingurgité une tasse de chocolat chaud, je vois ma mère arriver vers 5h10. Elle fait du café pour mon père qui ne tarde pas à débarquer à son tour. A 5h38 c'est l'heure de partir au travail. Le vent se lève. Ma mère s'alarme mais il nous semble que ce n'est qu'une rafale passagère. Nous partons, donc, vers mon travail. Le vent souffle toujours. Nous constatons qu'il a déjà soufflé à voir les branchettes au sol. Je dors à moitié sur le siège passager. Pour une fois que je peux dormir sur le trajet du boulot, pourquoi m'en priver ?
Sur le parking à 6h00, il n'y a encore personne. Mon père se gare et nous attendons. Une collègue arrive, je sors de la voiture et mon papa s'en va. En marchant sur le bitume humide, aspergée de pluie bancale, je déploie mes bras comme des ailes pour faire semblant de voler, ça fait rire ma collègue qui s'empresse de m'ouvrir la porte passager de sa voiture. Nous parlons des branchages disséminés sur les routes, de l'alerte rouge. Rouge. Quand l'alerte est orange c'est déjà risqué, alors rouge, si les météorologues ne se sont pas trompés, ça risque d'être corsé. Vaille que vaille.
6h08. L'immense glacière sur roulettes dans laquelle repose la livraison de pains surgelés est très lourde à tirer. "C'est du pain en plomb, on va s'y casser les dents". 6h15, nous commençons à décharger nos palettes et à charger les rayons. Nous avançons sans retard.
Vers 7h30, alors que je commence à attaquer le rayon du vin, un sourd brouhaha me retourne très brusquement l'estomac : le vent violent se jette sans retenue sur la toiture du supermarché. Je flippe. Un peu plus tard de brèves coupures de courant nous plongent quelques secondes dans l'obscurité.
A 8h30 j'appelle ma mère pour lui demander si tout va bien, pour lui dire de ne pas prendre le risque de venir me chercher. Apparemment, chez moi, c'est la folie. A 8h45, alors que je viens d'installer l'argent dans les caisses et que les éléments s'affolent de plus en plus à l'extérieur, d'autres coupures éphémères d'électricité surviennent. Je commence à compter mes pièces. Les 1 centime. Les 2 centimes. Les 5 centimes. Arrivée aux pièces de 10 centimes, la lumière s'éteint et ne revient pas instantanément comme pour les autres coupures. Le système de sécurité enclenche l'ouverture automatique de la porte d'entrée. Les festivités climatiques recommencent de plus belle.
Le vent s'intensifie. Nous restons agglutinés près de l'entrée. Une voiture garée là depuis la veille avance toute seule. Je retiens un collègue qui veut aller la retenir par le bras. Il n'y a personne à l'intérieur, pas la peine de prendre un risque. Le véhicule s'arrête contre une jardinière. Le sol est un fabuleux spectacle à lui tout seul. Les tourbillons de pluie s'écrasent et dessinent sur le sol des arabesques irisées. En face sur un toit, une bâche s'envolent sans s'en décrocher : nous l'observons attentivement. Derrière une poubelle plein s'est renversée et des tas de flocons de polystyrène virevoltent rapidement dans les airs pendant que d'autres détritus parcourent à vitesse folle le ras du sol.
Est-ce un ouragan ? Une tornade ? C'est donc la fameuse tempête prévue par météo France, dont l'alerte rouge ne fait plus de doute. Il ne fait pas bon mettre le nez dehors.
A 9h05 mon téléphone sonne alors que les tuiles d'un toit d'en face se font la malle. Ma sœur m'explique qu'il n'y a plus ni téléphone fixe ni EDF chez moi, qu'un de nos cabanons est quasiment à terre ainsi qu'une toute petite partie de notre toit. Je commence à m'inquiéter. Elles n'ont pas de nouvelle de mon père parti quand même aider au déménagement de quelqu'un avec d'autres personnes. Je rappelle ma sœur plusieurs fois. Je suis tendue. Je m'isole dans la douce obscurité des rayons pour craquer discrètement. Une collègue me surprend et me rassure. Je rejoins la porte d'entrée. Un message m'informe du retour de mon papa à la maison. Me voilà rassurée et détendue. La question est : quand et comment vais-je rentrer ?
Quelques clients tentent de venir faire les courses. Nous les renvoyons illico : impossible de faire ses courses dans le noir ni de pouvoir les encaisser. Nous sommes fermés à leur grand désarroi, eux qui espéraient peut être faire quelques réserves de victuailles.
A 10h30, le patron décide de nous libérer. J'ai beau tenter d'appeler sur les mobiles de ma mère et de ma sœur, je tombe systématiquement sur les répondeurs. Les réseaux des téléphones portables sont surement hors service, comme le téléphone fixe et l'électricité. La collègue qui m'avait rassurée me convainc de la laisser me ramener : je n'aime pas l'idée de lui faire prendre un risque. Elle insiste en me rassurant une nouvelle fois. Une autre vient avec nous pour qu'elle ne soit pas seule au retour.
A trois c'est mieux, c'est plus joyeux, c'est moins inquiétant de rouler dans la tempête. Alors nous plaisantons, observons, constatons les dégâts tout autour, les arbres couchés surtout. La conductrice est d'un admirable calme olympien, prudente. A sa place j'aurais déjà paniqué, surtout que nous venons de passer juste à côté du fossé qui a tué Titine 1. En abordant une côte boisée, des branches assez importantes jonchent le sol. Certains arbres sont affalés dans les champs autour de la ligne droite qui suit le bois. Les câbles téléphoniques et EDF trainent par terre ou volent au gré du vent.
Arrivée chez moi je constate les dégâts. Elles ne veulent pas trainer et rentrer vite chez elles. Je les somme de m'appeler dès leur retour … en ayant oublié que le réseau était mort.
Le vent continue sa course folle. La voiture de mes parents a eu chaud ! Ils avaient eu le réflexe, ce matin, de la déplacer de son endroit de parking habituel : la moitié du toit du cabanon était tombée là. L'autre moitié s'est littéralement écrasée au sol à quelques centimètres de la dite voiture garée ailleurs. Nous avons une voiture qui a du bol ici !
Peu importe, tout le monde va bien. Je scrute mon téléphone de temps en temps pour constater le retour de mes collègues chez elles. PUTAIN DE RESEAU TELEPHONIQUE DE MERDE ! Je ne sais toujours pas.
A midi, nous mangeons avec les moyens du bord. Comment faisaient-ils avant ? A 13h00, fatiguée, épuisée, je me réfugie dans mon lit, sous deux bonnes couettes. Pour ne pas entendre le vent souffler, je mets mes boules quiès. Je tombe comme une masse.
A mon réveil à 17h00, je suis accueillie avec un chocolat chaud. La tempête s'est calmée, je peux aller dehors prendre l'air sans risque et observer tout autour, le ciel, le sol, les champs.
Ce soir c'est repas aux chandelles, ce qui n'est pas désagréable. Ca n'éclaire pas si mal que ça. J'ai l'impression de vivre dans un autre temps.
Après souper, l'ambiance des chandelles me donne envie d'écrire. J'imagine aisément que mon stylo est une plume que je trempe dans l'encrier et que les pages de mon cahier sont du vieux parchemin. Comme quoi il n'y a pas que des mauvais côtés !
J'ai eu des nouvelles de mes collègues le lendemain , quand le réseau a décidé de revenir en force ! L'électricité est revenue le soir même vers 22h00 peut après que j'ai rejoint mon lit. La lumière s'est brusquement allumée, je me souviens m'être soudainement relevée de mon demi sommeil et avoir dit bêtement "Et la lumière fût", m'être levée pour éteindre partout les lumières dans la maison (après tout on est pas marié avec EDF !) et être revenue dans mon lit pour dormir comme un ours !