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La France malade de son système de santé ?

Publié le 26 janvier 2009 par Delits

imagesMalgré le déchaînement médiatique, on ne rue pas encore dans les brancards de l’hôpital.

On ne sait pas ce qu’avaient pu souhaiter Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé et Claude Evin, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) le soir du 31 décembre mais ils avaient sans doute fait le vœu d’une année calme et sereine pour préparer la loi « Hôpitaux, patients, territoires, santé » de 2009. Malheureusement, les événements qui ont eu lieu dans l’univers hospitalier pendant la période des fêtes ont précipité l’institution dans un tourbillon médiatique très risqué.

Chaque jour un nouveau problème est venue éclabousser notre système hospitalier ainsi que son personnel comme si l’on découvrait que la médecine n’était pas une science exacte et que les erreurs existaient même lorsqu’il s’agit de sauver des vies. Bien entendu, les professionnels du secteur ont multiplié les mises en garde pour rappeler la conscience professionnelle des infirmières et des médecins, mais le mal était déjà fait…Pensait-on ! Cette séquence forte en émotion s’est révélée particulièrement intéressante du point de vue de l’analyse des sondages car le déchaînement médiatique semblait incontrôlable et laissait augurer de graves conséquences pour l’image de l’hôpital.

En stigmatisant les fautes commises dans de nombreux établissements, les médias n’ont fait que braquer les projecteurs sur un élément certes dramatique pour les familles mais statistiquement limité si on le rapporte aux nombres d’actes accomplis chaque jour. A la sortie de ce « tunnel médiatique », les Français semblent néanmoins ne pas perdre foi en ce service public sans cesse décrié, mais qui participe à faire de la France le pays où l’on se soigne le mieux.

L’hôpital reste une valeur sûre aux yeux des Français…

Principale victime des erreurs répétées dans les établissements de santé, le secteur public inspire toujours confiance aux Français : 77% (selon une enquête réalisée les 7 et 8 janvier par l’institut CSA ). Ce sentiment est partagé par l’ensemble de la population ce qui indique qu’aujourd’hui l’hôpital n’a, à leurs yeux, pas « fauté » dans sa mission de service public. Le pouls de l’hôpital public auprès de l’opinion publique est rassurant d’autant qu’il est au même niveau qu’en 2004 : 78% des personnes interrogées par le même institut avaient affirmé faire confiance à l’hôpital. Les fondations du service public hospitalier français sont solides et la qualité des soins est presque unanimement reconnue par l’opinion : 72% des personnes sollicitées estiment qu’elle est de bonne qualité.

… Malgré une situation qui se détériore depuis plusieurs années

Selon l’étude Ifop conduite il y a un an , les Français ressentent et mesurent une dégradation de la situation des hôpitaux publics en France. Seulement 15% affirmaient avoir observé une amélioration tandis que près de six sur dix déploraient la dégradation de la situation globale de l’hôpital en France. Ce désaveu témoigne d’une situation particulière, car malgré une réelle dégradation de l’hospitalisation publique, la population continue de croire au bien-fondé de notre système de santé.

Ce constat est également renforcé par la suprématie du public sur le privé selon les Français. En effet, l’hôpital public a été touché, mais il n’est assurément pas coulé comme en attestent les chiffres dévoilés par l’Ifop dans un récent sondage paru dans le Journal du Dimanche : 59% des Français préfèrent l’hôpital aux cliniques. Ce plébiscite pour le système public ne doit toutefois pas faire oublier une réalité économique évidente : le remboursement est aujourd’hui mieux assuré à l’hôpital que dans les établissements privés !

Si l’on analyse ces données dans le détail, il est frappant de noter qu’il existe une corrélation entre la catégorie socioprofessionnelle et le choix de l’établissement. Les ouvriers (52%) et les employés (55%) disent préférer le privé tandis que les cadres et les professions libérales affirment que si le choix leur été donné ils opteraient pour le secteur public (66%). On observe ici un décalage important entre l’expérience personnelle et le ressenti. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les cadres ne « préfèrent » pas le public (pour se donner bonne conscience) mais ils semblent insister sur la quasi-disparition des certains services (chirurgie) des établissements publics.

L’hospitalisation privée est aujourd’hui une véritable alternative

En effet, l’utilisation du verbe « préférer » porte à croire que les deux systèmes existent en parallèle et qu’ils remplissent des missions identiques. Pourtant, si plus de 60% des interventions de santé sont réalisées dans des hôpitaux, plus des deux tiers des actes de chirurgie le sont dans des cliniques. Constitué de plus en plus en grands groupes spécialisés, le secteur privé permet le développement de spécialisations grâce aux financements externes. Les fonds d’investissements, violemment décriés lors de la publication du rapport Larcher, sont aujourd’hui en « voie d’acceptation » devant les manques de trésorerie évidents qui se font jour dans le secteur public: 71% des Français jugent que l’hôpital est sous financé selon le dernier baromètre BVA-Les Echos. En 2008, la situation était déjà semblable et préoccupante selon TNS Sofres puisque 79% des personnes interrogées estimaient que l’hôpital manquait de moyens. On rappellera à ce sujet que privé et public sont deux branches de la santé mais dont les racines mènent à la même source : la Sécurité Sociale, l’argent du contribuable.

On notera enfin que la « concurrence » qui existe au niveau de la santé tend à dissocier de plus en plus l’acte médical à proprement parler et les prestations annexes comme l’hôtellerie et les services de restauration. En effet, selon l’enquête Ifop datée du mois de janvier 2008, l’hôpital est « préféré » si l’on considère la qualité des soins : 23% contre 20% pour le privé tandis qu’au niveau du confort ce sont les cliniques qui se démarquent nettement : 40% contre 16% qui disent préférer les hôpitaux sur ce sujet.

L’hôpital, symbole d’une organisation économique « à la française »

La règle du jeu qui définie la santé comme un marché en « Y » avec une même source de financements et deux systèmes de soins, semble perdre de son équilibre et malgré les nombreux soutiens mis en place, la situation demeure bloquée, le personnel contrarié et le grand public désabusé. De nombreuses lois ont tenté de réformer le système, mais le mal s’avère plus profond. Au fond, l’attachement au modèle existant rassure dans les moments de crise, mais apparaît cependant bien frêle devant les difficultés réelles de l’hôpital en France.


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