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Le plan de relance des socialistes

Publié le 27 janvier 2009 par Lheretique

Je me suis rendu sur le blog d'Abadinte, un militant socialiste, qui a eu la très bonne idée de présenter le plan du Parti Socialiste pour relancer l'économie. Autant dire qu'à sa lecture, j'ai failli avoir une syncope. Les Socialistes n'ont désespérément rien compris de l'échec de leur politique de relancer par la demande de 1981. Le seul élément qui pourrait atténuer leurs errements aujourd'hui est que les autres pays européens mènent à peu près la même politique au lieu d'être sur une ligne inverse, comme en 1981.

Le plan de Martine Aubry est truffé de dépenses nouvelles dont pas une n'est financée, et surtout, se propose de relancer tout azimut la consommation par des dépenses nouvelles de l'état (contrats aidés) , des hausses de salaire, le tout pesant sur les entreprises. On trouve également ce genre d'aberration économique :

Remboursement préalable des aides publiques perçues au cours des cinq dernières années pour les entreprises qui engagent un licenciement économique alors qu'elles distribuent des dividendes ou rachètent leur propres actions.

Les entreprises ne distribuent pas des dividendes par plaisir mais pour attirer de nouveaux investisseurs. Elles ne seraient d'ailleurs peut-être pas à ce point dépendantes de leurs actionnaires si elles disposaient de marges suffisantes pour investir. Sauf qu'avec un projet qui se propose de les plomber par des charges patronales nouvelles, cela ne risque pas de se produire.

Plus généralement, on peut admettre une relance par la demande quand l'appareil productif national est productif, or, comme en 1981, il est à nouveau vieilli.

Les seuls points que je trouverais à peu près corrects, et encore, je tique pour le second, ce seraient ceux-ci :

  • mettre en place un crédit impôt-recherche bonifié et spécifique pour les PME-TPE innovantes et intervenant dans l’économie verte ;

Le point E me convient aussi. Je pense que ce sont des incitations fiscales ciblées qui peuvent d'une part faire repartir la machine, et d'autre part, nous aider à franchir le difficile cap de la nouvelle révolution industrielle qui s'annonce :

E. Promouvoir une croissance verte Les défis écologiques sont l’occasion unique de changer fondamentalement les paradigmes d’une économie capitaliste à bout de souffle et de relancer la croissance et l’investissement.

  • L’adoption pour les particuliers d’une tarification incitative à l’économie des biens essentiels que sont l’eau, l’électricité et le gaz (fixation d’une tarification avantageuse en cas de non dépassement d’une consommation forfaitaire) ;
  • L’augmentation des crédits publics pour le développement des technologies propres et des éco-industries ;
  • Le lancement d’un programme de dépollution des sites et sols pollués ;
  • Le développement massif des infrastructures de transport propre, en partenariat avec les régions.

Bien évidemment, je ne me reconnais en revanche  absolument pas dans l'intitulé du point E. L'économie capitaliste n'est pas à bout de souffle. Elle est en crise, et cela lui arrive à intervalles réguliers. Mieux vaudrait s'interroger sur la manière dont on peut faire pour que ces crises ne frisent pas l'apoplexie à chaque fois, et, en outre, entamer une réflexion sur la vitesse de la circulation des biens, matériels ou immatériels, et de l'information, bien plus élevée que la mécanique économique de marché traditionnelle à laquelle nous sommes habitués.

Je ne sais pas ce qu'en pense exactement François Bayrou. Martine Aubry a déclaré qu'il rejoignait les Socialistes sur leurs propositions parce qu'il vote la motion de censure. Je n'ai pas entendu le même son de cloche de la part de Bayrou. C'est l'atteinte insupportable aux libertés, qui l'horripile particulièrement, je le crois, qui le pousse, à juste titre, à mon avis, à voter cette motion avec les Socialistes.

Cela ne m'étonne qu'à moitié qu'Abadinte, tout social-démocrate ouvert qu'il est, applaudisse des deux mains ce programme. J'avais lu son intéressant billet du 19 janvier dernier où il expliquait la manière dont les entreprises opéraient pour se financer. Le même auteur qui constate avec raison les déficiences des Français en économie parvient tout de même à écrire les contre-vérités qui suivent :

Il y a d'autres moyens que je qualifierais de plus radicaux. Le premier d'entre eux est de vendre tout ou partie le capital de son entreprise à une autre entreprise (Alitalia et Air France-KLM par exemple). Le deuxième est de vendre son capital à un particulier derrière un fond d'investissement (quasiment tous les acteurs du net se sont financés ainsi). C'est donc une entité extérieure qui rentre dans le capital et qui en tant qu'actionnaire de l'entreprise a un droit de décision à hauteur de son entrée dans le capital de l'entreprise. Au risque de prendre les décisions à la place du propriétaire? En effet, pour financer l'investissement de son entreprise, l'entrepreneur a vendu son entreprise au plus offrant. Résultat, il n'est plus maître chez lui... De la même manière, le dernier moyen est de vendre son capital dans une bourse d'échange, c'est ce qu'on appelle l'introduction en Bourse de l'entreprise. Et là, les boursicoteurs, spéculateurs, traders, cambistes spéculent sur le niveau futur de l'entreprise à la hausse ou à la baisse. Bref, non seulement l'entrepreneur n'a plus les mains libres pour prendre les décisions stratégiques de l'entreprise mais en plus ce n'est plus lui ou les résultats de l'entreprise qui décident de la valeur de l'entreprise mais des personnes qui espèrent obtenir un gain spéculatif sur l'entreprise. Il vient de vendre son entreprise au diable. Car s'il souhaite par la suite utiliser les fonds propres (cf. le premier moyen de financement d'une entreprise l'autofinancement) pour investir dans un nouveau produit, processus productif, usine etc., il n'en aura pas les moyens car les fonds propres serviront d'abord et avant tout à rémunérer celui qui était entré dans le capital de l'entreprise. L'entrée d'un nouvel actionnaire réduit donc la capacité d'investissement de l'entreprise au lieu de l'augmenter.

Il est impossible, pour un entreprise, de grossir si elle ne passe pas par les marchés. Abadinte ne l'ignore sans doute pas. Est-ce que google serait devenu Google si elle n'avait pas levé trois milliards de dollars de capitaux à un moment donné de son histoire ? Abadinte croit-il un seul instant qu'un banquier aurait consenti un prêt d'une telle somme ? Est-ce qu'il imagine un seul instant que les marges de google auraient pu dégager un tel montant ? Évidemment non. La capitalisation boursière est un progrès économique nécessaire, et, dans l'histoire de l'humanité, elle a permis l'émergence de géants économiques. On peut disserter sur le bien-fondé de l'existence de ces géants, mais souvent, ils ont permis des progrès techniques sans équivalents.

J'accorderai à Abadinte de critiquer le fonctionnement actuel de la Bourse, mais il ne se réduit pas à une simple histoire de méchants actionnaires d'un côté et de gentils entrepreneurs (travailleurs ?) de l'autre. Paradoxalement, j'en viens à me dire qu'Abadinte regrette certainement le capitalisme entrepreneurial des premiers temps, celui-là même dont Schumpeter, mon Totem, fait l'apologie. Intéressant de constater, d'ailleurs, comme je l'avais moi-même noté, que Jean Peyrelevade a des vues similiaires sur ce sujet.


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