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«drunch» after «brunch» … why not goûter ou apéritif «dînatoire» ?

Publié le 29 janvier 2009 par Kamizole

drunch-01.1233187634.jpgMerci de ne pas parler la bouche pleine… de «franglais» !

Je feuilletai le Monde il y a quelques jours quand je suis tombée sur cet article. Ridicule ! Je ne saurais dire ce que le snobisme peut inventer comme conneries mais les «bobos», à défaut de culture et d’intelligence ne sont jamais en reste…

Après le brunch, l’heure du “drunch”
LE MONDE | 21.01.09 ©
«drunch» after «brunch» … why not goûter ou apéritif «dînatoire» ?

J’ai instantanément pensé à l’adjectif – autrement savou-reux – «dînatoire». Que j’ai entendu depuis des lustres s’appliquer aussi bien à un goûter qu’à un apéritif selon l’heure plus ou moins tardive. En recherchant le lendemain l’article sur le site du Monde j’ai pu constater que de nombreux commentaires y faisaient également référence… indiquant de surcroît qu’il était usité dans pratiquement tous les pays francophones. Ouf ! je me suis sentie moins seule.

Je viens de consulter le Petit Robert : dînatoire est usité depuis le XVIè siècle ! Je suppose néanmoins qu’il ne s’appliquait pas au même repas. En effet, ce que nous appelons aujourd’hui «petit-déjeuner» a été appelé fort longtemps tout simplement «déjeuner» alors que le dîner se prenait à… midi. Ce qui est encore le cas au Canada et en Belgique..

De même qu’autrefois (et encore aujourd’hui au Canada et en Belgique) le repas du soir était le «souper» - étymologiquement cohérent ! Je doute qu’aux vrais «soupers» - terme que l’on associe à un repas festif et plutôt classe, en général à la sortie d’un spectacle - l’on servît de la soupe… Le terme «médianoche» (milieu de la nuit) fut emprunté à l’espagnol en 1672 pour désigner un repas tardif dans la nuit qui correspondait donc au souper.

Le réveillon avait alors le même sens (depuis 1526) et ce n’est qu’en 1762 qu’il désigna le repas de la veillée de Noël pris en sortant de la messe de minuit. Et s’appliqua en 1900 au repas de fête de la Saint-sylvestre.

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Le «brunch» - repas tardif dans la matinée - est la contraction de «breakfast» et «lunch» : mot emprunté à l’anglais en 1867, sans doute dû à l’anglophilie de Napoléon III, au sens de repas léger servi en buffet. Je l’ai connu à la campagne comme «pause» vers 10 h, pain de campagne, charcuteries et petit vin blanc de rigueur… Quand on a pris le petit-déjeuner vers 6 h et travaillé dehors, on peut se le permettre.

Lunch est également en usage chez nos amis canadiens, soit au sens de collation prise par exemple en regardant la télévision – ce que les Français nommèrent un temps «plateau-télé» - soit le repas que l’on apporte sur son lieu de travail… La «boite à lunch» comme équivalent de notre «gamelle» ?

Rien à voir, bien évidemment, avec la réception organisée par exemple à l’occasion d’un mariage ou de tout autre événement autour d’un buffet !

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Lequel peut être par ailleurs décliné à toutes les sauces selon le moment ou le lieu, du buffet classe d’un vernissage au quasi pique-nique quand il est «campagnard», avec bien évidemment force charcu-tailles.

Il est des «buffets» de la gare qui ne méritent pas de s’arrêter et d’autres qui ont ou eurent fort bonne réputation (un peu comme certains «routiers» où l’on mange fort bien… je pense notamment à celui de St-Ay dans ma jeunesse ainsi que, beaucoup plus tard, celui d’Ardentes à une vingtaine de kilomètres de Châteauroux… nous y allions assez tôt le samedi midi car après nous eûmes risqué de n’avoir plus de place !). Mes parents n’allaient jamais à Tours sans faire un détour à midi pour déjeuner au buffet de la gare que ma mère appréciait fort. Je ne saurais dire si la tradition s’est maintenue.

Quant au «drunch», ce mot-valise serait construit sur le même modèle, «dinner» - nul besoin de traduction ! - remplaçant breakfast.

Bien que vivement intéressée par le XVIIè siècle, j’avoue ne pas connaître «l’ambigu» dont parle Jean-Claude Ribaut – qui tient la rubrique gastronomie du Monde – et qui pourrait être tenu pour l’ancêtre du drunch. Entendre ambigu au sens ancien ou littéraire de mélange de choses différentes : «une sorte de collation et de souper tout à la fois, servi en fin de journée sur un buffet orné de fleurs et de couleurs vives comprenant, en abondance, des plats froids et chauds».

Autant dire que les «bobos» n’ont rien inventé, pas même l’eau sucrée !

Il me semble bien que ma mère devait avoir en mémoire une chose à peu près identique quand elle nous parlait des «goûters» de sa jeunesse écossaise. Un peu plus tardifs (entre 17 et 18 h) que «l’afternoon-tea» traditionnel mais très copieux, mélangeant gâteaux (dont bien évidemment les emblématiques «scones» !) à des plats de viande et des pommes de terre.

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Ce doit donc être l’équivalent – un peu moins tardif - du «high tea» britannique dont parle Jean-Claude Ribot : «sorte de goûter informel servi vers 19 heures à la place du “dinner” – qui est une référence avec les oeufs brouillés, le bacon, les saucisses, les galettes d’avoine (scones, cookies), le porridge et les kippers (harengs fumés)».

Contrairement à ce qu’écrit Jean-claude Ribaut, ne n’était pas l’apanage des «couche-tôt», bien au contraire ! Il permettait de sortir – par exemple pour aller au théâtre pendant la «saison»… à Edinburgh ma mère fut gavée de Shakespeare ! - sans avoir le ventre creux. Je suppose qu’au retour ils se contentaient d’un souper léger. En conséquence de quoi j’ai été habituée dans mon enfance à dîner relativement tôt, vers 19 heures.

Mais pas toujours. Nombre d’ami(e)s de mes parents venaient en fin d’après-midi et ma mère tenant «table ouverte» ils dînaient le plus souvent avec nous, à la fortune du pot. Je savais qu’une personne n’était pas tout à fait «persona grata» - dans le cercle des intimes – quand l’apéritif s’éternisait… Ma mère poussait un «ouf» de soulagement à son départ et nous pouvions passer à table.

Il était tellement rare que nous soyons seuls le soir qu’en revenant de l’école avec ma sœur nous nous livrions à une devinette : qui serait là ce soir ? Nous avions le temps en revenant après l’étude, à pied par les venelles, de l’école du Château-Gaillard jusqu’à la rue de la Manufacture, proche du Carré-St-Vincent. Une bonne trotte !

Quand j’étais jeune, j’adorais aller au restaurant, que ce fût avec mes parents ou plus tard avec des ami(e)s. A Paris, dans le XXe arrondissement, nous avions ainsi quelques «cantines» pas très chères (l’équivalent de 10 euros actuels) où nous mangions une cuisine simple mais bonne. Le soir, c’était plutôt un petit troquet rue de La Py. A midi, j’avais mon rond de serviette chez la bonne Madame Letourneur, rue de la Prairie, à deux pas de la Place Gambetta et de l’hôpital Tenon où je travaillais.

Le manque d’argent autant que la médiocre qualité pour des tarifs souvent exagérés m’ont dégoûtée des restos. Je préfère de loin manger et inviter à la maison. J’aime bien préparer des plats conviviaux pour un repas prévu à l’avance mais j’apprécie tout autant que les ami(e)s débarquent à l’improviste. C’est à ces occasions que s’organisent des goûters ou apéritifs dînatoires… A la fortune du pot. Il suffit d’avoir quelques réserves pour improviser une «dînette» impromptue aussi sympa-thique que conviviale et prolonger la soirée dans la bonne humeur.

Jusqu’où subirons-nous l’assaut de l’anglais dans notre vie quotidienne ? Quand Jean-Claude Ribot s’emmêle la plume avec les «before» les «after» : «le drunch est un before sans after» ! il me semble bien que la cause de la langue française est – hélas ! – en voie d’être définiti-vement perdue…

Dans le passé, les Français – comme d’autres peuples – surent incorporer force mots d’origine étrangère – il suffit de s’intéresser à l’étymologie pour constater la diversité des apports – sans remettre nullement en cause la langue elle-même. Nous devrions plutôt nous inspirer de nos amis québécois qui, tout en adoptant les mots anglais de leurs voisins, gardent leur idiome savoureux – surtout avec l’accent – et savent franciser les termes anglais qu’il adoptent.

Nous avons la chance de posséder une belle langue, dotée d’un vocabulaire fort riche et varié. Ne la laissons pas disparaître !


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