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Interview Obama : L’Amerique veut écouter et non plus imposer

Publié le 29 janvier 2009 par Graphseo

Barack Obama a accordé sa première interview à la chaine Al Arabiya Durant cet entretien, il définit son approche du conflit israélo-palestinien, aborde le futur des relations entre les USA et le monde arabe et musulman, ainsi qu’avec l’Iran. Sur tous ces sujets, Obama manifeste sa différence avec l’administration sortante, en affirmant vouloir « écarter les idées préconçues », « écouter » et non plus « commencer par imposer » comme l’Amérique en avait coutume. « Nous sommes prêts à engager un nouveau partenariat fondé sur le respect mutuel , » déclare Barack Obama, qui rappelle que des membres de sa famille sont musulmans, qu’il a vécu dans des pays musulmans, et que la leçon qu’il retire de son expérience multiculturelle, c’est que tous les peuples ont en partage des rêves et des espoirs communs.

Barack Obama s’entretient avec Hisham Melhem pour Al Arabiya, 27 janvier 2009

Monsieur le Président, vous venez de rencontrer votre envoyé personnel au Moyen-Orient, le sénateur Mitchell. De toute évidence, sa première tâche est de consolider le cessez-le-feu. Mais au-delà, vous avez déclaré que vous vouliez oeuvrer activement et vigoureusement au rétablissement de la paix entre Palestiniens et Israéliens. Dites-nous un peu comment envisagez-vous votre rôle personnel, parce que, comme vous le savez, si le président des États-Unis n’est pas investi, rien ne se passe - comme le montre l’histoire des tentatives de paix. Allez-vous proposer des idées, lancer des propositions, des paramètres, comme l’un de vos prédécesseurs ? Ou tout simplement inciter les parties à arriver à leurs propres résolutions, comme votre prédécesseur immédiat l’avait fait ?

Je crois que le plus important, c’est que les États-Unis s’engagent tout de suite. George Mitchell est un homme d’une grande stature. Il est l’une des rares personnes qui ont une expérience internationale de médiateur dans des accords de paix.

Ce que je lui ai dit, c’est de commencer par écouter, parce que trop souvent les États-Unis ont commencé par imposer - dans le passé sur certaines de ces questions - et que nous ne comprenons pas toujours tous les facteurs qui sont impliqués. Alors, écoutons. Il va dialoguer avec toutes les principales parties concernées. Et il me fera ensuite son rapport. A partir de là, nous formulerons une réponse spécifique.

En fin de compte, nous ne pouvons pas dire aux Israéliens ou aux Palestiniens ce qui est bon pour eux. Ils vont avoir à prendre des décisions. Mais je pense que le moment est venu pour les deux parties de réaliser que la voie sur laquelle ils sont engagés ne les conduira pas à la prospérité et à la sécurité de leurs populations. Et que, au contraire, il est temps de revenir à la table des négociations.

Cela va être difficile, cela va prendre du temps. Je ne veux pas préjuger de nombre de ces questions, et je veux faire en sorte que les attentes ne soient pas posées de telle sorte que nous pensions que cela puisse être résolu dans quelques mois. Mais si nous commençons à faire des progrès réguliers sur ces questions, je suis absolument convaincu que les États-Unis - travaillant en tandem avec l’Union européenne, avec la Russie, avec tous les États arabes dans la région - je suis absolument certain que nous pouvons faire des progrès significatifs.

Vous avez dit en substance que nous ne devrions pas nous pencher sur des questions telles la délimitation de la frontière Israélo-Palestinienne. Vous avez parlé d’une sorte d’approche globale de la région. Devons-nous nous attendre à un autre paradigme, en ce sens que dans le passé l’une des critiques - tout au moins du côté arabe, la partie musulmane - était que tout ce que les Américains ont toujours essayé avec les Israéliens….. Désormais, il existe un plan de paix arabe, un plan de paix ayant un aspect régional, que vous avez mentionné. Y aura-t-il un changement, un changement de paradigme ?

Voici ce que je crois être important. Regardez la proposition qui a été mis de l’avant par le roi Abdallah d’Arabie saoudite…

Oui…

Je pourrais ne pas être en accord avec tous les aspects de cette proposition, mais il a fallu beaucoup de courage…

Absolument.

…pour proposer quelque chose qui soit aussi important que cela. Je pense qu’existent dans la région des idées sur la façon dont nous pourrions rechercher la paix.

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Je pense qu’il est impossible pour nous de réfléchir uniquement en termes de conflit israélo-palestinien et de ne pas penser en tenant compte de ce qui se passe avec la Syrie ou l’Iran ou le Liban ou l’Afghanistan et le Pakistan. Ces éléments sont interdépendants. Ce que j’ai dit, et je pense que Hillary Clinton l’a exprimé également, c’est que si nous nous intéressons à l’ensemble de la région et transmettons au monde arabe et au monde musulman le message que nous sommes prêts à engager un nouveau partenariat fondé sur le respect mutuel et l’intérêt mutuel, alors je pense que nous pouvons faire des progrès significatifs.

Maintenant, Israël est un allié important des États-Unis. Il ne cessera pas d’être un allié important des États-Unis. Et je continuerai à penser que la sécurité d’Israël est primordiale. Mais je pense aussi qu’il y a des Israéliens qui comprennent l’importance de parvenir à la paix. Ils seront prêts à faire des sacrifices si le moment est approprié et s’il y a un partenaire sérieux dans l’autre camp.

Ainsi, ce que nous voulons faire, c’est écouter, écarter certaines idées préconçues qui ont existé et se sont installées au cours des dernières années. Je pense que si nous faisons cela, alors il existe une possibilité de parvenir au moins à certaines avancées.

Je veux vous poser une question concernant l’ensemble du monde musulman, mais permettez-moi une dernière question sur le sujet israélo-palestinien. Il existe de nombreux Palestiniens et des Israéliens qui ressentent une grande frustration aujourd’hui, dans la situation actuelle, et sont en train de perdre espoir. Ils sont désabusés, et ils estiment que la perspective de la solution des deux Etats s’éloigne, principalement en raison de la colonisation dans les territoires occupés palestiniens. Sera-t-il encore possible de voir un Etat palestinien - dont vous connaissez les contours - durant le premier mandat Obama ?

Je pense qu’il est possible que nous voyions un Etat palestinien - je ne vais pas définir un calendrier sur cette question - qui soit contigu, qui permette la liberté de mouvement de son peuple, qui permette des échanges avec les autres pays, qui permette la création d’entreprises et de commerces afin que les gens aient une vie meilleure.

Voyez, je pense que quelqu’un qui a étudié la région comprend que la situation des Palestiniens ordinaires, dans de nombreux cas, ne s’est pas améliorée. Le critère ultime, pour l’ensemble de ces dialogues et de ces conversations, est celui là : les enfants des territoires palestiniens vivront-ils mieux ? Pourront-ils avoir un avenir ? Et l’enfant d’Israël sera-t-il (ou elle) confiant dans sa sécurité ? Si nous pouvons nous focaliser sur le fait de rendre leur vie meilleure, et regarder de l’avant, et non pas simplement penser à tous les conflits et les tragédies du passé, alors je pense que nous avons la possibilité de faire de réels progrès.

Mais cela ne sera pas facile, et c’est pourquoi George Mitchell s’y rend. C’est quelqu’un qui est doué d’une extraordinaire patience, ainsi que de compétences extraordinaires, et c’est ce qui sera nécessaire.

Absolument. Permettez-moi d’élargir le point de vue à l’ensemble de la région. Vous prévoyez de vous adresser au monde musulman durant vos 100 premiers jours de mandat, à partir d’une capitale musulmane. Les spéculations vont bon train sur le nom de cette capitale. (Rires.) Si vous pouviez préciser plus avant, ce serait merveilleux.

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Etes-vous préoccupé ? Parce que, permettez-moi de vous le dire honnêtement, quand je vois certaines choses au sujet de l’Amérique, dans certaines régions, je ne veux pas exagérer… il y a une diabolisation de l’Amérique.

Tout à fait.

Cela devient semblable à une nouvelle religion, et comme dans une nouvelle religion, elle a ses nouveaux convertis, ses propres grands prêtres.

Juste.

C’est un texte religieux…

Juste.

Dernièrement - depuis le 11 septembre et en raison de l’Irak, l’incompréhension s’est élargie, concernant les Américains… pour les générations antérieures, les États-Unis étaient placés très haut. C’était la seule puissance occidentale sans héritage colonial.

Juste.

A quel point êtes vous préoccupé ? ….car les gens sentent que vous avez un autre discours politique. Et je pense que, à en juger par le (inaudible) et Zawahiri et Osama bin Laden et tous ceux-là, vous savez… le « choeur » …

Oui, j’ai noté cela. Ils semblent nerveux.

Ils semblent très nerveux, exactement. Maintenant, dites-moi pourquoi devraient- ils être plus nerveux ?

Je pense que lorsqu’on écoute leurs discours contre moi, avant même ma prise de fonction…

Je sais, je sais.

…ce que cela m’indique, c’est que leurs idées sont en faillite. Aucune des actions qu’ils ont mené n’a fait qu’un enfant dans le monde musulman voie s’améliorer sa situation, ou bénéficie de meilleurs soins de santé de leur fait.

Dans mon discours d’investiture, j’ai évoqué cela. Vous serez jugé sur ce que vous avez construit, et non pas ce que vous avez détruit. Ce qu’ils ont fait, c’est de détruire. Au fil du temps, je pense que le monde musulman a compris que ce chemin ne mène nulle part, sinon à plus de mort et de destruction.

Maintenant, mon travail consiste à faire comprendre que les États-Unis ont un intérêt dans le bien-être du monde musulman, que le langage que nous utilisons doit être celui du respect. J’ai des membres de ma famille qui sont musulmans. J’ai vécu dans les pays musulmans.

Le plus grand d’entre eux…

Le plus grand, l’Indonésie. Ce que je veux transmettre, c’est le fait que lors de tous mes voyages à travers le monde musulman, ce que je suis parvenu à comprendre, c’est que quelle que soit votre foi - et l’Amérique est un pays de musulmans, de juifs, de chrétiens, de non-croyants - quelle que soit leur foi, les peuples ont tous certains espoirs en commun et des rêves en commun.

Maintenant, ma tâche consiste à faire savoir au peuple américain que le monde musulman est rempli de gens extraordinaires qui ont simplement envie de vivre leur vie et de voir leurs enfants vivre une vie meilleure. Mon travail en direction du monde musulman consiste à faire savoir que les Américains ne sont pas vos ennemis. Nous faisons parfois des erreurs. Nous n’avons pas été parfaits. Mais si vous considérez l’histoire, comme vous l’avez rappelé, l’Amérique n’est pas née en tant que puissance coloniale, et il n’y a aucune raison que nous ne puissions restaurer le respect dont jouissait l’Amérique et le partenariat qu’elle avait avec le monde musulman voilà 20 ou 30 ans de cela. Je pense que cela sera une tâche importante.

Mais en fin de compte, les gens vont me juger non pas sur mes paroles, mais sur mes actes et ceux de l’administration. Je pense que ce que vous verrez au cours des années qui viennent, c’est que je ne serais pas d’accord avec tout ce que certains dirigeant musulman pourront déclarer, ou sur ce qui sera diffusé par une station de télévision du monde arabe. Mais je pense que ce que verrez, c’est quelqu’un qui écoute, qui est respectueux, et qui cherche à promouvoir les intérêts non seulement des États-Unis, mais aussi des gens ordinaires qui sont aujourd’hui victimes de la pauvreté et du manque d’opportunités. Je veux m’assurer que je m’adresse à eux, également.

Dites-moi, le temps passe, aucune décision quant à l’endroit d’où vous visiterez le monde musulman ?

Et bien, je ne vais pas l’annoncer ici….

Afghanistan ?

LE PRÉSIDENT : … mais peut-être la prochaine fois. Mais c’est quelque chose qui sera important. Je veux que les gens comprennent que nous allons entamer une série d’initiatives. L’envoi de George Mitchell au Moyen-Orient est la réalisation de ma promesse faite durant la campagne, que nous n’allions pas attendre la fin de mon administration pour nous occuper de la paix entre israéliens et palestiniens, que nous allions commencer dès maintenant. Cela pourra prendre beaucoup de temps, mais nous allons commencer maintenant. Nous allons donner suite à mon engagement de m’adresser au monde musulman depuis une capitale musulmane. Nous allons donner suite à bon nombre de mes engagements pour faire un travail plus efficace de contact, d’écoute, et de dialogue avec le monde musulman.

Et vous me verrez par la suite poursuivre mon action avec une réduction des troupes en Irak, de sorte que les Irakiens pourront commencer à prendre plus de responsabilités. Enfin, je pense que vous avez déjà observé cet engagement concernant la fermeture de Guantanamo, qui montre clairement que si nous poursuivons résolument les organisations terroristes qui tuent des civils innocents, nous le ferons selon nos conceptions, et nous allons le faire en respectant les règles du droit qui, je le crois, font que l’Amérique est une grande nation.

Le président Bush a formulé le concept de combat contre le terrorisme d’une manière très extensive, comme une « guerre contre le terrorisme », et utilisé parfois certains termes comme fascisme islamique que de nombreuses personnes…. . Vous avez toujours défini les choses d’une manière différente, en particulier contre ce groupe appelé Al-Qaïda et ses membres. Est-ce un moyen de…

Je crois que vous soulevez un point très significatif, qui est que le langage que nous utilisons est important. Ce que nous avons besoin de comprendre, c’est qu’il existe des organisations extrémistes - que ce soient des musulmans, ou par le passé de toute autre confession - qui utilisent la foi comme une justification de la violence. Nous ne devons pas brosser un tableau très grossier, qui décrirait la foi comme une conséquence de la violence commise en son nom.

Je crois que vous verrez notre administration distinguer très clairement entre les organisations comme Al-Qaida - qui prônent la violence, prônent la terreur et la mettent en pratique - et les personnes qui peuvent être en désaccord avec mon administration et certaines de ses actions, ou peuvent avoir un point de vue particulier sur les modalités selon lesquelles leur pays devrait se développer. Nous pouvons avoir des désaccords légitimes mais rester respectueux. Je ne peux respecter des organisations terroristes qui tuent des civils innocents, et nous leur feront la chasse.

Mais, pour l’ensemble du monde musulman, ce que nous allons offrir, c’est la main de l’amitié.

Puis-je terminer par une question sur l’Iran et l’Irak, rapidement ?

C’est à mes collaborateurs de le dire…

MR. GIBBS : Vous avez 30 secondes. (Rires.)

Les États-Unis peuvent-ils vivre au côté d’un Iran nucléaire ? Et si non, jusqu’où irez vous pour l’empêcher ?

Vous savez, j’ai déclaré durant la campagne qu’il est très important pour nous de faire en sorte que nous utilisions tous les outils de la puissance américaine, y compris la diplomatie, dans nos relations avec l’Iran.

Maintenant, le peuple iranien est un grand peuple et la civilisation perse est une grande civilisation. L’Iran a agi d’une manière qui n’est pas propice à la paix et la prospérité dans la région : les menaces contre Israël, leur efforts vers l’arme nucléaire - qui pourraient déclencher une course aux armements dans la région, qui mettrait tout le monde moins en sécurité, leur soutien à des organisations terroristes dans le passé - aucune de ces choses n’ont été bénéfiques.

Mais je pense qu’il est important pour nous d’être prêts à parler avec l’Iran, à exprimer très clairement où sont nos différences, mais aussi où se trouvent les voies menant vers des progrès. Nous allons au cours des prochains mois définir le cadre général de notre approche. Comme je l’ai dit lors de mon discours d’investiture, si des pays comme l’Iran sont prêts à déserrer le poing, ils trouveront une main tendue de notre part.

Devrons-nous réserver le sujet de l’Irak pour une prochaine entrevue, ou simplement…

MR. GIBBS : Oui… le temps est dépassé, et je dois le ramener dîner avec son épouse.

Monsieur, je vous suis très reconnaissant.

Merci beaucoup.

Merci beaucoup.

J’ai apprécié.

Je vous remercie.

Merci.


Transcription Maison Blanche via Los Angeles Times, traduction Contre Info


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