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Π et la Shoah

Publié le 31 janvier 2009 par [email protected]
Duel sur la Trois, France 3, le 10/02/2008 : le philosophe André Comte-Sponville y dénonce (à propos du négationnisme) la prétention étonnante du législateur français à décréter le vrai en Histoire : « Les lois doivent respecter la liberté de pensée… Le politiquement correct est en train de décrédibiliser la politique… Aucun historien sérieux n’est en faveur de ces lois » (réprimant la liberté d’exprimer des idées, même aussi farfelues que le négationnisme). Et Comte-Sponville de conclure : « Ce n’est pas au parlement de dire la Vérité historique ». Avec cette précision en forme de boomerang, pour les défenseurs de la tentation « prohibitionniste » en matière de révisionnisme : « Ce qui est grave, en l’occurrence, c’est qu’au lieu de renforcer cette vérité historique évidente qu’il y a eu la Shoah, on fragilise cette vérité dans la tête de nos enfants parce que, lorsqu’ils entendent l’instituteur dire ‘‘il y a eu des chambres à gaz à Auschwitz’’, dès lors qu’ils savent que l’instituteur, même s’il pensait le contraire, n’aurait pas le droit de le dire, comment les enfants peuvent-ils savoir si l’instituteur le dit parce qu’il le sait (vérité historique) ou s’il le dit parce que la loi l’oblige à le dire ? Et c’est ainsi qu’avec les meilleures intentions du monde, évidemment, on fragilise une vérité historique essentielle. Ce n’est pas au parlement de dire le vrai et le faux, ni en matière d’Histoire, ni en matière de morale. » Mais une démocratie doit-elle tolérer ce qu’elle combat ? Voltaire avait déjà défendu une totale liberté d’expression, même pour un adversaire, et notifiait ce principe sous forme de zeugma, lors de l’affaire Calas : « Je combattrai jusqu’au bout vos idées, et aussi pour que vous ayez le droit de les exprimer ». Didier Nordon applique ce principe, avec son humour habituel : « Camarades écologistes, soucieux de préserver la biodiversité, voulez-vous m’aider à fonder une ligue consacrée à la protection de cette espèce menacée d’extinction qu’est l’anti-écologiste ? » Et cette tentation des parlementaires français à « dire l’Histoire » ou « dire le vrai » (à propos de la Shoah ou d’autres sujets sensibles : esclavage, colonisation…) devrait être méditée à la lumière d’une autre prétention (caricaturale, celle-là) d’un législateur américain pour imposer le vrai… en mathématiques ! En 1897, las sans doute des décimales « superflues » liées à l’irrationalité du nombre π, Edward Johnston Goodwin (1828-1902) déposa dans l’Indiana, aux États-Unis, un projet de loi (« House Bill n° 246 ») censé… imposer une valeur rationnelle à cette constante ! Alors que cette prétendue rationalité s’était déjà officiellement dissipée depuis 1761 avec les travaux de Lambert (irrationalité de π), sans parler du coup de grâce donné par Lindemann en 1882 (transcendance de π) ! Cette velléité stupide de corseter les mathématiques par la Loi fut heureusement dénoncée par d’autres législateurs américains qui épargnèrent in extremis à leur pays le ridicule où ce projet –qui faillit être adopté– n’aurait pas manqué de le plonger !

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