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Intelligence - Saison 1 [Bilan]

Publié le 20 août 2007 par Heather

Dans la catégorie des séries "obscures et inconnues" qui mériteraient un meilleur sort, je continue mes découvertes/explorations de séries de la saison 2006-2007. 
Aujourd'hui, permettez-moi de vous présenter une série canadienne de CBC (et non de la chaîne câblée habituelle en matière de séries qu'est The Movie Network) : Intelligence.

Intelligence - Saison 1 [Bilan]

Série créée par Chris Haddock (à qui l'on doit notamment Coroner DaVinci puis DaVinci's City Hall), la première saison de Intelligence a été diffusée durant l'automne-hiver 2006-2007 sur CBC (Canada). En dépit d'audiences n'arrivant pas à la hauteur des espoirs de la chaîne (mais les problèmes de CBC ne sont pas spécifiques à cette série), au vu de bonnes critiques dans l'ensemble, une seconde saison de 12 épisodes a été commandée.

Avec qui ?
La touche de Chris Haddock se ressent dans le casting. Si vous êtes familier des séries canadiennes, vous retrouverez ainsi avec plaisir l'impeccable Ian Tracey, de Coroner DaVinci (série injustement passée inaperçue en France qui, aux dernières nouvelles, errerait quelque part dans la grille de TMC). Figurent également à l'affiche Klea Scott (Millenium), John Cassini (Coroner DaVinci, Robson Arms), Alana Husband, Matt Frewer (qui en parallèle, incarne Jim Taggart dans la série de Sci-Fi Eureka), Bernie Coulson, Camille Sullivan (Coroner DaVinci).

Ca parle de quoi ?
Jimmy Reardon, le chef de mafia locale, et Mary Spalding, directrice de l'unité de lutte contre le crime organisé à Vancouver, ont conclu un accord ensemble. Une sorte de pacte avec le diable pour chacun. En échange de l'immunité, Reardon promet de livrer des informations importantes à Spalding. Chacun essayant de tirer partie de la situation sans que l'autre le sache. Le gang de Jimmy Reardon touche à tout, drogues, prostitutions, vols,...A ses cotés, on retrouve son bras droit Ronnie Delmonico, son ex-femme Francine et son frère Michael. Pendant que Jimmy et Ronnie essaient de garder leurs pouvoirs et leurs hommes hors de prison, Mary doit lutter face à la concurrence des autres agents qui sont désireux de la voir échouer afin d'avoir de l'avancement. A commencer par son adjoint Ted Altman, qui fait tout pour lui prendre sa place et l'empêcher de prendre la direction de la division ouest de la CSIS (Canadian Security Intelligence Service). (source : http://www.serieslive.com/)

Intelligence - Saison 1 [Bilan]

Review globale de l'ensemble de la saison 1 :

Intelligence, c'est à l'origine un téléfilm datant de 2005. Pouvant être conçu au départ comme un stand-alone, il fait finalement office de pilote pour la série du même nom qui sera ensuite commandée. La première saison, comprenant 13 épisodes, enchaîne immédiatement après la fin du téléfilm. Ce dernier pose les bases de cette consanguinité atypique entre forces de l'ordre, services de renseignements et organisations criminelles que propose la série. Des dossiers avec l'identité de plusieurs informateurs de la section de lutte contre le crime organisé de Vancouver sont dérobés par un voleur qui ignore alors l'importance de la mallette qu'il vient de subtiliser. Lorsqu'il le découvre, il se tourne rapidement vers des personnes potentiellement intéressées. C'est ainsi que, presque par hasard, Jimmy Reardon, un des dirigeants mafieux locaux, se retrouve en possession de documents au contenu potentiellement explosif. Il lui aurait suffi de quelques coups de téléphone pour réduire à néant tout le réseau de collectes d'informations de la section de lutte contre le crime organisé. Cependant, pragmatique, il préfère conclure un deal directement avec Mary Spaulding, la directrice de cette unité. En échange notamment d'une immunité et d'un certain oubli vis-à-vis de ses affaires, il rend les dossiers. Sont ainsi posées les bases d'une relation professionnelle qui va servir de lien et de liant entre les différentes luttes de pouvoir orchestrées tout au long de la saison.

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Tout en restant en terrain connu, Intelligence n'est ni une simple série policière classique, ni une série plongeant le téléspectateur dans les coulisses du crime organisé. Si elle utilise effectivement des ressorts scénaristiques issus de ces deux genres, elle sait les alterner habilement tout en se créant sa propre identité : la quête d'informations, la manipulation et l'infiltration sont en réalité les thèmes majeurs. Elle se réapproprie en réalité des schémas que l'on retrouve classiquement dans les séries d'espionnage, pour les appliquer au microcosme quelque peu malsain de Vancouver où se mêlent, dans une étrange consanguinité, mafia, police et espions. La série sait jouer sur cette ambiguïté de ton pour élaborer des intrigues assez complexes. Le pouvoir est l'élément central autour duquel toutes les dynamiques scénaristiques tournent. Chaque personnage tente de se maintenir en place s'il est sommet ou bien d'accéder au poste supérieur. Et dans ce vase clos qu'est Vancouver, tout se résume finalement à une question d'alliances plus ou moins fiables. Au sein de chaque camp, les divisions qu'aliment les ambitions personnelles amènent à d'étranges pactes qu'on pourrait presque qualifier de "contre-nature". Chacun a besoin de l'autre, une convergence d'intérêts purement conjoncturelle entre des personnes supposées adversaires. Cette ambiance atypique est un des atouts majeurs de la série.

Il s'en dégage une complexité prenante qui intrigue. Les arrières-pensées des uns ou des autres, leurs objectifs réels, ne sont pas toujours clairement définis. Les deux "héros" que sont Jimmy et Mary sont un repère appréciable, sorte de ligne directrice pour le téléspectateur afin de traverser les soubressauts de ces luttes intestines. Jimmy est l'anti-héros par excellence, tentant de conduire ses affaires au milieu d'associés et de membres de sa famille qui ne cessent de remettre en cause ses décisions. Est souligné son côté quelque peu assagi, professionnel déterminé mais qui n'a pas de vélléités ou ambitions particulières, dont l'objectif principal reste toujours d'éviter tout conflit en dépit des provocations constantes d'un autre gang. Ce tempérament tout en nuance auquel s'ajoutent les soucis internes à son organisation humanisent le personnage, le complexifiant tout en le rendant accessible. Même ses plus proches collaborateurs ne le trouvent pas assez ferme ; en témoigne la rapidité avec laquelle certains contournent les ordres directs dès que Jimmy ne les surveille plus. Parallèlement, presque paradoxalement, Mary fait elle preuve d'une détermination froide, parfois glaçante, qui impose une distance entre elle et le téléspectateur. Même ses soucis avec la hiérarchie et les intrigues d'avancement de carrière dans son service ne parviennent pas à briser la glace, dépeignant un personnage finalement tout en retenu. Au-delà de ce duo principal, gravite autour d'eux toute une galerie de protagonistes qui interagissent entre eux. Des alliés d'un jour aux vieilles amitiés que l'on tente de renouer, chacun, jusqu'au plus petit personnage secondaire, semble jouer sa carte personnelle, agissant en fonction de ses intérêts. Cela donne ainsi un tableau complexe où la plupart des joueurs sont indépendants. Tout s'équilibre autour de rapports de force fragiles. Cette multiplicité d'actions diverses développées en parallèle permet à la série de développer des storylines complexes, sans temps mort pour le téléspectateur qui suit, tendu, les plans qui s'organisent souvent à l'insu de la plupart des personnages.

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Intelligence a beau se passer dans les milieux mal fréquentés de Vancouver, elle n'est pas une série d'action. C'est probablement une des séries qui comporte le plus de scènes... en voiture. Intelligence, c'est finalement souvent deux voitures qui se croisent sur un parking désert pour que leurs conducteurs échangent quelques propos rapides ; ou bien, ce sont ces filatures nocturnes qui s'enchaînent ; ce sont également les rapides rencontres dans une voiture qui se transforme en bureau se déplaçant en ville pour rencontrer les informateurs. Le maître mot n'est pas l'action brusque et irréfléchie. Les dialogues sont donc très fournis. Les personnages parlent plus qu'ils n'agissent. Cela permet de développer une tension sous-jacente qui reste souvent dans une retenue de circonstance, avant que tout cela ne bascule progressivement en fin de saison. Chaque joueur se met en place finissant par créer une situation de plus en plus intenable qui va devoir exploser.

Cet aspect feutré s'explique aussi très simplement par la chaîne de diffusion : CBC. Ce n'est pas une chaîne câblée. Par conséquent, elle se retrouve liée aux mêmes contraintes que les grandes chaînes. Le langage est ainsi polissé, avec finalement un champ lexical relativement "normal", loin de l'argot revendiqué et assumé de certaines séries du câble qui aiment à rappeler et à abuser de la liberté de vocabulaire employé. Ici, point de f* word pour ponctuer chaque phrase. Pour un téléspectateur habitué à The Wire ou aux Sopranos, cela peut laisser évidemment quelques frustrations. Mais ce n'est pas vraiment un handicap, cette politique empêche juste d'imprimer une de ces ambiances spécifiques que l'on retrouve dans les séries précitées. Ce serait même un point positif pour le confort personnel du téléspectateur ne maîtrisant pas ces étonnants essais linguistiques. Parce que j'avoue que comprendre pleinement les dialogues de The Wire en VO pure, sans sous-titres, cela dépasse mes capacités anglophones. En revanche, Intelligence en VO pure ne pose pas de problème de ce côté-là.

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Si la diffusion sur CBC bride les dialogues, c'est par le style de réalisation que la série se construit une ambiance qui lui est propre, tout aussi travaillée. La caméra arbore un style faisant ressortir le côté polar noir. De petites interludes, images instantanées retouchées d'un personnage qu'accompagne un bref sous-titre comme "the nasty bastard" ou "the ex-wife", accentue cet aspect. On a l'impression de feuilleter un roman noir. Cependant, le réalisateur pèche sans doute aussi par excès de zèle : la photographie est en effet très sombre. Probablement trop sombre dans certaines scènes, notamment celles se déroulant dans le bar faisant office de QG pour Jimmy. En revanche, la série s'appuie sur un casting très solide, convaincant dans l'ensemble. Ian Tracey, en particulier, incarne à merveille l'anti-héros croulant sous les problèmes. Matt Frewer se délecte dans sa caricature d'adjoint ambitieux, dépassé par les évènements, mais qui n'en prend pas conscience.

Certes, la série n'est pas exempte de défauts. A commencer par le fait qu'elle se repose parfois trop uniquement sur les dialogues, devenant alors trop parlante, délaissant l'action. Volontairement soft, elle reste dans une certaine retenue qui apparait par moment dommageable. Son potentiel serait pleinement exploité si elle avait pu bénéficier d'une plus grande liberté de ton et d'action. Cependant, ces limites n'occultent en rien les attraits de cette série intéressante, dont les scénaristes et réalisateurs ont su composer avec les contraintes préalables pour parvenir à créer une ambiance originale que l'on apprécie.

Bilan : Derrière ses allures de polar noir, Intelligence se glisse finalement dans la peau d'une série d'espionnage. Elle  se réapproprie les codes de ce genre, tout en gardant en trame de fond le crime organisé et tout ce qui en découle. Elle est une sorte de série d'espionnage artisanale qui ne revendique pas ce qualificatif. Les infiltrations d'agents payés par des pays étrangers dans les services de renseignements canadiens accentuent cette impression ; sans qu'elle s'éloigne de la dynamique établie, explorant les parallèles entre policier et gangster. Ce ne sont pas les thèmes abordés qui sont originaux, mais c'est le fait de les traiter tous ensemble. Le point fort de la série, c'est ce mélange travaillé et intéressant, la situant à la croisée des chemins.
La saison se termine sur un cliffhanger qui n'en est un qu'à moitié. En effet, la série n'avait pas encore été renouvelée, il fallait donc ménager le suspense pour une éventuelle suite tout en laissant une porte de sortie si jamais CBC ne commandait pas une seconde saison. Heureusement, le téléspectateur qui voit s'abattre le générique de fin d'un mauvais oeil aura droit à découvrir la suite. L'enchaînement des dernières scènes et la situation en place, même si elle ne laisse guère de doute sur l'issue, vous laisse frustré, happé que vous étiez par l'histoire. Vous n'avez donc qu'une envie : voir l'épisode suivant dans la foulée.
Je serai de retour sans hésitation pour la saison 2 annoncée normalement pour octobre sur CBC.

Pour avoir un aperçu de la série, voici le trailer diffusé pour le lancement de la série :


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