France, États-Unis - La fonte de la banquise prédite par les modèles climatiques du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) provoquerait la disparition des manchots empereurs d'ici 2100. Tels sont les résultats d'une étude menée par des chercheurs français du CNRS, en collaboration avec deux équipes américaines.
Inédites, leurs données suggèrent que, face aux changements climatiques à venir, les manchots empereurs, "acculés" en Antarctique, seraient particulièrement touchés par les évolutions climatiques annoncées s'ils ne peuvent s'adapter rapidement.
Henri Weimerskirch et ses collègues du Centre d'études biologiques de Chizé se sont intéressés aux manchots empereurs, pour lesquels ils bénéficiaient de données démographiques sans équivalent. Localisé en Antarctique, cet oiseau de mer a la particularité d'être extrêmement sensible aux variations de la banquise. Celle-ci fait office de plate-forme pour sa mue en été (janvier/février) puis pour sa reproduction en hiver et lui procure son alimentation (essentiellement constituée de calmars, de poissons et de krill).
Après une baisse très importante à la fin des années 70, le nombre de manchots empereurs s'est aujourd'hui et depuis quelques années stabilisé. Mais, comment évolueront ces oiseaux de mer au cours des prochaines années ? Pour en avoir une idée, les chercheurs se sont appuyés sur le suivi démographique, effectué entre 1962 et 2005, d'une colonie de manchots empereurs située en Terre Adélie. Ils ont alors combiné ces données aux modèles du Giec prédisant les variations futures de l'étendue de la banquise en Antarctique. Et le résultat est quasi sans appel : les manchots empereurs de Terre Adélie pourraient disparaître d'ici 2100 si la banquise continue à fondre comme annoncé. Plus précisément, les scientifiques ont calculé que les effectifs de cette colonie allaient s'effondrer de 93 %, passant de 6 000 couples reproducteurs en 1962 à 400 d'ici la fin du siècle. Avec une probabilité moyenne de s'éteindre égale à 36 % en 2100.
Pour éviter de disparaître, les manchots empereurs doivent s'adapter (migration, changement de cycle de vie...). Mais, ils semblent lents à modifier leur comportement, ce qui les menace d'extinction. Au contraire, pour certaines espèces d'oiseaux, essentiellement sub-antarctiques ou sub-tropicales, ces changements climatiques se révéleraient favorables. C'est notamment le cas de certains albatros. Ces travaux suggèrent donc une réorganisation des espèces au sein de l'hémisphère Sud, en relation avec les évolutions du climat dans les prochaines années.