Magazine Cinéma

Daratt

Par Eric Culnaert

Le titre international est Saison sèche, et il se justifie, car nous sommes au Tchad. Rappelons à ceux qui n’étaient pas là que ce pays d’Afrique, ancienne colonie française, fut une dictature dès l’Indépendance, et l’est toujours quarante-sept ans plus tard, comme quoi il y a des choses qui ne changent pas, donc Francis Cabrel peut rengainer son célèbre « C’était mieux avant ». Le dernier dictateur en date est Idriss Déby, il va bien, merci, mais les Tchadiens eurent auparavant le bonheur d’avoir à leur tête, entre autres, Hissène Habré, qui s’est rendu célèbre en retenant en otage pendant trois ans madame Françoise Claustre (décédée au début 2007), et en faisant exécuter, en avril 1975, le négociateur français que Giscard lui avait envoyé, le commandant Pierre Galopin. Après cela, évidemment, la sanction des Français fut terrible : Hissène Habré fut invité officiellement dans la loge du Président de la République, un certain Mitterrand, à l’occasion du défilé du 14 juillet 1987 – un honneur qui fut pourtant refusé au Président des États-Unis ! Nous aussi, nous avons nos démocrates, et qui honorent l’espèce humaine…

Et le film, pomme à l’huile ?, trépignes-tu d’impatience. On y revient, ou plutôt on y vient. Atim est un garçon villageois d’une vingtaine d’années ; le dossier de presse lui donne seize ans, mais il est visiblement plus âgé : vous savez ce que c’est, en Afrique, le soleil fait mûrir plus vite. Atim n’a pas connu son père, car celui-ci a été tué avant sa naissance par un homme, Nassara, dont on va faire la connaissance et qui, blessé, est rentré dans la légalité (la Commission de réconciliation vient justement de décréter une amnistie générale, donc aucun assassin ne sera poursuivi) ; l’assassin est devenu boulanger, s’est marié, et la femme du boulanger, qui est jeune, attend un enfant. On se croirait presque chez Pagnol, non ? Sauf que le grand-père d’Atim lui remet un pistolet, exigeant que son petit-fils parte pour la capitale, N’Djamena, et tue cet homme. Atim, docile, se rend en ville, fait la connaissance de celui qu’il doit abattre… et se fait engager par lui comme apprenti-boulanger. La vendetta, c’est bien, mais travailler plus pour gagner plus, c’est mieux.
Voici donc en présence, lecteur haletant, un patron et son apprenti, dont l’un a des raisons de vouloir la mort de l’autre, situation qui n’est pas sans rappeler un film très honorable de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Le fils. Le suspense a de quoi te défriser les poils des mollets, avoue ! Du carnage dans l’air ? Du sang dans la savane ? Pas vraiment. Au début, leurs rapports sont assez conflictuels, en raison des maladresses du garçon, qui est doué pour le métier de boulanger comme Laurence Boccolini pour être trapéziste ou Jane Birkin pour être chanteuse, mais s’apaisent suffisamment pour que Nassara, qui ne sait rien du projet de son employé, regarde un peu Atim comme le fils qu’il n’a pas, rapport qu’Atim rejette avec indignation. Mais va-t-il se décider à exécuter sa cible ? C’est ce que tu sauras en écoutant le trois mille huit cent quatre-vingt-onzième épisode de notre grand feuilleton… euh, pardon, je m’égare. Revenons à nos antilopes.

Il s’avère que la jeune femme de Nassara, enceinte comme tu t’en souviens, perd son enfant, et que les époux sont foudroyés par le chagrin. Finalement, Atim emmène Nassara dans le désert, accompagné par son grand-père, qui est opportunément aveugle, il sort son pistolet, en menace Nassara, qui se laisse tomber à terre, et il tire deux coups de feu en l’air. Croyant qu’il a exécuté la sentence, le grand-père est satisfait ! Que ne ferait-on pas pour sa famille ?


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