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Faim

Publié le 02 février 2009 par Collectifnrv
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La France disait-il n’avait pas peur du changement, mais elle l’attendait. Il est venu, mais pas vraiment comme elle, du moins celle qui a voté pour l’ex maire de Neuilly, l’espérait naïvement.

Le président actuel voulait transformer notre pays, un des derniers à s’adapter à la mondialisation néolibérale. Encore le faisait-il en râlant et renâclant, comme à son habitude et ceci malgré le nombre toujours plus grand des nouveaux convertis. Il avait le désir d’en faire une petite Amérique, objet de son amour et de sa fascination. Il brûlait d’installer sur le trône des valeurs, l’individualisme, l’ambition personnelle, la course au profit décomplexé. Il trépignait de pouvoir enfin solder l’héritage révolutionnaire qu’avant lui des historiens comme François Furet,  porté par l’enthousiasme des transfuges, avaient déjà contesté.

Bref, il rêvait de donner le coup de grâce à un modèle né sur les ruines de la guerre et la honte de la collaboration, des germes multi-séculaires de son histoire et de sa culture, mais depuis 25 ans attaqué de toutes parts. Grignoté de l’extérieur avec la globalisation économique portée par le consensus de Washington, sapé de l’intérieur par ses propres blocages et l’effort des néolibéraux du cru.

Mais les winners les plus farouches, les plus opportunistes, les moins scrupuleux ne peuvent rien face à leurs aveuglements et devant le stop impérieux imposé par l’Histoire. Il y eut bien quelque esprit simple et satisfait pour imaginer qu’elle s’était définitivement arrêtée. Mais chacun, Fukuyama y compris sent bien qu’elle est repartie, après une pause cahotante d’une vingtaine d’années.

Voilà donc que le système adoré, que nous appellerons néolibéral par commodité, connaît les derniers soubresauts au moment même où en France on voudrait finir de l’imposer. Souvenez- vous des paroles de notre chef suprême pendant sa campagne. Il déplorait le faible endettement des français, souhaitait que tous soient propriétaires, sur le modèle américain. Celui des subprimes voyez ?...

Oui mais, le château de cartes s’est effondré, à la seule surprise de ceux qui l’avaient  édifié au mépris de toutes les règles prudentielles. Mais que voulez vous ? Comment résister quand on est acteur dans une structure où la cupidité et la concurrence s’allient pour former une spirale infernale, d’où le risque,  par la grâce des produits structurés, semble s’être évanoui ? (voir le dernier livre de Frédéric Lordon : Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières.-Paris : Raisons d’agir, 2008.-220p.)

Il serait nécessaire de bien souligner à quel point la libéralisation de la finance, dont les subprimes et les produits dérivés sont les derniers avatars, a pesé sur l’organisation du travail et partant, sur l’évolution des sociétés occidentales, mais aussi de celles des pays émergents. Il suffira de dire que la financiarisation en privilégiant le capital au détriment du travail, a fini par lui enlever son sens mais aussi son pouvoir de rémunération et d’épanouissement dans de bien nombreux cas : recherche du profit maximum à court terme, course à la productivité, management omniprésent, précarisation, tassement des salaires. Pourtant, pendant ce temps là, il fallait bien préserver la croissance et sa composante bien souvent essentielle, la consommation.

D’où la recherche du moindre coût qui a deux effets pervers : les délocalisations et la tension sur les salaires, sur les conditions de travail. Les premières enrichissent certes les pays les plus pauvres mais en les dispensant de créer un marché intérieur viable, en fermant les yeux sur l’exploitation des  « ressources humaines », en sacrifiant le tissu économique (l’agriculture de subsistance notamment) aux exportations. Les secondes ont fait pression sur les revenus et la stabilité de l’emploi qu’il a fallu compenser pour maintenir le fameux pouvoir d’achat par le recours au crédit et la production à bas prix. La boucle est bouclée, la machine peut s’emballer…Vous aurez noté qu’aujourd’hui plus personne du côté des élites économiques et des politiques, exceptées celles se réclamant de la gauche assumée, ne parle de salaire mais de pouvoir d’achat.  Le glissement sémantique est éloquent…

Tout a une limite heureusement et le capitalisme financiarisé a atteint les siennes, au grand dam de l’Ump et de son cornac autoritaire. Dans la précipitation digne de galopins sachant qu’il font un coup pendable, ils ont enchainé les réformes libérales : paquet fiscal (merci pour le budget , le déficit et la dette), démantèlement des 35h et promotion des heures supplémentaires avec dégrèvement fiscal bien évidemment (toujours pour soigner les déficits) qui s’avèrent totalement pro-cycliques en tirant le chômage vers le haut avant même que la crise fasse sentir ses effets propres, destruction à la hache des services publics (Education nationale, système de santé, SNCF, Poste etc) qui eux, au contraire constituent de puissant barrages contra-cyclique pour soutenir l’économie et protéger les plus fragiles. Un rapport de l’OCDE est d’ailleurs venu à point nommé pour montrer que la France et les pays à très forte redistribution (scandinaves pour la plupart) étaient aussi ceux qui alliaient le mieux croissance et réduction des inégalités :

-synthèse du rapport OCDE sur la croissance et les inégalités 2008 : http://www.oecd.org/dataoecd/48/9/41530189.pdf

-Note concernant la situation française : http://www.oecd.org/dataoecd/45/24/41525323.pdf

-Graphique sur le rapport entre redistribution et taux de pauvreté : http://graphs.gapminder.org/communityproxy/ChartDataServlet?key=plL7_TnAeMdBLyRVf1rehGg#$majorMode=chart$is;shi=t;ly=2003;lb=f;il=t;fs=11;al=30;stl=t;st=t;nsl=t;se=t$wst;tts=C$ts;sp=6;ti=2004$zpv;v=0$inc_x;mmid=XCOORDS;iid=plL7_TnAeMdBAvXX8r5__Vw;by=ind$inc_y;mmid=YCOORDS;iid=plL7_TnAeMdAktDNHMaxdJQ;by=ind$inc_s;uniValue=20;iid=plL7_TnAeMdCTpDLPYo-_VA;by=universal$inc_c;uniValue=255;gid=CATID1;iid=plL7_TnAeMdC8GEnotAixIg;by=grp$map_x;scale=lin;dataMin=1.814;dataMax=36$map_y;scale=lin;dataMin=2.77;dataMax=22$cd;bd=0$inds=

Pour un pays archaïque et sclérosé, la France ne fait pas si mal, proche des pays nordiques, laissant à des années-lumière les USA. Bien plus, notre pays apparaît un des mieux armés pour résister à la crise, si tant est que les malades qui nous gouvernent ne persistent pas dans leur erreur funeste et idéologique.

http://pubs.lemonde.fr/RealMedia/ads/adstream_sx.ads/FRANCE-LEMONDE/articles_france/exclu@x30?http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/01/30/dans-la-crise-le-modele-francais-naguere-decrie-retrouve-des-couleurs_1148547_3224.html

Tout le problème est là. Comment va réagir notre roi d’opérette-président ? Comment va évoluer la contestation sociale ?

L’ancien maire de Neuilly apparaît de plus en plus comme un personnage autoritaire et liberticide, ce que ses opposants les plus lucides avaient bien décelé depuis le départ.  Par ailleurs et malgré sa plasticité et son pragmatisme apparents, c’est un véritable idéologue à la fois néolibéral et néoconservateur. Il faut certes tempérer ce constat par une ambition et un narcissisme maladifs qui poussent à l’opportunisme, mais aussi par un reliquat de colbertisme, rare trace d’héritage culturel français chez un individu qui en outre n’affiche qu’un bonapartisme de carton-pâte. Cela n’abuse que le courtisan Duhamel…

La population elle, voit bien désormais que des nuages d’orages encombrent l’horizon mais il semble qu’une faible partie soit consciente que la crise actuelle est systémique et que par conséquent les revendications conjoncturelles sont sans finalité possible. Pourtant, il se pourrait bien que la compréhension d’une remise en cause inéluctable des structures soit l’aiguillage qui déterminera le chemin que va prendre la France dans les années qui viennent.

Si les gens s’en rendent compte rapidement alors l’espoir est possible, l’aspiration à un système plus équilibré et alternatif, autorisé, l’émergence d’une offre politique qui y amène des réponses, envisageable. En revanche, si la résignation prévaut, si les détenteurs du pouvoir vont comme c’est très probable au bout de leur délire, alors le pessimisme est de rigueur et la démocratie en danger. Le système ne peut maintenant survivre que par perfusion d’autoritarisme et de reconstitution complète de la hiérarchisation sociale, aux dépens des classes moyennes.

Bien entendu, son évolution dépendra énormément des réactions à la crise dans le monde entier, aux Etats-Unis et en Chine notamment. Elle reposera aussi sur les interactions, les négociations, les tensions qui s’en suivront…

De l’amas de ces conjectures bien fragiles, il ressort cependant une certitude : les citoyens ont le pouvoir de construire la société qu’ils désirent, de renverser celle qui leur semble imposée.

L’Histoire est en …

Nicks


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