Tu es venue sans aucun détail, aucune directive. Le monsieur t'avait juste dit : "Venez comme vous êtes habituellement, oui, c'est cela, sans rien changer !".
Quand tu es entrée dans la grande pièce, tu as rougi bien sûr et c'est en bégayant et en regardant tes chaussures que tu t'es présentée à lui. Il t'a rapidement dit bonjour et ne s'est plus adressé à toi. Tu le voyais affairé à droite, à gauche, ne sachant pas finalement à quoi il était véritablement occupé. Le temps t'a paru long et tu as bien sûr songé à repartir, mais, finalement, tu es restée là à demi captivée par le bourdonnement de celui que tu ne connaissais pas il y a deux jours à peine. Tu l'as vu monter à lui tout seul de grosses machines suspendues à de hautes perches et de lourds appareils dont tu n'avais eu jusque-là aucune idée.
Enfin il est venu vers toi et t'as demandé : "Écoute bien ma petite, tu vas aller vers le fond de la pièce, face à ce mur décoré. On y a peint une fenêtre ouverte sur la mer. Tu vas t'y accouder et tu vas regarder les flots bleus comme si tu y étais !". "Mais...", as-tu essayé de bredouiller, mais il ne t'a pas laissé le temps de continuer. Tu t'es exécutée et c'est bien maladroitement que tu as posé les coudes sur le faux rebord en bois. Tu avais envie maintenant de rire, mais tu ne savais pas si le moment s'y prêtait.
C'est alors qu'autour de toi tu as entendu de drôles de cliquetis, une forte chaleur se diffuser et des lumières crépiter. On t'a demandé de ne pas bouger et seul ton pied droit a reculé. Quand enfin tout s'est achevé, on t'a remercié, on t'a demandé de partir et de ne pas t'inquiéter.
Quelle ne fut donc pas ta surprise quand, quelques jours plus tard, tu as reçu chez tes parents ce portrait de toi, car c'en est un, petite fille au corps un peu boudiné mais dont l'image était maintenant fixée pour la postérité.