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Jean-Bertrand Pontalis : “Le songe de Monomotapa”

Publié le 06 février 2009 par Colbox

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Le sage qui éclaire notre intime

Jean-Bertrand Pontalis : « Dans amateur, il y a aimer : celui qui aime, et celui qui fait aimer les choses. »
(Source : www.ouest-france.fr)
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Sous le titre énigmatique Le songe de Monomotapa, inspiré par une fable de La Fontaine, sort aujourd’hui un livre bref, élégant, profond. Jean-Bertrand Pontalis y dessine le paysage de l’amitié, lui qui sait si bien la cultiver. Grande figure de la psychanalyse, « Jibé » éclaire une nouvelle fois notre intime.
Oui, c’est lui aussi. Ce petit garçon rêveur, au regard mélancolique, a perdu son père peu auparavant. Qu’a-t-il gardé de ce commencement, le vieil homme très charmant et très respecté qui reçoit dans son bureau calfeutré des Éditions Gallimard ? Sûrement, une séduction faite de réserve, une présence retenue. Pour un peu, on oublierait qu’il a été le co-auteur d’un ouvrage de référence ¯ le Vocabulaire de la psychanalyse ¯ qu’il a animé une revue où ont écrit les meilleurs, pendant vingt-cinq ans, qu’il est un des rares psychanalystes à poursuivre une oeuvre littéraire.

La Benson qu’il « s’autorise » à fumer devant nous rappelle une autre cigarette, sur une autre photo prise à la fin des années 1940, dans une boîte de Saint-Germain-des-Prés. Debout au fond, Jean-Bertrand Pontalis, à peine vingt-cinq ans, écoute les conversations qui animent Boris Vian, Raymond Queneau et Jean-Paul Sartre.

Première rencontre décisive, ce Sartre qui « tranchait » et arrivait à « penser ce que les autres croyaient hors d’atteinte ». Son influence décidera du premier vrai métier de Pontalis : prof de philo. Car la radio ou le théâtre l’attiraient aussi. Le scenario se répète avec Lacan grâce à qui il devient analyste. À chaque fois, un apprentissage, mais aussi le refus « d’adhérer à un discours qui prétend dicter ses lois ». Se nourrir de Lacan, oui, parler en lacanien, non.

Refus de suivre de manière aveugle un maître, défiance à l’égard du péremptoire, de l’asséné : tout Pontalis est là. « Seule la langue commune laisse une chance à la parole dans ce qu’elle a d’unique.»

Celui qui se définit volontiers comme un amateur (aimer …) sera définitivement occupé par un même objet : les mots. Entendus des patients ; lus chez les auteurs qu’il suscite ; écrits par lui-même. « J’essaie, dit-il, de rendre sensible quelque chose de la relation qui se noue entre l’analyste et le patient, cette rencontre entre deux inconnus. »

Il avoue que le vieillissement a « libéré » chez lui le goût d’écrire: « J’ai été un père tardif, je suis un écrivain tardif. » Au fil des livres, le cercle des lecteurs touchés s’est élargi : « Vous avez mis des mots sur ce que je ressentais sans pouvoir l’exprimer », disent les lettres de reconnaissance.

Claude Janin, auteur d’une biographie aux PUF, décrit le style Pontalis : « Ce mouvement léger et intense, caractéristique de la pensée au travail. » Une intuition, une chose vue ou rêvée, une fulgurance. Exemple : le récit d’un acte manqué, à un moment affreux, les obsèques du grand ami Michel Cournot. C’est l’un des passages les plus forts du Songe de Monomotapa. Pontalis arrive en retard au cimetière du Père-Lachaise, ne trouve pas le crematorium, s’égare, finit quand même par rejoindre les proches. Les souvenirs remontent, les larmes affleurent, et cette évidence s’impose : « Qui est l’ami véritable ? Celui qui nous protège des tourments de l’amour, nous éloigne de la furie haineuse, fait reculer la mort. »

L’ami peut être jeune, comme Vincent Delecroix, 39 ans, auteur du brillantissime Tombeau d’Achille : « Je lui dois ce livre, notre rencontre a été quelque chose d’incroyable », confie-t-il, enthousiaste.

Jamais pesant, toujours stimulant, « Jibé » a créé autour de lui une petite société d’auteurs où sa place - centrale - est reconnue. A-t-il une recette pour bien vieillir ? « J’ai gardé un goût de vivre qui fait bon ménage avec un fond nostalgique. La balance se fait plutôt bien ». Et puis, il ne se prend « pas trop au sérieux ». Avant de nous laisser, il tient à nous lire un extrait du pamphlet de Victor Hugo sur Napoléon le Petit. Toute ressemblance avec un dirigeant actuel serait pur hasard… Quand il rit, l’oeil de Jean-Bertrand pétille.

Paul GOUPIL.


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