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Se souvenir de Friedman

Publié le 19 janvier 2009 par Alexis Vintray @alexisvintray
Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976, est bien mal aimé en France ; considéré par la majorité comme un fanatique suppôt de l'ultralibéralisme sauvage, il est tout aussi peu aimé des partisans de l’école autrichienne, sur Liberaux.org par exemple. Pourtant nombre de ses travaux sont particulièrement d’actualité aujourd’hui, mais cela implique de ne pas se cantonner à la seule de ses théories qui soit légèrement connue en France, le monétarisme. Hors le monétarisme, Friedman a ainsi écrit sur la théorie du revenu permanent et sur la temporalité des politiques de relance, deux sujets brulants (si, si) et pour lesquels il a reçu son Prix Nobel (il l'a été pour l'analyse de la consommation, l'histoire monétaire et la démonstration de la complexité des politiques de stabilisation »)
En 1957, alors qu’il est encore peu connu, Friedman écrit A Theory of the Consumption Function dans lequel il s’en prend à l’un des fondements de la théorie keynésienne, sa fonction de consommation, qui décrit la façon dont un ménage consommera en fonction de ses revenus. Pour Keynes, la consommation est fonction du revenu disponible à l’instant t. Dès lors, si le revenu augmente temporairement par un plan de relance, le consommateur consommera plus, prenant en compte ce revenu supplémentaire. Séduisant mais largement faux. Friedman observe que la consommation des ménages est beaucoup plus régulière que leurs revenus. Pour expliquer cette différence, Friedman propose son hypothèse du revenu permanent : le revenu d’un individu a deux composantes : une composante permanente et une composante transitoire. Ce qui compte ce n’est pas le revenu des ménages, mais leur estimation de leur revenu permanent,fonction de leurs revenus passés et l’anticipation qu’ils ont de leurs revenus à long terme. Pour que la consommation des ménages change, il faut que ce soit ce revenu permanent qui change, et un chèque gouvernemental n’y fera rien si l’économie est déprimée.
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Dès lors, l’argumentation keynésienne ne tient plus : à quoi servirait une politique de relance, une baisse temporaire de la TVA comme au Royaume-Uni actuellement, si les ménages accumulent l’excédent de revenu dans des bas de laine sous leurs matelas ? A peu de choses à part creuser le déficit ! Cela a été ainsi vérifié dans des études américaines sur des baisses temporaires de fiscalité dans les années 1960, ainsi que, plus généralement de manière statistique. Il serait hâtif de dire qu’il en est toujours ainsi, ne serait ce qu’en raison de l’intervention d’autres facteurs pour expliquer les variations de la consommation et pour ne pas sombrer dans l’historicisme. Mais l’argument reste valable et largement vérifié…
Friedman porta un autre coup, plus violent, aux théories keynésiennes sur l’intervention étatique en période de crise : loin d’atténuer les crises, elle ne fait que les aggraver. Les politiques contra-cycliques (destinées à lisser l’évolution économique) sont en fait pro-cycliques (elles accentuent les cycles économiques). Friedman étudia cette question dans ses Essays in Positive Economics (1953). Dans ses recueil se trouve en particulier un texte, The Effects of a Full-Employment Policy on Economic Stability, écrit en 1951. Milton Friedman y souligne que l’action de l'État, quand elle se veut contra-cyclique, est marquée par des lags, des délais. Il estime ainsi entre 10 et 24 mois les délais entre le moment critique et le moment où l'État agit concrètement. Entre les deux, il y a un délai entre le moment où le problème survient et celui ou les hommes de l'État en prennent conscience, puis à nouveau un délai jusqu’à la décision des mesures à prendre, et enfin un troisième avant que les effets de ces mesures se fassent sentir. Il résume ainsi cette analyse des lags de l’action publique en 1962 dans Capitalism and Freedom :
There is likely to be a lag between the need for action and government recognition of the need; a further lag between recognition of the need for action and the taking of action; and a still further lag between the action and its effects
Ces théories de Friedman sont cependant bien loin d'être écoutées actuellement. Si on ne s'intéresse pas aux théories alternatives, qu'est ce qui peut expliquer cette obstination de l'intervention politique alors? Montrer qu'on agit pour ne pas passer pour Mister Do-Nothing, répondre à la demande exprimée sur le marché politique en somme. Autant de questions qui mériteraient un article à part...
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