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Portrait n°4 : Quantum of Insolence

Publié le 06 février 2009 par Toreador

Et s’il faut un centième je serai celui-là !

Insolent vous manque, et tout est dépeuplé

Je me sens comme dans la peau de James Bond affrontant une mission impossible. Le mois de Février commence en effet sur une véritable gageure. Après avoir croqué Dedalus, Martine Aubry et Rimbus, trois blogs clairement à gauche, voilà que le 100ème du classement Wikio est le très sulfureux et très controversé L’Insolent.

J’écris très sulfureux parce que Jean-Gilles Malliarakis a la réputation d’être d’extrême droite, et qu’il dirige les éditions du Trident.

J’écris controversé parce que L’Insolent a failli être membre de Kiwis (et accessoirement dans LHC).

En fait, pour être tout à fait exact, nous l’y avons admis avant que Seb de Ca Réagit nous informe de son article Wikipedia, de sa couleur politique, et que plusieurs membres (Pierre Catalan, Le Grand Barnum) menacent de claquer la porte s’il n’était pas mis illico à la porte, invoquant la Charte  Kiwis, qui exclut les blogs d’extrême droite et d’extrême gauche. L’Insolent a préféré quitter le réseau, plutôt que de provoquer une crise. La même histoire, d’après ce que m’a dit Rubin, s’est reproduite chez LHC.

J’ai fait partie des gens qui l’ont défendu tout en essayant de résoudre le problème posé, par le débat et le vote. En effet, après l’explosition de cette polémique, je me suis plongé plus profondément dans ses écrits, considérant que ce qui comptait, ce n’était pas les “on dit”, mais bien les faits. Et je dois dire que L’Insolent ne reflète en aucun cas dans ses billets une pensée d’extrême droite.

J’ai cependant échoué dans ma tentative d’en convaincre les 2 Kiwis sur ressort. Mais j’ai gardé L’Insolent dans ma blogroll.

Sociologie extrémiste

Qu’est ce que l’extrême-droite, d’abord ? Pour moi, l’extrême-droite est anti-démocratique et anti-républicaine. Elle prône un pouvoir fort, charismatique, et une organisation corporatiste de la société, fondée sur l’exclusion raciale, généralement au nom d’une conception hypertrophiée de la Nation. D’après Wikipedia, les valeurs de ce  courant aux frontières floues peuvent correspondre notamment à un nationalismetraditionalisme religieux poussé exacerbé,  des idéologies fascistes, etc. Xénophobie, bellicisme, racisme peuvent également être dominants.

Pour défendre ces valeurs, les petits soldats d’extrême droite peuvent éventuellement justifier des moyens extrêmes ou révolutionnaires, avec changement de régime politique, notamment contre le parlementarisme.

De toute évidence, Malliarakis est de droite conservatrice, non gaulliste, méfiant à l’égard des technocraties (et donc des énarques et l’Europe) et de la “franc-maçonnerie laïciste”, très critique envers la gréviculture et l’extrême gauche révolutionnaire.

Ses billets élégants sont sans appel pour ceux qu’ils considèrent comme des obstacles pour la modernisation de la société française, et ce non sans finesse  : “Il en découle une attitude systématique des moyens de désinformations. Ceci se manifeste particulièrement en France où les gens de formation trotskiste pullulent dans les médiats, pour qui tout doit tendre à détruire la société. Le mot le plus répandu des dernières années à tout propos, et dans le meilleur des cas, nous parle de “grogne” ce qui évoque élégamment le mode d’expression porcin.’

La droite, des sensations pures

Son anti-communisme vicéral peut frapper par sa force mais il est relativement représentatif de sa génération et selon moi se fonde sur une méfiance des dictatures qui ne disent pas leur nom : “Une marxisation généralisée des esprits, génératrice d’une pensée unique, qui nous conduit progressivement, à l’ombre d’un État-Providence qui s’essouffle, vers un totalitarisme masqué.” Malliarakis poursuit une quête de liberté individuelle et de modernisation économique qui le rapproche plus des libéraux que des droitiers. Il est surtout et avant tout anti-marxiste.

Anti-chiraquien, il est aussi de ceux qui considèrent que la Droite a peur de ses idées. Dans un billet féroce, Malliarakis pointe ainsi le caractère illibéral de la droite française en fustigeant le “fiscalisme”. Il a d’ailleurs publié un ouvrage “La Droite la plus suicidaire du monde”.

Certes, on le voit au détour d’une construction, L’Insolent se sent libre de s’attaquer à des vaches sacrées, sans doute par vieux fond conservateur. Il ose ainsi écrire, dans “Cessons de tenir toute violence pour légitime” : “Il apparaît urgent de ne plus y voir la révolution de 1789, et son tournant monstrueux de 1793, considérés comme l’horizon indépassable de l’aventure des peuples.”

Avec le temps, le style de l’Insolent s’est fait moins polémiste, plus doux, ce qui fera dire à ses détracteurs qu’il se fait passer pour un républicain qu’il n’est pas. Néanmoins, rien qui n’aille au-delà du français conservateur libéral typique. Si Gilles Malliarakis est un fasciste, alors il cache bien son jeu. L’Insolent est ainsi capable de faire l’éloge de chefs d’oeuvre musicaux de la période communiste, indiquant que pour une fois lui et Staline sont d’accord.

Droite extrême ?

Restent les éditions du Trident. Nietsche, Pareto, Primo de Riveira,  Le Bon, Barrès, le catalogue est effectivement un présentoir de contre-révolution nationale, avec des ouvrages à la thématique conspirationniste et aux relents napthalinesques (Jacques Bordiot, “Une main cachée dirige”, AG Michel “socialisme maçonnique”), des auteurs de la droite nationale des années 30 (Henry Charbonneau, Drieu la Rochelle), des ouvrages de vulgarisation islamique (cependant aucun sans approche anti-islamique), un livre (bienveillant) sur le procès de Pétain. Voilà qui plaide peut-être le plus pour une sympathie coupable à l’égard d’hommes qui n’ont pas toujours grandi ce pays.

Au final, ne nous en cachons pas : L’Insolent est bel et bien un esprit de droite, mais sa droite à lui est moins celle d’un Le Pen ou d’un Poujade, que celle des intellectuels des années 30. Je le verrais plutôt comme le bâtard illégitime d’André Tardieu et Barrès. Nous n’avons pas forcément les mêmes lectures, mais pendant les quelques jours passés dans Kiwis j’ai pu constater qu’il s’était montré plus démocrate que certains de mes collègues, et qu’il était parti de son plein gré. Et dans la dignité.

Aussi, je n’achète pas l’idée d’un dangereux fasciste recouvert d’une peau de mouton. Il faut juger sur les actes : à la différence de l’Insolent, j’admire les révolutionnaires qui veulent changer le monde, tant qu’ils ne mettent pas en tête  de me fusiller parce que je refuse de voter comme eux. La diversité des idées stimule la démocratie, qui, sinon, risque de s’encroûter dans la pensée unique.

La période Vichyste a décapité l’intelligentsia de droite, en décrédibilisant et reconstruisant parfois des thèses à partir d’évènements survenus plusieurs années après. Le gaullisme a permis de réintégrer les idées de droite dans le Débat public mais en les faisant muter, notamment en transformant la droite libérale en droite fonctionnarisée, étatiste, jacobine. Les insolences de Jean-Gilles, qui dynamitent l’héritage de 45, sont donc bonnes pour le débat public, et je le maintiens dans ma blogroll.

N°37


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