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Politique française : « Tarte à la récré » au Palais Bourbon…

Publié le 21 janvier 2009 par Clal

Donc notre super actif président et sa majorité veulent améliorer la politique française et le fonctionnement du Parlement en accélérant les discussions législatives, qui sait, en les rendant plus efficaces alors même que depuis novembre ou décembre, il y a de l’eau dans le gaz a l’Assemblée, coup de blues dans l’opposition.

Malgré tout les parlementaires ont travaillé tout samedi, ce qui n’arrive normalement jamais, et quand le Président de l’Assemblée après plusieurs jours de débat, trois suspensions de séance mardi, vers 23 heures et quelque a dit à l’opposition qui n’avait présente que 4 des 18 orateurs inscrits sur l’article 13 que cela suffisait, alors… alors… ce fut la montée aux barricades, un nouveau 14 Juillet. On bafoue la démocratie, c’est un liberticide etc. (Remarquer l’aisance avec les grands mots … moins d’aisance cependant pour arriver à un compromis et promulguer un texte, quel qu’il soit.). Les députes socialistes sont venus faire le siège du président de séance devant le perchoir, ont clamé “Démocratie! Démocratie!” et, en ce moment historique, on entamé l’hymne national (“Aux armes citoyens” effectivement, aux armes citoyens…) avant de quitter l’hémicycle.

C’est sans doute un moment historique, mais personnellement je n’ai pu m’empêcher de sourire en me rappelant les histoires du Petit Nicolas.

Image courtoisie “Le site officiel du Petit Nicolas”
Tarte a la recre


Ou peut-être était-ce plutôt les irrésistibles Gaulois qui résistent toujours et encore aux attaques cyniques des Romains?…

Image courtoisie “Le site officiel Asterix”
Un village d'irreductibles gaulois


Le lendemain la résistance continue: l’opposition adopte la politique de la chaise vide (au passage, terme forgé, si je ne me trompe, lorsque de Gaulle a refusé de siéger au Conseil de Sécurité de l’OTAN, signifiant ainsi qu’il ne plierait pas devant les diktats Américains). Ainsi, fait inédit semble-t-il, l’opposition n’assiste pas à la séance du mercredi des questions d'actualité. Enfin presque, car voyez-vous, les parlementaires travaillent. Ils sont dans une salle adjacente, regarde la séance à la télé (faute d’y participer) et préparent la séance de la semaine prochaine avec la discussion du projet de loi logement. La prochaine fois que votre enfant ado vous dit qu’il travaille en regardant la télé, je suppose que vous ne pourrez rien lui opposer. Cela dit s’ils créent des centaines d’amendements pour freiner la discussion de cette loi aussi, je suppose que cela ne demande pas trop de concentration et qu’ils peuvent bien regarder la télé en même temps.

Pendant ce temps-là, la discussion de la reforme de la procédure législative a continué … en l’absence de l’opposition. Si le but était de défendre la démocratie, avoir un projet de loi discuté sans l’opposition n’est pas exactement une victoire pour la démocratie. Si le but était de modifier ce projet de loi, apparemment cela aussi a échoué – pour l’instant -, en revanche, si le but était d’attirer l’attention des medias, alors cela a grandement réussi.

Bon, soyons un peu sérieux. Si je comprends bien, le projet de loi vise a limiter l’obstruction parlementaire (en anglais “filibuster” qui vient de “flibustier”, en somme pirater) Il ne faut pas blâmer les Français. Toutes les démocraties ont leur version de l’obstruction parlementaire. Cela dit à en croire ma lecture de Wikipedia, nous semblons surpasser la concurrence. Le record en Angleterre est un discours de 3 heures et quelques, rien à voir avec nos 79 heures de débat pour le projet d’audiovisuel public, ni les 166 heures de discussion pour le projet de loi sur la presse en 1984. Rien à voir non plus avec le record de 137 449 amendements déposés (puis enlevés) lors du projet de loi visant à réduire la participation de l’Etat français au sein de Gaz de France. Les Etats-Unis ont mis fin aux discours sans fin. Il suffit de déclarer qu’on fait obstruction pour bloquer le vote d’un texte, qui ne peut être voté qu’une fois que la motion d’obstruction a été enlevée. En somme tout le monde s’économise le discours sans fin et utilise le temps à forger un compromis. L’obstruction peut aussi être stoppée au Senat avec 3/5èmes des votes ou 60 voix (Obama n’en a que 59 pour l’instant avec une 60ème encore en cours de dépouillement)

Ainsi en politique française nous sommes des champions de l’obstruction et pas vraiment efficaces. Donc je ne comprends pas pourquoi avoir un crédit temps sur lequel se seraient mis d’accord les groupes parlementaires au préalable réduirait la qualité du travail parlementaire? Arriver à finir son travail en temps et en heure est plutôt un gage de qualité généralement, et de responsabilité aussi.

Ah et j’oubliais, ce texte n’est pas contre l’opposition, il est contre l’obstruction parlementaire. Les limites imposées par ce texte le sont pour tous les groupes parlementaires. Et puis un jour viendra où ce sera au tour de l’UMP d’être dans l’opposition et de ne plus pouvoir faire obstruction à volonté.

Il parait que limiter l’obstruction parlementaire limiterait la possibilité pour l’opposition d’attirer l’attention des medias. Le problème de cette logique lorsqu’on abuse de la démarche est la surenchère: là où il fallait 50 heures de séance et 10 000 amendements pour attirer l’attention, il faut bientôt 100 heures et 100 000 amendements. Pourquoi ne pas remettre les pendules à l’heure et s’entendre d’emblée sur des temps de discussion raisonnables? N’y a-t-il pas des façons plus constructives d’attirer l’attention et de faire avancer le débat que de générer des milliers d’amendements absurdes et de gâcher le temps de tout le monde à les créer et à les contrer?

Mettons qu’il y ait des textes qui méritent vraiment qu’on fasse dérailler le travail parlementaire (même si cela n’a guère de sens pour moi). OK, on se met d’accord pour avoir jusqu’à 2 de ces textes par session parlementaire, propose Accoyer en guise de compromis pour résoudre la “crise”. “Non”, répond l’opposition. C’est une position de principe: on ne saurait limiter le temps de parole, ni le droit d’amendement. Noter que le projet de loi apparemment ne réduit pas le nombre d’amendements, mais prévoit simplement qu’au delà du crédit temps imparti les amendements soient votés sans discussion.

Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde de principes, mais dans un monde de réalités. En somme, nous avons bien souri, mais nous aurions pu arriver au même compromis en moins de temps et avec une opposition qui se serait montrée sous un meilleur jour. Pas sûr que ce type d’épisode, quoique marrant, soit de nature à réconcilier les électeurs avec notre démocratie…


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