Lors de l‘annonce des résultats de la croissance, Nicolas Sarkozy avait raillé les sachants. Il a désormais rejoint leurs rangs et mérite le titre de Grand Sachant. Même si l’on enseigne les sciences économiques, il convient de s’interroger sur le point de savoir si l’économie peut être considérée comme une science. Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’agit pas d’une science expérimentale. Dans le cas d’une de ces sciences, on construit une théorie, on bâtit une expérience pour en tester la solidité et la réalisation de cette expérience permet de se prononcer sur la validité de la théorie.
Il faut bien reconnaître qu’il n’est guère facile de mener des expériences en économie. Si l’on savait avec certitude les actions à mener, on pourrait éviter les crises et, si par extraordinaire, une crise survenait, on saurait comment y faire face. De même, les événements actuels démontrent bien que l’affirmation selon laquelle que le marché était naturellement vertueux et qu’il suffisait de le laisser agir librement pour éviter tout souci est sans aucun fondement.
J’entendais l’autre jour un journaliste spécialiste en économie, du Figaro (j’allais dire bien sûr), soutenir qu’un euro injecté pour soutenir l’investissement se retrouvait intégralement dans l’économie tandis qu’un euro insufflé dans la consommation ne générait que cinquante centimes de résultats. J’enrageais littéralement de ne pouvoir lui demander d’où il tenait ces chiffres, supports d’une démonstration aussi convaincante. Où mesure-t-il donc cet accroissement : dans la PIB ? Et si c’est bien là, qu’est-ce qui lui permet de dire que cet accroissement provient de cette injection, qu’elle soit en faveur de l’offre ou bien de la demande ? Et où donc a-t-on constaté ces évolutions ? Pour que leur comparaison soit significative, il faut bien sûr que ces deux politiques aient été pratiquées dans le même pays et qu’elles aient menées un certain temps. La comparaison reste malaisée car, ces politiques n’ayant pu être conduites en même temps, les conditions nationales ou internationales peuvent avoir varié d’une période à l’autre et il reste impossible, à l’issue de la deuxième période, de déterminer si les résultats obtenus sont la conséquence de cette seule période ou si on contraire ils n’ont pas été influencés également par les actions de la première période.
Il faut être malhonnête ou dépourvu de raison pour asséner de telles affirmations. L’aplomb de tels incompétents me consterne. Hélas, il nous faut bien constater que notre guide éclairé rejoint cette cohorte. C’est ainsi qu’en 2007, il faisait l’apologie des prêts hypothécaires et fustigeait la réticence des banques françaises à suivre l’exemple américain des subprimes. En réalité, nul ne sait quelle est la meilleure voie à suivre. Bien sûr, il faut en choisir une. Mais au lieu de la présenter comme le fruit d’une vérité révélée, on ne perdrait rien à faire preuve d’un peu plus d’humilité.