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Garde à vue à Paris un soir de semaine ordinaire

Publié le 09 février 2009 par Bernard Girard
Il y a quelques jours le Monde a publié un long article sur les gardes à vue qui indiquait que 1% de la population française avait été mise en garde à vue l'année dernière. Je le comprends mieux aujourd'hui.
Deux de mes proches viennent de passer, l'un 42 heures, l'autre (une jeune fille qui ne pèse pas 45 kilos) 24 heures en garde à vue pour un incident que je qualifierais au mieux de mineur.
Deux jeunes gens sortent vers 11 heures du soir d'un cinéma à Paris. Quatre autres jeunes gens leur demandent des cigarettes qu'ils refusent de donner. Une altercation s'en suit. Trois voitures sont légèrement endommagées : rétroviseur cassé pour l'une, bosse sur le toit pour la seconde, peinture griffée pour la troisième. L'un des deux jeunes gens (celui qui a refusé de donner ses cigarettes) est mis à terre par ses adversaires, frappé à coup de pieds au visage (il lui reste un hématome sur le cou et des écorchures sur le nez).
La bagarre n'aura duré que quelques minutes, mais un témoin a appelé la police qui arrête un peu plus tard dans une rue voisine les deux victimes des coups. Ils sont menottés et emmenés au commissariat puis dans deux hôpitaux où le médecin accorde au premier trois jours d'ITT, à la seconde, 2 jours.
Pendant toute la procédure, les policiers sont aimables, presque sympathiques (rien à voir avec ceux décrits dans l'article du Monde). lls n'insultent ni ne frappent personne. Ils appellent la jeune fille "madame" et vouvoient tout le monde. Les cellules sont "correctes", la nourriture très médiocre, mais du moins sont-ils nourris. On leur prend, malgré leurs protestations, leur ADN. Et l'OPJ chargé de l'affaire constitue un dossier de plusieurs centimètres d'épaisseur.
Que penser de cet incident? Je me fais les remarques suivantes :
- l'incident s'est passé dans un quartier parisien très calme. Les policiers sont probablement trop nombreux et désoeuvrés (ils sont cinq à les avoir emmenés à l'hôpital) : il leur faut bien occuper leurs soirées,
- on a mobilisé des forces importantes (policiers, médecins, magistrat, avocat) pour un incident sans gravité qui méritait au mieux quelques minutes de dialogue, le temps de prendre les adresses des uns et des autres : n'y a-t-il donc pas plus grave? et quel est le coût pour la société (je me demande si l'ensemble de la procédure n'aura pas coûté plus cher que les quelques dégats occasionnés aux véhicules),
- on a encombré la justice puisqu'il va y avoir un jugement au tribunal d'instance dans quelques semaines,
- on a amélioré les statistiques (deux gardes à vue de plus, une affaire réglée), ce qui fera plaisir au ministre,
- on a appliqué le principe du "zéro tolérance", dont je découvre ce qu'elle signifie : l'absence de hiérarchie entre les faits graves et les autres,
- on a enfin créé deux fiches, enrichi le fichier des suspects potentiels, ce qui renforce ma conviction qu'il faut lutter contre le rapprochement des fichiers même si cela peut améliorer le travail de la police et de la gendarmerie.
Je suis sûr que les règles ont été respectées. C'est sur les règles que je m'interroge. Je ne suis semble-t-il pas le seul si j'en juge par ces échanges sur le Forum de la gendarmerie nationale.

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