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La grand-mère de Jade - Frédérique Deghelt

Publié le 10 février 2009 par Clarabel

« Ceux qui écrivent ont une façon si particulière de porter leurs yeux sur ce que nous ne saurions voir. Je suis une lectrice. Je ne serai jamais capable d'écrire le moindre texte, mais quand je lis le roman d'un écrivain, je suis toujours frappée de ce regard singulier : cette façon de saisir la banalité et d'en rendre compte sous un angle insolite, cet art de tisser un lien entre des choses qui n'ont pas l'air d'en avoir. (...) Et si je n'écris pas de roman, mon imagination récrit ceux que j'ai aimés avec un amour respectueux. La part de rêve que m'offre la lecture me révèle une réalité, la mienne. Je ne sais pas ce que trouve l'auteur en écrivant, mais je devine dans ce qu'il tait une réserve où puiser mes plus belles rencontres avec ce que j'ignore de moi-même. »

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A la demande de son père, qui vit à l'autre bout du monde, Jade accepte de prendre sous son aile sa grand-mère Jeanne, victime d'un malaise du haut de ses quatre-vingt ans et rétive à entrer en maison médicalisée. La cohabitation dans l'appartement parisien entre cette jeune journaliste indépendante et cette petite paysanne échappée de son village montagnard donne lieu à une véritable osmose. L'une et l'autre se découvrent un goût commun : les mots. Jade a écrit un roman, qui est refusé par tous les éditeurs, et Jeanne a été une grande lectrice, loin du regard de son entourage. Entre elles, s'engage une discussion passionnante, sur des parcours dissemblables, tel un voyage à travers le temps. Deux femmes s'écoutent et se comprennent. Mamoune va jusqu'à proposer de jeter un oeil au manuscrit de sa petite-fille, en glissant « je pourrai bien t'aider moi » dans un souffle, comme une petite souris qui ne voudrait pas paraître trop envahissante, la prétention d'une donneuse de leçons rangée au placard.

Ce texte est tout le contraire d'un étalage de vanité, ce serait plutôt du genre à chuchoter, à marcher sur la pointe des pieds. C'est un livre désarmant de tendresse ! La connivence entre les deux femmes est bouleversante, s'épanouissant sur un épilogue qui laisse pantois. Mais c'est extrêmement émouvant.

Il y a à travers chaque ligne de ce livre un hommage interminable sur le goût des mots, le pouvoir du livre, la magie de la séduction, et l'éblouissement de la première fois, lorsqu'on découvre une histoire, l'envie d'y être encore et toujours. Ce roman de Frédérique Deghelt est subtil, c'est un vrai tour de passe-passe (surtout concernant la fin). Une fois commencé, ce livre ne vous lâche plus. Il est ensorcelant ! Et tendre aussi, car les personnages sont magnifiques. Tout est beau dans ce roman. Lisez-le ! 

« Je me souviens d'avoir été fascinée par le miracle des bons livres qui arrivaient au bon moment de la vie. Ceux qui parfois tombent des étagères pour venir répondre à des questions que me posait l'existence. (...) J'ai tout vécu, j'ai mille ans et je le dois aux livres. »

Actes Sud, 2009 - 391 pages - 21€

la reconnaissance du jour : « Vous aimez l'accident d'un rêve enseveli dans un roman. Vous aimez que l'écriture accroche la douleur aux ténèbres pour en faire de la lumière. Je le sais, je le sens. »

les avis de Cuné et de Marie


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