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La vie d'un trader mis en lumière.

Publié le 10 février 2009 par Gigi75
Cet article est inspiré de l'interview de Jéome Kerviel à RTL, que vous trouvez ici: http://www.rtl.fr/fiche/3301738/exclusif-rtl-la-premiere-interview-de-jerome-kerviel.html

Le monde de la finance est un monde impitoyable. Voyons ensemble quelques points:

1/ L'enchainement des montants.
Son premier ordre était de 200.000€, et il a tremblé lors du passage de ce premier ordre. Quoi de plus naturel, quand on se représente encore ce que représente cette somme pour un particulier ? Une "petite" somme pourtant, sachant que sur les dérivés, pour être engagé sur une telle somme, il ne faut "que" 10% (voire moins) des montants.... Avec l'habitude, on prend de l'assurance, on oublie le sens de ce chiffre (on ne fait finalement "que" passer un ordre: il n'y a rien de concrêt, tout est virtuel), et les chiffres finissent par ne plus rien dire. On passe alors des ordres machinalement, sans même penser à ce que signifie l'acte. On se déconnecte de la réalité. Et c'est là que ce qui arrive à un particulier et un professionnel diffère:
-  Quand un professionnel "gagne", sa hiérarchie le pousse à prendre des engagements supérieurs, à faire du chiffre, et parfois au delà du raisonnable. La pression du chiffre est impitoyable, et les "invitations à réussir" sont là. Dans le cas Kerviel, il dit que ses objectifs sont passés de 3 millions (2005) à 55 millions (2008)... Croyez vous qu'il y a un secrêt pour magiquement gagner presque un facteur 10 ? Non: il faut des engagements supérieurs, ou des prises de risques plus importante. Il n'y a pas de mystère !
 - Un particulier est limité par ses fonds (on ne lui permettra JAMAIS de dépasser ses engagements, il faut une couverture sans quoi vos positions)

2/ La montée du risque.
- Un particulier, seul derrière son écran, ne va peut-être pas voir le risque. Tout au plus se rendra-t-il compte que son compte bouge plus vite quand il prend un levier supérieur. Il n'est pas controlé, sauf par son broker quand il dépasse ses marges. Si le particulier ne répond pas à ses appels de marge, il est automatiquement "liquidé". Cela le sauve, et sauve le système, puisqu'en cas normal, il devra toujours avoir un solde positif. Les marges sont là pour protéger à la fois l'individu, mais le marché aussi.
- Un profesionnel n'a pas vraiment ces contraintes. Par contre, il est surveillé. Toutes ses opérations sont suivies par  ses supérieurs, et par le back-office. Il est impossible qu'on n'arrête pas des positions perdantes si on le veut, ou alors le contrôle est défaillant, et c'est très grave. Les conséquences sont en effet incalculable quand le risque est pris par un agent institutionnel. Un risque mal calculé, et c'est la chute, ou le renflouement obligatoire. Lehman Brother avait joué avec les CDS, et a perdu: regardez les conséquences... D'autres banques américaines ont aussi été assez "légère", et cela fait plonger tout le système. C'est toute une chaine d'incompétence ou de négligeance qui est en cause.
Pour Kerviel, passer de journée à 50.00€ de gain, à 1 million était considéré comme normal ! Il faut dire que si ses objectifs sont passés de 3 millions à 55 millions, cela se tient: Pour faire 20 fois plus sur l'année, il faut aussi faire 20 fois plus par jour... Par contre, les montants engagés pour obtenir ce résultat devrait être 20 fois supérieurs. Or si l'on parle ne serait-ce que d'un milliard, cela fait un gain de 1 pour mille... rendement extrêmement faible pour le risque pris (s'il "jouait" bien sur le contrat DAX). Le risque pris a donc notablement cru, et ça n'a pas pu passer inaperçu.

3/ La recherche de coupables.
- Quand un particulier perd, c'est son propre argent qui disparait. Il ne doit s'en vouloir qu'à lui-même, puisque c'est lui qui a pris le risque. Le traitement est simple et immédiat: comme ses positions son réduites et que le "surplus" est revendu de force, il n'y a pas vraiment de risque de faillite. Il n'impacte que lui-même (et son entourage, car peu de gens peuvent être suffisement détachées pour accepter de perdre).
- Quand un professionnel perd, sa hiérarchie devrait lui couper l'autorisation de trater sur les marchés, ou tout au moins devrait le suivre pour lui éviter de faire des bêtises. Le contrôle interne aurait dû agir comme un garde-fou également. Au lieu de celà, ce qui me marque dans l'affaire Kerviel, c'est l'absence de "correction", la mise en pature aux média d'un individu. Sa hiérarchie, loin de lui être gré d'avoir gagné de l'argent auparavant, et de travailler honnêtement, loin de reconnaitre ses propres erreurs, enfonce le plus en bas de l'échelle comme un malpropre ! (tiré du passage sur l'image de la voiture "volée") Ce comportement -peut-être reflexe- de l'employeur est détestable: après avoir poussé pour des rendements toujours plus élevés, jète en pature quand cela tourne mal. Est-ce moral ? Où est la responsabilité des chefs, des manageurs ? N'ont-ils pas honte de leurs actes ? Est-ce pour cela que l'on paye la direction si cher ? Pour qu'elle pousse au crime et s'en lave ensuite les mains ?

4/ Le battage médiatique.
Pour que ce soit vendeur, tout journaleux doit pousser le bouchon, dans un sens (accusation) ou dans l'autre (victimisation). Dans cette affaire, les médias ont choisi de faire du sensationnel, en ne respectant pas la vie privée, en mettant en pature un nom et une image pour marquer les esprits. "le poids des mots, le choc des photos" comme dit le slogan d'un journal célèbre. A aucun moment, la recherche de vérité n'a été leur priorité: c'est tellement plus confortable de relayer l'information des puissants. Comment se fait-il en effet que Kerviel découvre dans les journaux et sur Internet ce qui va lui arriver ? Mettez vous à sa place: vous trouvez demain dans la presse votre nom et votre photo en face d'un scandale !! Sans pouvoir vous expliquer, sans "bénéfice du doute" cher en théorie à notre république, vous voilà sur le devant de la scène. Mais où est la présomption d'innocence ? Mais où est le secret d'instruction ? Qu'on informe d'une perte de marché, c'est normal. Mais de grâce, laissez la justice faire son travail, et n'accusez pas pour le simple plaisir de voir grimper les ventes. Kerviel indique pour la première fois que son objectif n'était pas de "briller", mais juste de faire son boulot, contrairement à tout ce qui a été dit !! Il dit aspirer à une vie anonyme. Y a-t-il mensonge ou pas ? C'est clair que la version "média" est plus sexy que la version Kerviel (à laquelle je veux bien croire au moins partiellement, connaissant la pression que l'on peut faire sur les salariés dans certaines circonstances, et à laquelle il est extrêmement difficile de résister: la pression morale existe bel et bien).


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