Préambule
J’aime ça un blogue. J’y allais un peu au feeling. Je surfais entre le grappillage d’autres blogues et mes intuitions/opinions sur la vidéo virale. Pis là je reçois un commentaire. Rufus m’écrit : « Pour résumer, ce qui compte, c'est l'émotion? »
Ben oui! L’émotion…!
Je réalise que je viens bêtement de faire la liste d’épicerie des émotions humaines qui ont fait les choux gras de la publicité classique et des chefs d’œuvres depuis le paléolithique. La création artistique ne change pas avec la technologie. Ce n’est que composer avec les émotions humaines. Une œuvre d’art n’est pas une œuvre d’art si elle ne provoque aucun de nos sens.
Faut croire que je ne suis pas la seule à faire ce constat. Récemment, une savante étude de neuromarketing en arrivait à la même conclusion : « « Il n’y a pas de formule magique pour créer une campagne de vidéos virales à succès. Mais, comme pour tout problème de conception, les chances du concepteur de créer une connexion sont beaucoup plus élevées s’il a de l’empathie pour l’utilisateur. D’une part, il doit savoir ce que celui-ci pense d’un domaine donné, telle que la vidéo virale; d’autre part, il doit comprendre comment celui-ci y est émotionnellement engagé. »
(source: Emotion, engagement and Internet Video )
En résumé, cette étude suppose que ce qui compte c’est l’engagement émotionnel de la celui qui regarde la vidéo. Peu importe la longueur et la qualité de cette vidéo, tant qu’il est engagé émotionnellement, vous avez un potentiel viral.
Rien de nouveau sous le soleil? Y a quand même kèquechose de différent avec le viral. On dirait que chaque vidéo virale frappe une zone du cerveau avec une précision nano-chirurgicale. L’intensité de l’émotion entraîne une excitation contagieuse. Très important de se rappeler que le viral joue sur deux niveaux : il y a d’abord l’émotion ressentie au visionnement de la vidéo puis l’émotion ressentie à l’idée de partager la vidéo. L’une est primaire et ne me concerne que moi en tant qu’individu. L’autres est plus complexe, elle correspond à mon désir d’appartenance et de tisser des liens mais aussi à la manière dont je veux me positionner dans la communauté avec laquelle je désire partager la vidéo.
Bon, je sens que le sujet me passionne et grâce à Rufus, j’en suis à me documenter sur la neurologie de l’art et le neuromarkéting. Ça devrait teinter mes billets d’un air savant –j’ai un baccalauréat en physique alors je plonge toujours dans le discours scientifique avec joie et nostalgie!
Pour certains, c’est un gros péché que d’aborder la créativité sous un angle scientifique. Quand il est question de créativité markéting, on s’imagine le Dr. Frankestein en train de manipuler les pauvres neurones des masses pour vendre du savon mousse mousse rose. Quand il est question d’art, c’est comme si la grosse patte velu du chercheur moderne osait se poser sur le sein virginale de la muse antique. Je ne vais pas argumenter sur ce terrain parce que je préfère laisser Vilayanur S. "Rama" Ramachandran vous démontrer comment art et science font bon ménage. Puis, qu’importe que vous soyez contre le principe, il faut comprendre les outils de la propagande du XXIième siècle.
Pour en revenir à ce qui est mignon
« Le mignon est une sorte d’attrait associé communément à la jeunesse et à l’apparence, mais aussi à un concept scientifique et modèle analytique d’éthologie, d’abord proposé par Konrad Lorentz. » Source wikipédia.
Je reste dans la veine neurologique – quand ça vous prend le génie scientifique ça vous lâche pas. Vous savez qu’il y a un truc dans le cerveau qui fait que l’on réagit positivement lorsqu’on voit des bébés et petits enfants. C’est un mécanisme pour la survie de l’espèce bien sûr. Donc si l’être humain trouve les bébés mignons, c’est par réflexe. Ça s’étend au bébé animal que l’on trouve aussi fort mignon. Le « mignon» est un mécanisme clairement automatique – qui n’a rien à voir avec la nostalgie. Si vous toucher le point précis du cerveau humain qui frémit pour ce qui est mignon, vous avez votre vidéo virale. Attention, à la surenchère. Trop de mignon, c’est comme le glaçage, ça lève le cœur.
Les meilleures vidéos virales mignonnes sont souvent un tantinet surprenantes. Le mignon est sans doute l’émotion la plus désamorcée par le cliché. Déjà vu le petit garçon de 3 ans qui donne une fleur à une petite fille du même âge. Idem pour les chatons, lapineau, canard ou bébés tigres.
L’exemple parfait, c’est ce grand cru du viral :
On aurait tendance à croire que la vidéo virale mignonne est partagée par les jeunes femmes, les mamans et les papas (surtout québécois). C’est sûr que sur le site Macho vidéo, il n’y a pas de section « so cute ». N’oublions pas la seconde émotion générée par une vidéo virale. La tendresse et le mignon, ça n’est peut-être pas l’image que désire dégager le jeune homme qui doit se tailler une place parmi ses confrères de boulots.
Le détournement du mignon risque aussi de faire fureur auprès des adolescents qui essaient de s’extirper de l’enfance. À peu près tout le monde, à l’exception des plus sensible, vont aimer rire de leur réflexe d’empathie pour ce qui est mignon. C’est très efficace pour marquer l’imaginaire d’aller à contresens de l’inclinaison naturelle. Ça donne du pouvoir.
Par exemple cette vidéo, qui joue sur les oppositions gore/mignon:
N’oubliez pas que l’émotion doit être vive. Très percutante. Si vous faisiez un scan du cerveau, il faudrait voir une explosion autour des neurones qui gèrent le mignon. Si on peut oser simplifier aussi grossièrement l’effet d’une vidéo mignonne.
Qu’est-ce qui est mignon?
Au sommet du palmarès se trouvent les bébés, les bébés animaux, les animaux qui ressemblent à des bébés, les tous petits enfants, les toutous/poupées qui représentent les précédents. De manière alternative, une personne âgée peut inspirer le mignon si elle démontre une fragilité et une sénilité enfantine, une personne déficiente inspire quelque chose de mignon. Bref, tout ce qui a besoin d’être protégé stimule les neurones du mignon. Autrement, tout ce qui rappelle les bébés devient mignon. La popularité des « cupcakes » n’est certainement pas étrangère au fait qu’ils représentent un « bébé gâteau ». Il est amusant qu’une émission de télévision mettant en vedette 4 utérus en manque de maternité ait popularisé ce dessert.
Bref, c’était un petit tour du mignon comme étant l’ingrédient no 1 pour assaisonner votre vidéo virale d’émotions. Le mignon est certainement une des manières les plus efficaces de créer un engagement avec votre auditoire. Donc pour les créateurs, n’hésitez pas à vous laisser attendrir et à explorer le faible, le petit, celui qu’on doit protéger, si vous voulez faire un hit de la vidéo virale.
Quelques autres classiques du viral mignon :
Hahaha
Dans le top 10 des vidéos les plus vues sur Youtube… La question pourquoi ce bébé là en particulier? Pour moi ça reste un mystère. J’ai peut-être manqué quelque chose…
Otter holding hands
Cette vidéo stimule un désir d’anthropomorphisation de l’animal. On suppose que les deux petites loutres se tiennent la patte par amour mais un biologiste nous dirait que la motivation est d’un autre ordre.
Ninja cat comes closer while not moving!
Celle-là, ben je ne l’avais pas vu et j’ai tellement rigolée tout à l’heure…
Christian the lion - Full ending
Ce qui est mignon ici, c’est qu’on sait que le lion était comme le bébé de ces deux jeunes hommes. Sinon, ça serait plutôt une vidéo insolite du style deux fous dans la nature vont se faire dévorer par un lion.
Where the Hell is Matt?
Je choisi cette vidéo pour l’émotion qu'elle suscite. Un type ordinaire qui fait le tour du monde en dansant mal… c’est mignon. C’est aussi un peu absurde mais on y reviendra. Reste que faire mignon ça peut-être subtile aussi.
Si vous n’êtes pas encore gavé du mignon, risquez-vous sur le site The Cute Project.
À lire sur le mignon :
The Cute Factor
À lire sur le neuromarkéting:
Scanner les cerveaux pour mieux vendre
La neurologie au service la pub
Viral Video Engagement Is A Serious Game