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Riccione, l’Adriatique et les Songes

Publié le 11 février 2009 par Memoiredeurope @echternach

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Il y a des journées où je me dis que je vais mettre de l’ordre dans les piles de documents qui m’entourent. Presque une année après que j’ai décidé de préparer régulièrement des informations plus directement touristiques pour le site de l’Institut des Itinéraires culturels, je ne manque jamais de rapporter des brochures qui décrivent les beautés échappées de l’histoire, pour nous rejoindre aujourd’hui. Pour être juste, je n’ai pas vraiment à demander, on m’en offre plus que de raison. Et dans la mesure où j’ai franchi quelque cent mille kilomètres l’an passé, il me reste encore beaucoup de piles à effondrer pour les ranger dans les belles boîtes de la bibliothèque à l’Abbaye de Neumünster.

J’ai longé l’an passé au moins trois fois, aller et retour, la côte adriatique. A toutes saisons : mars, mai, septembre, sous la pluie, dans le gris azuré, avec une mer étale et des bateaux à l’horizon quand le printemps semblait aider les insouciants. Mais les plages elles-mêmes me paraissaient un peu élitistes. Ni trop vides, ni trop pleines. A vrai dire, je ne m’en suis pas vraiment soucié puisque je ne m’y arrêtais pas.

Et puis fin novembre, voilà que je suis invité à Riccione. Et pour parler de tourisme culturel de surcroît ! A la fois dans le contexte de l’échange entre la Toscane et l’Emilie Romagne et dans celui du tourisme durable…à l’échelle quasi planétaire !

J’ai à côté de moi le guide intitulé « Rimini and its province. The holidaymaker’s Riviera. The Malatesta Seignory” . Une carte qui se trouve en tête du livre du Touring Club of Italy dessine une platitude convenable, de Cesenàtico jusque Fano, et à égale distance des deux extrêmes : Rimini et Riccione, dans l’aplomb de San Marino, que je ne voyais même pas placé là. Mais voit-on vraiment San Marino, sinon dans les rêves ?  Au fond, je ne voyais pas Urbino où j’ai pris tellement de plaisir, si près non plus.

Un peu de géographie cognitive et réaliste donc !

« Rimini is the seaside holiday capital. This situation is based on the presence of the seaside resorts with first-class amenities, the summer choice of millions of visitors who – as well as the beach and its comforts – are looking for the countless events, night clubs, bars and restaurants and the constant array of entertainment and exhibitions that have transformed the city’s economy and become its fulcrum. This relatively recent phenomenon comes in addition to the vast attraction of Rimini as a city of art, the holder of an outstanding artistic legacy and the product of an eventful history. “

On ne saurait mieux décrire, et en si peu de mots, un long fil bleu qui attire les vacanciers et constitue un phénomène sociologique. Mais quand j’arrive, il fait mauvais ! Les petites ampoules blanches de Noël sont déjà allumées dans la nuit qui tombe tôt et les vitrines de mode, à tous les prix et dans tous styles, me font des clins d’yeux un peu borgnes. Il faut bien dire que les vendeurs jouent aux cartes et préparent les menus de fête !

Je regarde, toujours dans mon guide « The Art Nouveau façade of the Grand Hôtel in Rimini with its pretty nocturnal illumination ».  Je m’attendais en effet à l’essence de la grandiloquence italienne. Du moins c’est à quoi, quelques bribes de souvenirs et la mise en garde de certains de mes amis, m’avaient conseillé d’échapper. Mais comment y échapper, même à un moment où la coquille est vide et une partie des hôtels fermés ? Je ferme les yeux sur les décors de fête noyée et je songe à tous les débordements du cinéma italien.

« C’est à Rimini, dans cette Romagne révolutionnaire et impertinente, que Fellini a vu le jour, en 1920, et qu’il a vécu jusqu’en 1938. Il lui a fallu alors fuir cette ambiance de province et gagner la capitale. Mais Fellini n’a jamais oublié Rimini. Dans « Conter Venise » Régis Debray qualifie la Sérénissime de « rendez-vous le plus vulgaire des gens de goût ». On serait tenté de dire exactement l’inverse pour Rimini. » Une citation venue du Figaro qui s’y connaît en matière de vulgarité et d’annexes lascives des beaux quartiers, parisiens ou romains, sinon vénitiens.

Sans doute, par ces hasards qui n’en sont pas, je trouve dans la seule librairie de Riccione, réservée à quelques habitants frigorifiés et revêtus de fourrure, la publication du « Livre de mes Rêves » de Fellini. Il existe en effet maintenant une Fondation Fellini à Rimini et je vois que, en ce mois de novembre où j’ai frôlé des fantômes, l’exposition « Fellini oniricon – Il libro dei miei sogni » est arrivée aux Etats-Unis, en direction de la cérémonie des oscars 2009. Elle s’est en fait ouverte à Los Angeles il y a quelques jours, fin janvier, lorsque j’écris ces lignes rétrospectives.

« Notti da incubo » ou la grouillante foule du tourisme de masse…“Amarcord; Rimini e famiglia“… dans les souvenirs intimes et secrets..“Giulietta“…la femme aimée.“Tutte queste signore“..plein de femmes aux poitrines et aux fessiers opulents, aux yeux fardés et trop grands qui ne cillent pas et dont les corps débordent de sensualité et débordent tout court…“Sognare e filmare » au cœur de l’oeuvre du poète… « Alter ego, amici e rivali »…dans l’amitié de Mastroianni, de Nino Rota et du diable Pier Paolo Pasolini, au destin tragique.

Qui décrivait Fellini comme un bon père de famille, allongé sur sa chaise longue, un peu comme un retraité, tandis que Giulietta préparait la pasta ? Son producteur de « La Cité des Femmes », souffre douleurs de la Gaumont, Daniel Toscan du Plantier en parle ainsi, je crois. Peut-être par jalousie de constater que de telles images peuvent sortir chaque nuit de la tête d’un homme d’apparence ordinaire.

« Amarcord »…je me souviens !

Le temps passe vite. Je n’ai pas entendu de référence à cette marque indélébile sur la côte que constitue l’imaginaire inépuisable du grand disparu pendant tout le colloque auquel j’assiste et auquel je prends part pendant deux jours. Et pourtant le tourisme culturel n’est-il pas le royaume même de l’imaginaire ?

« L’ambition du voyageur de parvenir à rencontrer l’Autre, est donc à la fois immense, immodeste et, pour tout dire, inachevée. Elle aboutit parfois à un constat teinté d’amertume : « Il n’y a pas de plaisir à voyager. J’y verrais plutôt une ascèse », note Albert Camus. Le projet du voyageur s’en ressent forcément : « Être seul, être pauvre de besoins, être ignoré, étranger et chez soi partout, et marcher, solitaire et grand, à la conquête du monde », recommande Isabelle Eberhardt. Vaste programme pour qui ne voudrait pas se mouiller. »

Ce n’est pas dans le guide du Touring Club italien cette fois, mais dans « Petit imprécis de voyage à l’usage des navigateurs urbains» de Pierre Gras.

A se demander si pour certains, Federico Fellini n’est pas juste le nom de l’aéroport de Rimini ?


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