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Les expulsés des subprimes

Par Philippe Chouraqui

Je ne sais pas vous, mais en dehors du secteur concerné, l’immobilier, la crise des subprimes, je n’y ai pas compris grand chose au début. A écouter les médias, encore aujourd’hui, c’est une énorme crise boursière, avec des établissements bancaires en danger de faillitte, notamment en Allemagne, la chute de toutes les places boursières, … En somme, cela se résume à des pertes d’argent. Avez vous entendu autres choses sur les ondes ?

C’est étonnant parce qu’il me semble qu’un autre point est tout aussi important. Mais revenons d’abord sur la définition des subprimes : aux Etats-Unis, les crédits font partis de leur culture, et les américains n’hésitent pas à s’endetter à des niveaux qui dépassent largement les standards européens. Depuis 2002, la banque centrale américaine a favorisé le crédit facile pour relancer l’économie, permettant ainsi à un nombre important de foyer modeste de devenir propriétaire. Ces emprunts à risque (subprimes) sont accordés à des taux variable dépendant de la valeur du bien immobilier concerné, ce dernier étant mis en gage en contrepartie. Pour simplifier, plus la maison a de la valeur, plus le taux d’intérêt est bas. Lorsque la maison perd de sa valeur, les taux d’intérêt augmente, pouvant atteindre des niveaux de plus de 18%.

Avec la crise immobilière américaine depuis le début de cette année, la valeur des maisons achetées avec des subprimes a fortement baissé, provoquant l’augmentation des remboursements mensuels des propriétaires, passant parfois de 400$ à plus de 1500$. Vous imaginez que les familles modestes ne peuvent en aucun cas faire face à de telles augmentations, et sont, par conséquent, expulsées de la maison, mise en vente par le prêteur. Et comme tout le monde fait de même, les biens se déprécient encore davantage, et le créancier est à son tour dans des difficultés financières.

Mais ce qui me paraît encore plus inquiétant que certains bonus qui ne seront pas délivrés cette année, ce sont toutes ces personnes qui vont se retrouver sans toit très rapidement. On en estime le nombre entre 1 et 3 millions aux Etats-Unis ! Conscient que “ces personnes risquent de perdre leur logement non pas parce qu’elles ont perdus leur emploi ou parce que l’économie s’est effondrée, mais parce qu’elles ont eu de mauvaises conditions d’emprunt“, Christopher Dodd, président du comité bancaire du Sénat américain fait actuellement pression sur le président de la Fed, Ben Bernanke, et du secrétaire au Trésor, Henry Paulson, pour que le gouvernement fasse tout son possible pour que ces personnes gardent leur logement.

Des outils financiers ont été fabriqués pour attirer ces gens modestes, mais la mine d’or que représentaient ces établissements prêteurs lorsque le marché de l’immobilier était en forme a manifestement supplanté une réflexion sur les conséquences d’une crises immobilière sur ces outils.

Il me semble évident que ce ne sont pas aux personnes, bien qu’elles connaissaient pour parti les risques de leur emprunt, à assumer aussi gravement les conséquences de ce vent de panique. Les banques centrales ont réagi de manière très rapide en injectant des sommes incroyables pour que le casino boursier continue de fonctionner, j’espère vivement que le gouvernement US sera aussi réactif sur le plan social.


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