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« Henri Weber ou comment désespérer la Gauche » par Reynald Harlaut

Publié le 13 février 2009 par Gezale
Je suis membre du Parti socialiste. J'ai été candidat aux élections municipales et cantonales à Louviers sous l'étiquette de ce parti. De Gauche, je le suis depuis ma jeunesse, depuis ma rencontre avec Ernest Martin et Henri Fromentin et leur politique municipale. Je pense sincèrement que le PS représente aujourd'hui pour les Français une alternative crédible au pouvoir actuel, surtout avec Martine Aubry à sa tête, mais je sais aussi qu'il existe ailleurs qu'au PS, des militants sincères. Reynald Harlaut est de ceux-là. Il m'adresse un texte sévère pour Henri Weber et le Parti socialiste. Je le publie car mon blog peut, doit être aussi un moyen d'expression pour ceux qui n'ont ni le temps, ni la chance de se lancer dans l'aventure éditoriale. Je le publie aussi parce qu'il est une contribution au débat légitime à Gauche.
« Anne Leclerc membre du Comité directeur du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) et Henri Weber (notre photo) député européen PSE (Parti socialiste européen), membre du Bureau national du Parti socialiste, étaient lundi soir 9 février les invités du journaliste Arnaud Ardoin dans son émission «Ça vous regarde» sur LCP (La Chaîne parlementaire), accompagnés d’Emmanuel Rivière, directeur du service politique de l’institut TNS Sofres et de Christophe Bourseiller, journaliste et écrivain, professeur à l’Institut d’études politiques, présenté comme spécialiste de l’Ultra-gauche. Le thème de l’émission était : « Du nouveau à gauche ? ». Mais, le Congrès constituant du Parti de gauche datant d’une semaine, sans doute ne devait-il plus déjà être une nouveauté dans l’esprit du journaliste, d’où l’absence de tout représentant de ce parti au débat.
Disons-le nettement, à la question que posait Anne Leclerc : « Quelle alternative politique au capitalisme peut-on reconstruire à gauche ? » — la seule et vraie question qui se pose aujourd’hui non seulement aux Français et Européens que nous sommes, mais à l’humanité tout entière face au champ de ruines que laisse le néolibéralisme mondialisé —, le député européen Henri Weber n’a aucune réponse à apporter, ou plutôt, il en a une dont il n’a pas dit grand-chose. Nous verrons laquelle et pourquoi.
Certes, la force du discours du NPA se situe davantage dans la critique du capitalisme que dans les propositions concrètes à mettre en œuvre pour démarrer une politique alternative capable de s’y substituer. Or, nous l’affirmons, il faut mettre un terme à ce capitalisme sauvage qui broie les salariés et les classes moyennes, les spolie des richesses qu’ils créent, met en coupe réglée la planète au seul bénéfice de quelques uns et veut de surcroît leur faire payer la crise dont il est le seul responsable.
Mais ces militants sont courageux et respectables. Et eux, ne baissent pas les bras devant la tâche immense qui nous attend. C’est pourquoi balayer leurs idées d’un haussement d’épaules ou d’un revers de la main comme l’a fait Henri Weber n’est pas acceptable. Où se situe l’archaïsme lorsqu'est établi le constat de la situation où nous a menés le capitalisme ? Chez ceux qui veulent en sortir ou chez ceux qui osent encore s’en faire les avocats ?
Quelle fut donc en substance la réponse d’Henri Weber à cette question ? Elle apparaît en creux dans ces quelques phrases à l’adresse d’Anne Leclerc, reproduites mot pour mot, et que ne renieraient pas un François Fillon ou un Xavier Bertrand : « Mais dans quel monde voulez-vous qu’on vive ? On sait que vous êtes anticapitalistes. Vous êtes pour quoi ? Quel est votre projet alternatif ? Quel est le système économique et politique qui remplace cela… ? C’est la collectivisation des entreprises ? C’est la planification de l’économie ? On a déjà vu ce que cela donne… »
Car, manifestement, dans l’esprit d’Henri Weber, il n’est d’autre socialisme possible que celui dont on vit au XXe siècle la caricature se développer dans l’ex-URSS ou encore à Cuba. « Laisser à croire au peuple que le socialisme, le vrai, arrivant au pouvoir, ce serait… », comme le disait en souriant l’autre soir Jacques Généreux à l’un de ses contradicteurs dans l’émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais, sur France 3, « …la nationalisation de l’économie jusqu’aux salons de coiffure et aux épiceries de quartier, est l’épouvantail que la droite va de nouveau agiter ». Mais qu’un membre du Bureau national du Parti socialiste, ancien trotskiste de surcroît, s’en empare, pas ça, pas lui !
Lorsqu’il existait encore dans les pays européens un rapport de forces relativement équilibré entre l’État, les syndicats et le patronat, la richesse produite se partageait plus ou moins équitablement entre travail et capital. Le pouvoir d’achat progressait et avec lui les conquêtes sociales. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. C’est même exactement l’inverse, la richesse produite étant presque totalement confisquée par les actionnaires.
Nationaliser demain les banques qui toutes, ne se contentant pas d’être banques de dépôt, sont devenues banques d’affaires et n’ont eu pour seul objectif que d’enrichir le plus vite possible et par tous les moyens elles-mêmes, leurs dirigeants et leurs actionnaires, ne serait que justice dans la mesure où elle ont besoin de l’argent public pour se renflouer. Nationaliser l’eau, l’énergie, les transports, tout ce qui constitue des biens vitaux, pour les remettre au service de l’intérêt général et des citoyens ne serait-elle pas une impérieuse nécessité ? Des pans entiers de l’activité de ce pays se situent dans des secteurs non concurrentiels : l’éducation, la culture, la santé que Nicolas Sarkozy veut privatiser. Quant à la planification dont la seule énonciation du mot semble révulser M. Henri Weber comme s’il s’agissait d’une infamie, sans elle, aurions-nous connu Airbus, la fusée Ariane et le TGV ?
Le capitalisme est par nature incapable de défendre l’intérêt général et d’avoir la vision à long terme sans laquelle il est vain d’espérer changer la société pour la rendre plus humaine et plus juste. Et pour faire face à la crise qui se développe, c’est de davantage de solidarité et donc de service public dont nous allons avoir besoin.
Mais Henri Weber ne s’inscrit pas dans cette logique là. Il a souscrit, avec le Parti socialiste et le PSE (Parti socialiste européen) dont il est membre, au manifeste de Madrid de janvier 2009, lequel dans son introduction – et rajouté au dernier moment –, pose comme préalable indispensable à toute action, la ratification du Traité de Lisbonne par tous les pays de l’Union européenne et sa mise en application. Or, nous savons que le Traité de Lisbonne, version à peine travestie du Traité constitutionnel européen d’essence néolibérale auquel les Français ont dit non le 29 mai 2005, exige « la concurrence libre et non faussée et la libre circulation des capitaux » y compris vers les paradis fiscaux, et interdit l’harmonisation fiscale, sociale et environnementale. Tout ce que refuse l’autre gauche : le Parti communiste, le Parti de gauche, le Nouveau parti anticapitaliste, les Alternatifs, etc… S’il venait à gouverner demain, le Parti socialiste renierait-il l’engagement qu’il a fait sien d’y souscrire en signant ce manifeste ?
La social-démocratie, dont Henri Weber est un des représentants, n’est donc plus comme le dit si bien Jean-Luc Mélenchon, que l’hôpital de campagne du capitalisme où l’on administre les calmants pour tenter de soulager la souffrance de tous ceux qu’il a laissés hier, qu’il laisse aujourd’hui et qu’il laissera demain sur le bord du chemin. Partout en Europe où la social-démocratie est au pouvoir, elle s’est alliée pour gouverner avec la Droite, quand ce n’est pas comme en Autriche avec l’Extrême droite. Avec les brillants résultats que l’on sait.
Et c’est ce qui fait à ce jour la désespérance du peuple de gauche parce que cette social-démocratie qui a renié progressivement toutes les valeurs du socialisme n’est porteuse d’aucun espoir ni d’aucun avenir. Face à cela, se constitue le Front de gauche que proposent le Parti de gauche et le Parti communiste sur une plateforme commune autour de quelques principes simples et par tous compréhensibles. C’est le non au Traité de Lisbonne ; c’est la primauté de la politique sur l’économie : rien n’est inéluctable ; il existe des solutions pour sortir de la crise et changer le monde ; c’est le refus de cette société qui n’a pour seul objectif que de produire chaque jour davantage n’importe quoi, n’importe comment et n’importe où pourvu que cela continue d’enrichir quelques uns.
Ce front qui ne demande qu’à être élargi est porteur d’un réel espoir. Et pour commencer, l’espoir de battre la Droite et Sarkozy aux prochaines élections européennes en lui infligeant le camouflet qu’ils méritent pour s’être assis sur la volonté des Français exprimée au référendum du 29 mai 2005 ; l’espoir, avec d’autres, de construire une autre Europe, plus solidaire, plus juste, enfin démocratique, et qui ne soit plus comme elle est aujourd’hui, l’Europe exclusive des ultra-libéraux avec pour corollaire le dumping social et écologique. Le succès des premiers meetings de Frontignan et de Marseille en apporte la démonstration.
Reynald Harlaut

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