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Le libre-échange c’est la paix

Publié le 13 février 2009 par Vogelsong @Vogelsong

“Le protectionnisme c’est la guerre !” C’est en mode automatique que les laudateurs du libre-échange abordent la question du commerce international et de ses effets sur les peuples. La juste appréciation de la situation devrait conduire à repenser le modèle de développement, au lieu de prendre des postures.

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Dans le Landerneau économique, tout ce qui n’est pas libéral et libre-échangiste* est affublé de populiste. La seule réalité qui vaille pour l’économie est le modèle de la spécialisation d’A.Smith (1723-1790) et des avantages comparatifs (D.Ricardo 1722-1823). La modernité qu’incarne C.Saint-Étienne par exemple, conseiller du prince F.Fillon, repose sur des vestiges idéologiques vieux de plus de deux siècles. La question n’est pas d’éliminer a priori les potentialités du libre-échange. Dans certaines conditions, l’ouverture des frontières et la spécialisation ont un effet stimulant sur les économies en favorisant le développement.
“Impensée” actuelle, le protectionnisme indispose l’intelligentsia, incapable de juger froidement des effets de la globalisation sur la vie des populations. La raison en est limpide, cette catégorie fait partie de la minorité qui tire bénéfice de ce contexte. La remise en cause de tels préceptes entraîne au mieux la condescendance, au pire l’anathème sur le nazisme et le “va-t-en-guerre”. Le socialiste P.Lamy, éminent historien de l’OMC, pérore que la Seconde Guerre mondiale est le fruit du protectionnisme qui suivit la crise spéculative de 1929. Raccourcit lacunaire qui oblitèrent les événements historiques antérieurs à la dépression. Les guerres successives (franco-allemandes), les paix “ratées”, les ressentiments nationaux ne sont pas ou peu débattus. En tout cas écartés lorsqu’il s’agit de traiter le sujet.
L’imposture idéologique se poursuit dans les diagnostics de la crise. La pensée molle qui est distillée dans les organisations internationales (FMI, OMC, Banque mondiale) continue de prôner une politique de l’offre. Selon ces “sachants”, le manque de compétitivité est le problème principal de la stagnation voire de l’effondrement de certaines économies. C.Saint-Étienne déclare “Les gens préfèrent acheter un Volkswagen à une Peugeot, c’est là le problème“. On tourne en boucle dans la même logique, tel un rongeur dans sa cage. De plus, on affirme placidement que les krachs successifs sont dus à une pratique dévoyée du sacro-saint libéralisme. Hémiplégie idéologique, car la réalité est tout autre. C’est notamment oublier que la demande crée les débouchés, que les salaires servent à acheter des produits fabriqués. La crise des “surprimes” est le symptôme du dérèglement et d’une inadéquation entre ce que les populations veulent consommer, en cela bien accompagnée par la communication publicitaire, et ce qu’ils peuvent intrinsèquement acheter. Après 40 années de compétition acharnée et de compressions salariales, la capacité à écouler des stocks de marchandises (souvent inutiles) se trouve tarie. Pour continuer à faire fonctionner la machine à croissance, on a recours au crédit. Jusqu’à l’apoplexie.
La course économique effrénée sur des bases sociales asymétriques conduit inévitablement à la catastrophe planétaire. On a mis en concurrence les entreprises et les salariés du globe. S’organise le conflit de chacun contre chacun où les dégâts sont épouvantables. L’argumentaire selon lequel le libre échange a permis à des millions de gens de s’extraire de la pauvreté est une escroquerie de la “bien-pensance”. Tout d’abord, l’objectif des libéraux n’a jamais été de faire sortir de la misère les populations du tiers-monde, mais d’en exploiter les bras (et aujourd’hui les cerveaux) au moindre coût. Quand l’opportunisme se mue en humanitaire…D’autre part, on est loin des résultats idylliques présentés par les zélateurs du commerce mondial. C’est tout d’abord une vision partiale de la situation. L’amélioration des conditions de vie n’est pas le simple fait de l’accentuation des échanges commerciaux. Les transitions démographiques, l’alphabétisation ont aussi une part dans le décollage de certaines zones. Approche partielle, car on ne peut affirmer, sauf quand on est économiste-éditorialiste ventru, qu’aucun autre modèle de développement n’est possible hors du libre échange. Pourtant, on doit conjecturer sur les résultats d’une politique de régulation, hors des préceptes du consensus de Washington. J.Ziegler déclare : “Selon les tenants de cette théorie, seul un marché mondial totalement libéralisé et privatisé peut éliminer la faim et la malnutrition dans le monde. Les faits prouvent le contraire. La libéralisation et la privatisation ont progressé rapidement dans la plupart des pays au cours des dix dernières années. Dans le même temps, ceux qui souffrent de malnutrition grave et chronique n’ont jamais été aussi nombreux dans le monde“. L’état du monde “après” le libre échange n’est guère reluisant, toutes les 5 secondes un enfant meurt de faim (sur la planète, 857 000 000 de sous-alimentés en 2006, 842 000 000 en 2005)*.

Les mesures visant à réguler les flux internationaux sont d’emblée perçues comme des actes belliqueux. La communication libérale se drape dans l’harmonie et la pacification que produirait l’émulation économique. C’est une vaste plaisanterie qui ne fait plus illusion. L’économique internationale est essentiellement fondée sur le rapport de force. Dans l’économie de marché dérégulée, quoi qu’en dise P.Lamy, le plus fort broie le plus faible, impitoyablement. Un système général basé sur la cupidité, l’approche court terme, le chômage de masse, la baisse délirante des coûts, l’annihilation de son concurrent quel que soit le moyen, ne peut être qualifié de pacifique ou d’harmonieux ou même d’humain. Le libre-échange, c’est la paix ?

*”L’empire de la Honte” J.Ziegler
**sur le sujet l’intellectuel de l’UMP P.Devedjian se déclare “seulement” échangiste (sic)


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