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L’appel des appels : compte-rendu de la journée du 31/01/09

Publié le 15 février 2009 par Colbox

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Appel des appels
Culture, Éducation, Santé, Justice, Journalisme…
Acter par la parole le malaise contemporain
Journée du 31 janvier 2009 au « 104 »

http://www.appeldesappels.org/
Compte-rendu par Nathalie PLET,
étudiante en Sciences Humaines et Cliniques Paris 7,
professeur des écoles
Notes — non exhaustives — au plus près de la parole des intervenants

Ouverture de la journée par Robert CANTARELLA, metteur en scène et directeur du « 104 »
R. CANTARELLA se dit heureux de recevoir ici cet appel dans ses murs, lieu ouvert depuis octobre et destiné à recevoir des artistes durant leur parcours de création (19 ateliers).
Il témoigne pour sa part de son inquiétude devant les politiques culturelles en place et pointe par exemple la demande institutionnelle de la mise en place de « pôle d’excellence ».
Sa direction n’ira pas dans ce sens. « Je rêve du partage public. Je crois à la transmission. » C’est avec joie et enthousiasme qu’il a répondu à l’initiative de Roland GORI et Stefan CHEDRI, psychanalystes, pour accueillir et rendre la parole aux sujets et citoyens.
La parole est donnée à Roland GORI, professeur de psychopathologie à l’Université d’Aix-
Marseille, psychanalyste

R. GORI nous confie le mobile de son action : réagir à ce qu’il ressent comme un grand chagrin, une profonde tristesse accompagnés de signes de colère.
« Je pensais organiser un séminaire à 100-150 personnes, or une fois l’appel mis en ligne c’est 54 000 personnes qui l’ont signé ! Nous sommes en présence d’un malaise de la civilisation. Il s’agit dès lors de se donner le temps de penser, partager des expériences, revisiter le concept de vivre ensemble car il devient problématique. »
« Le grand corps social est malade poursuit-il, faisons en sorte que ces désespérances puissent se transformer en espoir. Nous ne voulons pas souffrir pour rien, souffrir de ces valeurs cyniques. Cet appel des appels peut-être le passeur de ces chagrins, chagrins imposés par des exigences et imposés à des existences. » R. GORI pose alors la question du pourquoi ça souffre ? Certains luttent contre ses dispositifs de « conformisation » sociale alors que d’autres laissent les contraintes prendre le pas sur les pratiques. Qu’est-ce qui fait que malgré de forte mobilisation et contestation, le mépris et la haine de la pensée soient les seules réponses ? (La question de l’aliénation de
l’individu pris dans le groupe posée dans Psychologie des foules et analyse du moi, Freud 1921 est ici d’actualité… tout comme celui de désobéissance civile, point sur lequel les intervenants auront des points de vue divergents. Question qui fera largement débat en fin de journée. Quelle est alors la légitimité de la violence symbolique exercée.) « La civilisation ultra-libérale est imposée.
Nous voulons vivre humain, humain qui accepte, qui accueille… Il s’agit aujourd’hui de pointer ce qui ne va pas. Qu’est-ce qui a conduit à accepter, subir ces exigences ? »
« À tous les repas pris en commun nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide mais le couvert reste mis » conclut-il en citant René CHAR.
Stefan CHEDRI, psychanalyste, enseignant à l’université de Paris 4
« Il s’agit aujourd’hui d’une rencontre de réseaux, de coordination, d’une rencontre avant tout transversale. »
Modérateur lors des échanges à la tribune, S. CHEDRI précisera à l’issue des riches et parfois houleux témoignages apportés tout au long de la journée, la direction pressentie par ce rendezvous.
Voir en fin de texte « Les perspectives ».
Cahier à charges
du malaise contemporain
Qu’est-ce qui ne va pas dans l’information ?
Élisabeth WEISSMAN, journaliste et essayiste

— la réforme de l’audiovisuel
— la menace à l’encontre des journalistes de RFI (Radio France Internationale) 200 suppressions
de postes
— menace de privatisation de l’AFP (Agence France Presse)
— précarisation des pigistes.
« Les libertés sont piétinées, pour exemple, certains journalistes souffrent de ne pouvoir être libre
de se référencer à des oeuvres littéraires, on leur répond que ce n’est pas nécessaire, que cela
n’intéresse pas le lecteur… »
Edwy PLENEL, fondateur de Mediapart, Appel des 6 devenu l’Appel des 7
(rejoint par Libération)

« Oui il s’agit de sortir du chagrin politique, de ce mélange des genres entre liens des industriels et
du Président. »
E. PLENEL vise ici spécialement l’offensive contre l’audiovisuel public, avec complicité tacite.
Il s’agit de « sortir de cette déploration en comprenant ce qui nous arrive »et de« rester fidèle à ce
que l’on fût en reprenant par le début » argue-t-il en citant MERLEAU-PONTY.
Sur la question démocratique :
« La Gauche s’est accommodée, j’appelle à revoir une révolution démocratique, vaincre ce poison
bonapartiste qui ramène le pouvoir à un seul. Le clientélisme n’est pas né de Nicolas SARKOZY,
déjà le cas sous CHIRAC et MITTERRAND ».
Le journalisme dans ce contexte :
« L’information est un droit or l’information est-elle encore le chien de garde de la démocratie ? La
question de la vérité se pose. Au sens de HANNAH ARENDT, c’est le retour à une vérité factuelle qui
est à l’oeuvre aujourd’hui (Vérités et politiques, H. ARENDT, 1967) ».
Création de nouveaux contre-pouvoirs :
« Il y a eu l’Appel de la Colline, neuf points appelant à l’indépendance, le pluralisme.
Le numérique peut aussi être une chance, un lien de ressourcement démocratique (discussions en
ligne, journaux, qualités des contenus, lien entre les journalistes, foisonnement démocratique). »
Cécile BROUSSE, administratrice de l’Institut national de la statistique et des
études économiques

Action déjà menée : Pétition « Sauvons la statistique publique, l’INSEE ».
« La mesure statistique doit rester indépendante, elle est garante de la démocratie.
Les statistiques produisent une information stable et fiable disponibles pour tous et fournissent
aux chercheurs des données fiables, stables pour élaborer leurs travaux or cette garantie est
menacée. Des pressions sont exercées.»
— limogeage de son président, une première depuis sa création en 1946
— délocalisation programmée (sont à Malakoff) à Metz. On sait que seul 10% du personnel suivrait,
ce qui veut dire que ce sera « l’occasion » de renouveler le personnel, plus flexible et avec
moins de déontologie
— remise en cause de sa crédibilité démocratique
— moyens affaiblis.
Ce qui ne va pas dans la culture ?
Marie-José MONDZAIN, directrice de recherche au CNRS

« La culture est un enjeu politique de première grandeur, c’est aussi de la défense de la joie et de
la création dont il s’agit ! Le monde du cinéma est en joue et aux prise avec une ploutocratie (le
règne de l’argent détenu par quelques uns) et le règne de la peur… Peur de l’art, des forces invisibles
des énergies créatrices. Éliminer la culture en la soumettant à une logique du profit.
La défense du spectateur est en jeu au même titre que la défense du citoyen. C’est ensemble que
nous pouvons développer notre capacité à sortir du chagrin » conclut-elle.
Robert CANTARELLA
R. C. regrette le démaillage entre culture, école, prison qui existait en France. Il s’agit de retresser
les concepts.
Cahier des charges
— menace de la création de pôle d’excellence
— menace du statut d’intermittence, obligation d’apparaître, ce qui nous tue à petit feu, l’intermittent
crée pendant qu’il disparaît de sa scène, c’est un besoin cette alternance apparaître, disparaître.
Ce spectacle vivant vit de son invisibilité pour mieux se voir plus tard…
Denis GHERBRANDT, documentariste
D. G. pose la question du regard, la nécessité confisquée de produire un regard sur nous-mêmes.
Cahier des charges
— mise en place d’une télévision dans un code qui ne peut plus bouger
— enfermement dans le ghetto des festivals
— asservissement de la télévision et du culturel. Un travail important a été cassé pour faire 2 millions
d’économie
— attaque d’une culture de l’émancipation (un regard n’existe que s’il revient).
Licia EMINENTI, réalisatrice, scénariste
Signataire du texte « Avis de tempête » manifeste de la SRF (Société des réalisateurs de films).
L. EMINENTI nous invite à fédérer toutes les énergies. « C’est essentiel à un moment où tout se
divise, pour désunir ce qui fait l’homme. Le corporatisme divise, les grèves on ne les voit pas. »
Cahier de charges
— baisse de crédit pour l’action culturelle, moins 30%
— perversion des circuits industriels : ils demandent aux forces créatrices ce qu’ils doivent produire
! (Alors qu’ils ne respectent les créateurs puisque les précarisent, les cassent. C’est vouloir
notre énergie à bas prix.)
« Il nous faut trouver le courage de dire non. »
L. E. conclut également sur une citation de René CHAR « Impose ta chance… va vers ton risque, à
te regarder ils s’habitueront ».
Marie-José MONDZAIN
« Il ne s’agit pas d’être contre l’argent mais de sauver ce qui n’a pas de prix. »
Qu’est-ce qui ne va pas dans la justice ?
David DE PAS, juge d’instruction, membre du bureau national du Syndicat de
la magistrature

D. D. P. apporte un témoignage des plus alarmants et affirme l’importance d’être présent ici à cet
appel des appels. Il souligne combien il est important de rester mobilisé et combien il est urgent
que les citoyens se réapproprient les libertés publiques.
« Le recul obtenu sur le fichier EDVIGE n’auraient pas eu lieu si différents secteurs ne s’étaient mobilisés
ensemble. Il y a état d’urgence pour les citoyens de se réapproprier les libertés publiques.
Pour contrer ses atteintes, nombre de magistrats choisissent de s’inscrire dans la mobilisation collective
avec les autres acteurs. »
Il nous rappelle le rôle du juge : gardien des libertés individuelles, il protège le citoyen contre l’arbitraire
or nous assistons à une attaque de l’indépendance de la magistrature.
« Les tentatives de domestication ne sont pas nouvelles mais la pression exercée est sans précédent.
Nous assistons à une concentration des pouvoirs aux mains d’un seul avec le prétexte fallacieux
de renforcer les droits de la défense ! »
Cahier des charges
— réforme de la carte judiciaire : suppression de 200 tribunaux d’instance alors que constituaient
une justice de proximité. Il s’agit sciemment d’éloigner le Service Public du citoyen
— pressions sur les juges des enfants : remise à l’ordre pour des propos d’audience, déplacements
par le Garde des Sceaux
— suppression des juges d’instruction
— paupérisation de la justice avec baisse des fonctionnaires et des magistrats avec pour corollaire
le rendement et la pression statistique
«Le pouvoir n’a de cesse de baisser le pouvoir social. »
— empilement des textes répressifs, augmentation des textes régressifs
— instrumentalisation de la justice pour frapper plus fort
— rétention de sûreté : autorise l’enfermement à vie sur le simple diagnostic de dangerosité
— généralisation de poursuites contre les militants pour refus de prélèvement d’empreintes ADN
— disproportion de l’affaire Tarnac (deux mois et demi après l’interpellation de neuf personnes soupçonnées
d’avoir saboté des lignes SNCF, et leur mise en examen pour association de malfaiteurs
à visée terroriste, le dossier comporte de nombreuses zones d’ombre…)
— des propos peu acceptables nous alertent comme ceux tenus par un procureur local prétextant
qu’«Il s’agit de créer une bonne insécurité » !
« Il est urgent que les citoyens se réapproprient les libertés publiques », conclut-il.
Serge PORTELLI, magistrat, vice-président du Tribunal de grande instance de
Paris, membre du Syndicat de la Magistrature

« Une pathologie s’installe : l’État limite ! Ce règne, cette idéologie nous pousse jusqu’à l’extrême
limite de ce que l’État de Droit peut tolérer. Nous sommes à l’extrême limite de la démocratie. »
Les réformes révélatrices
— faire juger les fous ! Cette réforme reçoit l’opposition des juges car révélatrice de cette difficulté
à cerner la limite. Violer ce principe fondamental qu’on ne peut pas juger quelqu’un qui n’a pas
tout son sens, on essaye de l’abolir
« On nous demande d’aller au-delà des limites de ce qu’est l’État de Droit. »
— atteinte à l’article 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui fonde la présomption
d’innocence ordonnant à l’État de ne pas déployer la violence plus que nécessaire, or, trop
de gardes à vue dont la fin serait aussi d’aligner des statistiques en fin d’année ont pour motif de
faire peur aux citoyens. C’est un dépassement décomplexé de cette violence légitime, nécessaire
de l’État.
177 000 gardes à vue
35 000 gardes à vue de plus chaque année
64 000 détenus en France, une augmentation sans précédent
25 000 à 30 000 reconduites à la frontière dont on se vante
— de plus en plus de malades mentaux incarcérés : imposé aux hommes de la justice et de la santé
— N. SARKOZY a prononcé un discours devant la Cour de Cassation alors que cela ne s’est jamais
fait auparavant dans l’histoire (la stratégie du choc, du paraître, de la déstabilisation, de la toute
puissance) et a dit aux magistrats « voilà mon bon droit, voilà votre loi… », certains ont applaudi à
la fin de son intervention, d’autres non et ont rétorqué à N. SARKOZY la création des États Généraux
du droit. Ils se tiendront le 21 mars.
Qu’est-ce qui ne va pas dans la prévention et le travail
médico-social ?
Marie-Laure CADART, médecin, anthropologue

M.-L. CADART dénonce l’utilisation de méthodes dites de prévention contraires à l’éthique et encourage
à l’utilisation d’autres possibles.
Elle se réfère à la pétition « Pas de zéro de conduite ».
Cahier des charges
— refus des médecins en PMI (Protection maternelle et infantile) d’établir des examens médicaux
sur des enfants de 3 ans en vue de recenser les risques de délinquance future ! Non au bébé prédélinquant
!
— cortège d’évaluations calquées sur le monde de l’entreprise avec pour but la désignation de
population à risque
— entretien des couples lors de grossesse, entretien systématisé aux allures d’instrument de
contrôle social
— des crèches clés en main.
Christine BELLASCABANE, pédiatre, anthropologue, vice-présidente du SNPMI
Elle se réfère à l’action « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans ».
« La prévention médico-sociale, idéal se voit sacrifiée sur l’autel du tout sécuritaire.
Le focus est mis sur la protection de l’enfance. La maltraitance prend le pas sur l’accompagnement.
Le dispositif d’écoute est dégradé. Les fondamentaux de l’accompagnement social sont
mis à mal. On a parlé de chagrin, je rajoute, on tombe dans la pitié, l’État de Droit ne fait plus son
travail. »
Cahier des charges
— destruction des réseaux d’aide
— l’heure est plus à la stigmatisation, à l’évaluation plus qu’à l’évolution rendue possible par un
dispositif d’écoute durable et spécialisé (ex. de stigmatisation avec le passage obligé par la maison
du handicap)
— imposture de l’intégration des enfants handicapés : sont mis en poste pour les accompagner
des auxiliaires de vie peu ou pas formé et souvent virtuels !
— vaccins uniquement possibles pour les parents en possession d’une mutuelle.
Laurence CROIX, maître de conférences à l’université Paris 10, membre
active RESF Paris

« La dictature en France fait sa place doucement… »
Cahier des charges
— 300 enfants dès la naissance mis en prison
— 80 personnes par jour reconduites à la frontière
— désignation des sans-papiers comme des terroristes ou des anarchistes.
Laurent MUCHIELLI, directeur de recherches au CNRS (Sociologie)
« Ce qui nous réunit, une colère face à une idéologie sécuritaire : on nous présente le monde fait
de menaces et de désordres. Créer la peur. Identifier et faire taire. Nous assistons à une VIGIPIRATISATION
DE LA SOCIÉTÉ, UNE SOCIÉTÉ POLICIÈRE.»
Qu’est-ce qui ne va pas dans l’Éducation ?
Philippe MEIRIEU, professeur de sciences de l’éducation à Lyon 2

« L’institution scolaire devient une usine à gaz. Nous devons refuser ce terme de réforme, elles
nous sont imposées. La logique libérale mise en avant a sciemment provoqué la dégradation des
conditions d’enseignement, une casse pensée, voulue pour montrer que l’école publique ne marchait
pas, qu’il faut la réformer. Ph. MEIRIEU dénoncera ce libéralisme de technocratique sécuritaire
: exercer un contrôle pour faciliter l’achat dans les supermarchés ! »
« L’heure est à considérer l’intérêt commun au-dessus de notre intérêt individuel. Reprenons l’idée
du Conseil National de la Résistance » conclut-il.
Alain REFALO, professeur des écoles
A. REFALO est sous le feu de l’actualité depuis qu’il a refusé de participer au démantèlement de
l’Éducation Nationale, à la mise en place d’évaluations prédictives (refus de se déclarer gréviste
48h avant, comme le prévoit une circulaire du 11 septembre 2008, refus d’alimenter des bases de
données élèves de données personnelles. Le Ministère de l’Éducation Nationale a en effet mis en
place dans les écoles un traitement automatisé de données à caractère personnel “Base élèves
1er degré”. L’objectif du ministère est « d’apporter une aide à la gestion locale des élèves, d’assurer
un suivi statistique des effectifs d’élèves et de permettre un pilotage et un suivi des parcours
scolaires des élèves ». Or bon nombre d’enseignants voient dans cette de mise en place du livret
de compétences un passeport vers l’emploi magnétisé ! Dans un premier temps, 1500 écoles ont
expérimenté le dispositif. Depuis le 1er janvier 2006, toutes les écoles peuvent entrer dans l’expérimentation
sur la base du volontariat. La généralisation devrait se faire d’ici 3 ans…).
Ce refus d’obéir d’A. REFALO fut vite suivi de sanction : 2 jours de salaire lui ont été retenus.
Il dénonce une mise au pas de l’éducation française axée sur le système anglais : introduction
d’une logique de l’évaluation au détriment du plaisir d’apprendre.
Cahier des charges
— suppression du samedi matin : réorganisation brutale sans concertation
— logique de compétition et non de coopération
— suppression de la carte scolaire : une école à deux vitesses
— installation des EPEP (établissements publics d’enseignement primaire), regroupement de 15
classes sous tutelle des communes et collectivités
— remise en cause de la recherche pédagogique
— disparition des formations avec suppression des IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres)
— recrutement des nouveaux enseignants à bac+5.
La résistance pédagogique devient désobéissance civile.
Zarha BOUDJEMA, sur la question de l’Éducation populaire
— lancement pour les enfants de moins de trois ans d’une émission de télé par le CSA (Conseil
National de l’audiovisuel) !
Qu’est-ce qui ne va pas dans la recherche et à
l’Université ?
Isabelle THIS SAINT-JEAN, professeure à l’université Paris 13 et présidente de
« Sauvons La Recherche »

« L’attaque des institutions est radicale. » Elle parle de « valse à 4 temps ».
— la stratégie du déclin et de la peur
— la stratégie de saucissonnage et d’enfumage : couper en tranches les réformes, atteindre les
gens par petits secteurs, nous isolant les uns les autres
— le service après-vente : l’omniprésence médiatique
— la menace : discours du 22 janvier de N. SARKOZY.
« Nous devons mettre en place des modalités de réaction ».
Alain ABELHAUSER, professeur à l’université de Rennes 2, psychanalyste
« L’Université est sur le point de passer de l’ère de la culture à celle du résultat (technocratie). Face
à cela, il s’agit de «jouer la carte de la désobéissance civile et de l’inservitude civile. »
Cahier des charges
— dégradation du niveau de considération des publications des enseignants chercheurs : l’AERES
(Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) établit une liste de revues
en s’étendant sur des critères plus qu’équivoques (est considéré comme publiant un enseignant
chercheur qui durant un quadriennal a publié 2 articles dans des revues classées A, B ou B’ ; or,
ce que récusent les enseignants, c’est le principe même d’une quelconque évaluation consistant
à édicter dans quelle revue il serait bon de publier)
— en savoir plus : http://www.aeres-evaluation.fr/Psychologie?var_recherche=revues
— publier vite et sale.
Vincent ESTELLON, maître de conférences Université de Paris 5
Il dénonce le décret Pécresse sur la réforme du statut des enseignants-chercheurs.
Qu’est-ce qui ne va pas à l’hôpital ?
Marie-José DEL VOLGO, maître de conférences-PH et directeur de recherche
à l’université d’Aix-Marseille

« Les publications ne sont pas lues, elles sont comptées. L’hôpital perd son sens de l’hospitalité
pour tous. Les patients sont des clients ! »
Didier DREYFUS, professeur de réanimation médicale, chef de service,
université Paris-Diderot

Voir l’article « Traitement de choc pour tuer l’hôpital » M. GRIMALDI.
« Les professionnels sur le terrain ressentent les effets d’une peur organisée, comme un écho à la
collaboration. »
Cahier des charges
— l’hôpital « chronicise » la maladie
— on nous demande de faire du chiffre
— au lieu de mourir dans 1 an ou 2, faire courir sur 10 ans.
Claude ÉGULLION, gynécologue-obstétricienne, médecin coordinateurprésidente
de la CME (Commission médicale d’établissement) maternité des
Bluets-Hôpital P. Rouquès

— le nombre d’accouchements en maternité est passé de 1500 à 2800 sans augmentation de
personnel.
Qu’est-ce qui ne va pas dans le soin psychique et la santé
mentale ?
Laurent LE VAGUERÈSE, psychiatre, psychanalyste responsable du site
oedipe.org

« La protection de l’intime est un des fondements essentiels de la démocratie. Une véritable approche
de l’enfant a pu être mise en place avec 307 CMPP (Centres Médico-Psycho-Pédagogiques)
en France et 2000 enfants suivis avec possibilité pour tous les enfants et leurs familles de
consulter librement. Cette approche est remise en cause. »
Franck CHAUMON, psychanalyste
« Une société se juge à la place qu’elle fait à la folie, sur la base de comment elle juge le non
humain » avance t-il et poursuit « Nous assistons à une casse de l’hôpital psychiatrique et entrons
dans l’ère de l’hôpital entreprise. »
Cahier des charges
— 800 postes vacants en psychiatrie, non pourvus
— police de la pensée : empêcher à l’avance une pensée criminelle, anti-sociale
— priver des gens de leur liberté pour des choses qu’ils seraient susceptibles de faire.
« Pour N. SARKOZY, toute pensée folle serait, pourrait être une pensée criminelle.
Les psychiatres entrent en désobéissance.
Comment vivons nous avec l’inhumain que nous avons tous en nous, c’est ça la question. C’est
une question de civilisation. « Nous sommes tous des schizophrènes dangereux. »
La traiter par tant de sécuritaire c’est porter atteinte à notre dignité d’être humain. »
Les audios des interventions de l’après-midi :
la parole est donnée à la salle secteur par secteur
ENR 1 — http://dl.free.fr/gY5E2cbrC ENR 2 — http://dl.free.fr/uRJr0J5rg
ENR 3 — http://dl.free.fr/brfD1WGHw ENR 4 — http://dl.free.fr/uGs1z3vIb
ENR 5 — http://dl.free.fr/mq5yxOBci ENR 6 — http://dl.free.fr/cNgXa1B0q
En fin de journée… Les perspectives
Les prolongations se tiennent, les témoignages fusent et la proposition des organisateurs de
rendre la parole au sujet a largement trouvé son écho. De 15h à 20h ! La parole colorée de soulagement
mais aussi parfois en effet de colère ou de peine n’a eu de cesse de vouloir encore dire,
au point peut-être de se sentir frustrée.
« Tout ne se dira pas aujourd’hui, tout ne se fera pas aujourd’hui » convient Roland GORI. « Nous
mesurons le poids du déficit démocratique et la demande de se réapproprier la parole » poursuit-il.
Le cahier des charges accompagné de ses témoignages est toutefois bel et bien dressé. C’est là.
Il reste à voir ce qui peut être fait de ces différentes revendications. Après avoir convoqué les sujets
et citoyens à dire ce qui n’allait pas, se pose la question pour l’Appel d’avancer sur ce qui est
à faire de ce malaise contemporain enfin énoncé ensemble comme :
— l’effondrement programmé du service public et le processus de privatisation de tous les secteurs
— la recentration des pouvoirs dans les mains d’un seul flirtant avec des relents de collaboration
— les libertés publiques menacées et amputées au nom du tout évaluable, objectivable, quantifiable
— dictature, totalitarisme instrumentalisant la peur pour justifier une politique sécuritaire : le règne
de la peur s’appuyant sur le fou, l’étranger, le moins un d’exception
— l’incidence subjective sur nos fonctionnements psychiques, engendrant une « pathologisation »
de l’existence nous mettant à l’extrême limite de la démocratie
— la mise au pas des sujets avec des mises en concurrence, l’objectivation, la déchétisation de l’humain.
C’est de cette plainte et du prix qui ne veut plus être payé, celui du dispositif libéral qu’il s’agit
dès lors de poser en perspective. Après avoir invité les uns et les autres d’ores et déjà à se risquer
à dire leur « inservitude volontaire » pour reprendre le terme de Roland GORI, comment devenir
ensemble et quel devenir à ce courage de toute évidence soutenu ? Après s’être exprimé sur
cette juste « inservitude volontaire » R. GORI invite Stefan CHEDRI, co-initiateur de l’Appel, à apporter
ses précisions. Lié aux fondamentaux grecs sur la question du politique au sens des affaires
de la Cité, de l’agora, la place publique, S. CHEDRI pose ce rendez-vous comme celui de la
possibilité d’y revenir et de se réapproprier la chose publique, Res Publica. L’enjeu est de taille et
répond à l’urgence de réagir à ce que bon nombre de participants à cette journée nomment « dictature
soft » qui avance sous le masque d’une démocratie que S. CHEDRI qualifie d’autoritaire.
« Les politiques ne construisent plus des lois pour construire un pays mais pour contrôler des individus
». La faille résiderait dans une désarticulation. « Les Grecs n’y sont pas arrivés » lance-t-il.
Désarticulation entre l’un, le multiple et le devenir. 2600 ans ont passés depuis, qu’en avons nous
tiré ? Que pouvons-nous en faire ? Les mots clés sont lâchés et viennent fort heureusement éclairer
le sens à donner à cette journée traversée par l’espoir, la plainte, la confiance et puis le doute
à ce moment où R. GORI vient à dire après s’être référé à la Résistance et soutenu en ce jour de
l’Appel tant de témoignages, qu’il ne s’associera pas à des mouvements de désobéissance civile !
(Il conviendrait de définir ce que R. GORI distingue entre « inservitude volontaire » et désobéissance
civile…). Son attachement aux valeurs républicaines, à la loi l’emportent. Il conviendra toutefois
au refus de la normalisation, à la fabrication de cet « homme nouveau », celui objectivé, évalué
pour servir le néolibéralisme. Son soutien se portera par contre sur la contestation des dispositifs
désubjectivant l’individu. C’est cette singularité de la position politique, citoyenne que S. CHEDRI
pointera comme nécessaire « multiplicité », car les points de vue des participants à la tribune sont
libres et différents, la pensée n’y est pas unique, ce qui est dès lors rassurant ! M. J. MONDZAIN ne
rappelle-t-elle pas l’urgence à remettre en service le mot de « Révolution » ? S. CHEDRI nous le remet
à l’esprit et précise qu’il soutient pour sa part la lettre de désobéissance civile expédiée par
A. REFALO à son inspection. « Chacun d’entre nous sait où il en est et est organisé dans une institution,
un réseau… gardons cette multiplicité et faisons de ces temps de regroupement cet « un »
pour construire un « devenir » ensemble » dit-il en substance. « Ainsi pourront se constituer des
contre-pouvoirs en fonction des réalités locales et des spécificités des secteurs. C’est par ces
spécificités qu’une force politique unie peut surgir dont le devenir est de créer un rapport de force.
L’enjeu de cet appel est dès lors de faire consistance : faire un tout en restant multiple, cela
n’est possible qu’en gardant la multiplicité des lieux constitutifs de contre-pouvoir. Cette synergie
est vitale pour la démocratie. Nous devons garder notre hétérogénéité et permettre la mise en
place d’un plateau technique qui prendra la forme d’un forum et non pas un centre de pouvoir »
précise t-il ! « C’est bien pourquoi en aucune façon, l’Appel ne peut être un mouvement des mouvements,
une direction centrale mais plutôt une organisation en réseau, transversale, c’est-à-dire
constituée de tous les secteurs catégoriels et professionnels et non pas pyramidale ».
Concrètement, c’est la constitution de comités locaux
qui pourront voir le jour.

Notes par Nathalie PLET, étudiante SHC (Sciences Humaines et Cliniques) Paris 7
[email protected]


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